La Paracha de cette semaine, poursuit le cheminement du livre de Vayikra dans sa quête de la Kédoucha, la sainteté, accessible à l’homme. La section de A’haré-mot, souvent lue de manière conjointe avec Kédochim, nous introduit, sur ce sujet, des notions fondamentales. Rappelons-nous également que ce sont des extraits de cette Paracha que nous lisons le jour de Kippour, jour où nous prions toute la journée pour nous purifier.

Ce jour-là, nous relisons dans la Torah les versets relatifs aux unions interdites mentionnées dans notre texte. De toute la Torah, et de tous les commandements prescrits à l’homme, ce sont ceux-ci qui ont été choisis par nos Sages pour être lus l’un des jours les plus solennels de notre calendrier. Et de fait, il se joue dans ces prescriptions un enjeu essentiel de la condition humaine et de la capacité de l’homme à s’élever dans la sainteté.

Commençons par nous intéresser aux propos qui précédent l’énumération des unions interdites. Les mots de la Torah sont particulièrement forts et appellent l’homme à éveiller toute sa conscience et sa sensibilité à ces enjeux. C’est Hachem qui s’adresse aux hommes directement en leur rappelant que c’est Lui qui est à l’origine de cette législation relative aux mœurs : « c'est moi, l'Éternel, qui suis votre D.ieu ! Les pratiques du pays d'Egypte, où vous avez demeuré, ne les imitez pas, les pratiques du pays de Canaan où je vous conduis, ne les imitez pas et ne vous conformez point à leurs lois. » (Levitique, ch. 18, 2-3)

Ecoutons, à présent, les commentaires deRachi sur ces versets (traduction J. Kohn) :

Je suis Hachem votre Éloqim : Je suis Celui qui a dit au Sinaï : « Je suis Hachem ton Éloqim » (Chemoth 20, 2), et vous avez accepté ma royauté. Acceptez désormais mes ordres ! Rabbi a enseigné : Il Lui était clair et connu qu’ils allaient un jour se détacher de Lui et sombrer dans la débauche à l’époque de ‘Ezra. Aussi est-Il venu vers eux en ordonnant : « Je suis Hachem votre Éloqim », ce qui veut dire : « Sachez qui vous l’ordonne : un juge apte à punir, mais digne de confiance pour ce qui est de récompenser. »

Comme l’activité du pays d’Egypte : Cela nous apprend que les pratiques des Egyptiens et des Cananéens étaient plus dépravées que celles de toutes les autres nations, et que la région où a habité Israël était plus dépravée que toutes les autres (Torat Cohanim).

Et selon leurs statuts vous ne marcherez pas : De quoi le texte a-t-il voulu parler en ne citant que ces comportements-là ? De leurs institutions, devenues leur partie intégrante, comme les théâtres et les arènes. Rabbi Méir a enseigné : Des pratiques des Emoréens énumérées par les Sages (Chabbath 67a et b).

En matière de sainteté, il semble que le premier mouvement doit être d’apprendre à « se séparer ». Cette séparation se joue à différents niveaux, d’une part séparer le permis de l’interdit, mais d’autre part séparer également, au sein de ce qui est autorisé, ce qui relève d’une pratique digne et ce qui relève d’une pratique indigne.

La sainteté ne s’acquiert que lorsque l’on chérit et que l’on respecte les prescriptions de la Torah, que l’on cherche à les protéger et en faire un outil d’élévation vers Hachem. Enfin, l’homme doit aussi apprendre à se séparer de toutes les influences négatives afin qu’elles ne l’affectent pas et n’altèrent pas sa spiritualité. Evidemment, la Torah ne conduit jamais l’homme à l’isolement et au retranchement du monde matériel, mais elle n’ignore pas non plus les dangers de l’assimilation et de l’influence délétère des mauvaises fréquentations.

En l’occurrence, comme l’explique Rachi, notre texte nous invite à nous séparer des pratiques des autres peuples au sein desquels Israël vivait, et nous exhorte à ne pas chercher à les imiter, et à ne pas imiter plus particulièrement leurs coutumes et mêmes leurs « lois », leurs « ‘Houkim », employant ainsi le même terme qui désigne les lois de la Torah, notamment celles qui ne trouvent pas d’explications rationnelles.

Le choix de ce terme « ‘Houkim » n’est bien sûr pas anodin, et il révèle une tendance naturelle qui peut naître dans le cœur de l’homme lorsqu’il cohabite avec d’autres individus. En effet, cette cohabitation amène l’homme à intégrer dans sa vie des paramètres qui à l’origine lui étaient étrangers, et qui pouvaient même le choquer. Toutefois, la force de l’habitude, de la routine et du quotidien ont vite fait d’émousser sa sensibilité et de banaliser ce qui ne l’est pas. Aussi peut-il en venir, D.ieu préserve, à intégrer en lui-même des comportements et des valeurs qui, à l’origine, lui sont étrangers. Parfois, il les intègre si profondément qu’il ne les questionne même plus, il les applique sans se poser de questions. A cet égard, ils peuvent devenir des ‘Houkim, des principes qui échappent à la raison.

Les mots de notre Paracha ont une résonnance toute particulière à notre époque, et notamment pour ceux qui habitent en France. Il est difficile de sortir dehors sans être surpris par des images impudiques, ou bien par des comportements ou des publicités inouïes. Il est même parfois difficile de s’en émouvoir sans craindre de passer pour un fanatique tant ces mœurs ne semblent plus étonner quiconque.

Et pourtant, notre Paracha nous rappelle opportunément que ce combat pour la sainteté n’est pas une vue de l’esprit d’une poignée d’illuminés. Il se joue sur ce point un enjeu essentiel de la condition humaine et de la capacité à accéder à la sainteté. Ce n’est évidemment pas simple, mais il faut commencer, chacun à sa mesure, à questionner certaines évidences qui nous entourent, apprendre à se resensibiliser à des émotions et des situations que l’on a banalisées à tort. Cela suppose de réfléchir à l’importance du regard et de la vision, de sanctuariser la relation entre l’homme et la femme et de se renforcer en permanence dans les paroles de la Torah et de nos Sages, afin de préserver nos véritables valeurs.

La quête de la sainteté, de la Kédoucha, va de pair avec la volonté de retrouver notre véritable « lieu », non seulement la terre d’Erets Israël avec la venue très prochaine si D.ieu veut de notre Libérateur, mais aussi notre propre « lieu », la source originelle de notre Néchama, la matière première avec laquelle nous sommes faits, qui nous donne un souffle de vie et appelle chacun d’entre nous à assumer la sainteté à laquelle Hachem nous a destiné. Car le déracinement, aussi bien matériel que spirituel, n’a jamais le dernier mot dans la Torah, il n’est qu’un passage avant le retour aux sources, comme l’indique merveilleusement le prophète Amos dans notre Haftara : « Je les replanterai dans leur sol, et ils ne seront plus déracinés de ce sol que je leur ai donné, dit l'Eternel, ton D.ieu."