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30 mars 2012

Yusuf al-Qaradawi, interdit de séjour !

Yusuf al-Qaradawi 

Interdit de visite en France à l'occasion du prochain rassemblement annuel de l'Union des organisations islamiques de France, Yusuf Al-Qaradawi est une star médiatique dans le monde musulman sunnite. Portrait de ce prédicateur ultrafondamentaliste. 

Il était attendu comme une véritable star au prochain rassemblement annuel organisé par l'Union des organisations islamiques de France (Uoif), au Bourget, du 6 au 9 avril. Après le traumatisme suscité par les tueries de Montauban et Toulouse, il est désormais interdit de séjour sur le sol français. A 86 ans, Yusuf Al-Qaradawi est le plus célèbre et le plus influent prédicateur du monde musulman sunnite. Connu pour ses positions ultraconservatrices, mis en cause pour ses nombreuses déclarations haineuses contre les juifs et ses appels au Djihad, cet égyptien d'origine qui a aujourd'hui la nationalité qatariote, a su s'emparer de la modernité technologique pour diffuser son message à l'échelle planétaire. Prêcheur cathodique, Al-Qaradawi est devenu le premier "Global mufti" (le titre de biographie qui lui ont consacré deux universitaires allemands en 2009), porte-voix d'un islam mondialisé.  
L'homme, le "seigneur de la maison"
Chaque semaine, des millions de téléspectateurs suivent pendant deux heures "La Charia et la vie", son émission, diffusée en direct sur Al-Jazira. Ils peuvent lui poser des questions sur toutes sortes de sujets, depuis la finance islamique, dont il est un spécialiste, jusqu'à la sexualité. Le cheikh Al-Qaradawi, barbe et turban blancs, petites lunettes cerclées et canne à la main, dispense aussi ses fatwas (avis religieux) sur le site internet islamonline.net et alqaradawi.net. Il est également l'auteur de plus de cent trente ouvrages, dont Le licite et l'illicite en islam, considéré comme livre le plus vendu dans le monde musulman, après le Coran. Dans ce bréviaire ultrafondamentaliste, Al-Qaradawi expliquait que l'homme, le "seigneur de la maison", peut "corriger sa femme, tout en évitant de la frapper durement et en épargnant son visage." L'homosexualité y est désignée comme une "perversion de la nature", un "péché répugnant". D'où la nécessité d' "épurer la société islamique de ces êtres nocifs qui ne conduisent qu'à la perte de l'humanité." Ce livre avait été interdit à la vente en France en 1995. On le trouve aujourd'hui très facilement dans la plupart des librairies islamiques... 
Né en 1926, membre de la confrérie des Frères musulmans, Al-Qaradawi a été emprisonné à quatre reprises, entre 1949 et 1962, pour ses activités politico-religieuses. Déchu de sa nationalité égyptienne, il s'exile au Qatar en 1971. A Doha, capitale du richissime petit émirat, il a fondé le "Centre pour le renouveau et la modération en islam", au sein de la faculté d'études islamiques du Qatar. 

Prosélytisme en Europe

En fait de "modération", Yusuf Al-Qaradawi a régulièrement émaillé ses prêches de déclarations incendiaires. En 2004, apportant son soutien au Hamas, il justifiait le recours aux attentats suicides en Israël. En janvier 2009, il déclarait sur Al-Jazira: "Tout au long de l'histoire, Allah a imposé [aux juifs] des personnes qui les puniraient de leur corruption. Le dernier châtiment a été administré par Hitler. [...] C'était un châtiment divin. Si Allah veut, la prochaine fois, ce sera par la main des musulmans. "Quelques années plus tôt, le Cheikh, qui affirme avoir refusé à plusieurs reprises de devenir officiellement le guide des Frères musulmans, avait fait cette prédiction: "L'islam va retourner en Europe, comme un conquérant et un vainqueur, après en avoir été expulsé à deux reprises. [...] Cette fois-ci, la conquête ne se fera pas par l'épée, mais par le prosélytisme et l'idéologie." 
Al-Qaradawi s'intéresse en effet à l'Europe. Il préside le Conseil européen de la fatwa et de la recherche (CEFR), établi à Dublin. Cette instance théologique se donne pour objectif de délivrer aux populations musulmanes d'Europe une base juridique "minimum" pour vivre leur foi dans des sociétés où elles sont minoritaires. C'est d'ailleurs en tant que président du CEFR, auquel est affilié l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), que Yusuf Al-Qaradawi était invité au Bourget. Il avait déjà effectué au moins deux visites en France. En 1992, dans la Nièvre, il présidait la première cérémonie de remise de diplômes à l'Institut européen des sciences humaines, une école de formation des imams encadrée par l'UOIF. En 2002, il été accueilli en grande pompe, à Paris pour le congrès annuel du CEFR. Mais, à l'époque, il ne suscitait semble-t-il aucune méfiance auprès des autorités françaises. 

Boris Thiolay
l'Express, 26 mars 2012