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jeudi 8 novembre 2007

Paracha Toledot : Les puits d'Isaac

« Isaac partit de là, il campa dans la vallée de Gherar et s’y établit. Isaac creusa à nouveau les puits d'eau qui avaient été creusés du temps d'Abraham, son père et que les Philistins avaient comblés après la mort d'Abraham. Il leur donna les mêmes noms que leur avait donnés son père ». Berechit 26,18.

Le problème de l'eau en Israël n'est pas nouveau et l’on sait l’importance de la place qu’il tient encore aujourd’hui dans cette région. Dès l'installation d'Abraham dans ce pays, surgit la question de la possession des sources d'approvisionnement en eau. Dans l'Antiquité, les villes s'établissaient tout naturellement autour d'un puits fermé avec une grosse pierre nécessitant le concours de plusieurs hommes pour la rouler afin de pouvoir contrôler la quantité d'eau utilisée par les bergers et de la distribuer de manière équitable...

Mais à la lecture du texte, nous constatons que cette préoccupation urgente d'ordre économique est vite dépassée et prend une tournure d'ordre spirituel. En effet, non seulement Isaac creuse des puits à l’endroit où ils avaient déjà existé, mais il prend soin de leur redonner les mêmes noms que son père leur avait donnés. Pour quelle raison la Torah insiste-t-elle sur cet épisode et sur les noms qu'Isaac donna à ces puits ?


Le trait d’union

Il faut rappeler que dans la tradition juive, l'eau représente la source d'inspiration, la Torah. Le prophète Jérémie n’utilise-t-il pas ce symbolisme du puits pour évoquer l’infidélité des enfants d’Israël : " ils m’ont abandonné, Moi, source de vie pour se creuser des citernes crevassées, qui ne peuvent retenir l’eau ". Le prophète fait allusion aux autres civilisations qui ont attiré les enfants d’Israël, sans leur apporter les bienfaits spirituels qu’ils pensaient y trouver. Et par ailleurs, on trouve dans les Proverbes de Salomon, cette phrase merveilleuse :

"Mayim amouqim étsa belèv ich, ve-ich tevounah yidléna" "Telles des eaux profondes, les idées abondent dans le coeur humain mais l'homme avisé sait y puiser".

Chaque homme recèle en lui des étincelles de lumière, et particulièrement en chaque juif sont enfouis des trésors de vérités entendues au Sinaï, mais seuls quelques individus intelligents savent y puiser pour orienter leur vie.

Abraham Avinou est de ces hommes avisés. Malgré son amour pour ses contemporains, il n’a jamais abandonné la moindre parcelle de son idéal pour se préserver de tout syncrétisme religieux et de tout amalgame sur le plan moral. Abraham avait triomphé de l'épreuve de l'assimilation, tout en vivant en bonne harmonie avec son entourage, sachant se fixer des limites à ne pas dépasser pour préserver son identité et son idéal.

Isaac, à son tour, saura puiser dans son propre puits et sauvegarder sa source d'inspiration. Il creusera les puits déjà creusés par son père, et leur donnera les mêmes noms que ceux donnés par son père.

La Torah veut nous enseigner ainsi la ligne de conduite garante de la pérennité du peuple juif : nous devons vivre le même judaïsme que notre ancêtre Abraham mais à notre manière, selon l’esprit de notre époque, tout en préservant nos liens avec le passé, notre histoire et nos traditions, telles les eaux du puits qui se renouvellent sans cesse.

Isaac est confronté par les mêmes problèmes, mais les circonstances sont différentes. Il les résout à sa manière, selon sa vocation, son tempérament, mais en s’inspirant de la tradition et l’enseignement de son père.

Continuité et renouvellement

La Torah veut nous dire que ce phénomène est normal et tout à fait naturel. Chaque génération possède sa propre approche de la même réalité, des mêmes impératifs. Nous vivons le même judaïsme que nos ancêtres Abraham, Isaac et Jacob, mais à notre manière. L’aspect extérieur n’entame en rien la pureté du message que chacun est tenu d’intérioriser et de conserver dans son intégralité.

"Telles des eaux profondes, les idées abondent dans le cœur humain".

Le problème de langage, bien sûr, est d'une importance extrême lorsqu’il s’agit de réveiller la conscience juive qui gît au fond du cœur de tous ceux qui se rattachent encore au peuple d'Israël, même par le fil le plus ténu. Ce n’est pas un problème accessoire, il est même indispensable. Le message de la Torah est sublime, encore faut-il savoir en parler dans le langage des hommes, comme le fait la Torah elle-même, pour être compris et communiquer avec le langage de notre temps pour faire passer le message.

Grand Rabbin Jacques Ouaknin.

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