Dans cette Paracha de Réé, la Torah nous enjoint de faire de la Tsédaka et promet une bénédiction spéciale à celui qui accomplit cette Mitsva avec Sim’ha (avec joie).

« Tu lui donneras [au pauvre] et ton cœur n’éprouvera pas de ressentiment en lui donnant, car c’est grâce à cela qu’Hachem, ton D.ieu, te bénira dans toutes tes actions et toutes tes entreprises. »[1]

La Guémara détaille le nombre de Brakhot que l’on reçoit quand on donne la Tsédaka : « Rabbi Its’hak dit : "Celui qui donne une Prouta (petite somme d’argent, l’équivalent de quelques centimes) à un pauvre bénéficie de six bénédictions et celui qui lui parle gentiment [en lui donnant la Prouta] reçoit onze Brakhot [supplémentaires]." »[2]. Le Gra explique que ces 17 bienfaits sont mentionnés par allusion dans le Passouk – la Torah affirme que la personne recevra la bénédiction « grâce à Davar Hazé » — le mot « Hazé » a pour valeur numérique 17, qui correspond nombre maximal de Brakhot que l’on peut recevoir quand pratique la charité de façon optimale.[3]

Cette Guémara semble difficile à comprendre. Elle affirme que l’individu reçoit presque le double de bénédictions en parlant amicalement qu’en donnant de l’argent. Être avenant est certes une preuve de bonne conduite, mais pourquoi est-ce plus noble que de donner à l’indigent la monnaie dont il a tant besoin ? Un point semblable, détaillé dans Avot Dérabbi Nathan, peut nous aider à éclaircir ce point. « Il faut saluer tout le monde jovialement… Si une personne donne à son prochain tous les cadeaux du monde, mais que son visage est maussade, c’est comme si elle n’avait rien offert. En revanche, celui qui salue l’autre plaisamment, même s’il ne fait aucun don, est considéré comme quelqu’un qui lui a proposé tous les meilleurs cadeaux du monde. »[4]

Le Sifté ’Haïm explique que les gens souhaitent avant tout que les autres se soucient d’eux, leur témoignent un certain intérêt. Offrir un cadeau montre que l’on prend en compte les besoins de son prochain. Mais sans affabilité et bienveillance, l’objectif principal du don n’est pas atteint, car celui qui en bénéficie ne ressent pas qu’on se préoccupe sincèrement de lui.[5] On comprend donc pourquoi celui qui donne de la Tsédaka avec le sourire apporte plus que des pièces ; il montre à son prochain qu’il compte.

Dans un monde où les gens ne sont souvent pas suffisamment appréciés, le fait de saluer autrui montre que nous le considérons comme quelqu’un d’important. Ceci s’applique également aux non-juifs et particulièrement aux personnes que nous avons tendance à ignorer, comme les chauffeurs de taxi, les balayeurs de rue, les gardes de sécurité…[6]

Un juif était employé dans une conserverie de viande, en Norvège. À la fin d’une de ses journées de travail, il alla vérifier l’un des réfrigérateurs. Le loquet de la porte d’une chambre froide s’est cassé, enfermant l’homme à l’intérieur. Il essaya de tambouriner et de hurler, mais rien n’y fit. La plupart des salariés avaient déjà quitté l’usine et le bruit était étouffé par la lourde porte. Il resta dans la chambre froide pendant cinq heures ; il était presque mort, quand la porte s’ouvrit soudain. Le garde de sécurité entra et sauva la vie du juif. On lui demanda plus tard pourquoi il avait pensé à ouvrir la porte de la chambre froide. Il répondit : « Cela fait trente-cinq ans que je travaille ici. Des centaines d’ouvriers viennent dans cette usine chaque jour. Ce juif est le seul qui me dit "bonjour" le matin et "au revoir" le soir. Tous les autres me considèrent comme un invisible. Aujourd’hui, il m’a dit "bonjour", mais je n’ai pas entendu son "au revoir". J’attends impatiemment ces salutations chaque jour. Ne l’ayant pas entendu ce soir, j’ai compris qu’il était forcément encore dans le bâtiment et je me suis mis à sa recherche. »[7]

Essayons d’être comme ce juif qui le saluait quotidiennement et NON comme tous les autres qui faisaient comme s’il n’existait pas.

Notons qu’il ne s’agit pas simplement de bonnes midot (traits de caractère), mais d’obligations qui incombent à chaque juif. Rav Dessler zatsal souligne que la Michna dans Avot qui nous demande de saluer l’autre amicalement est rapportée au nom de Chamaï. Il aurait été plus approprié que cet adage soit dit au nom d’Hillel, qui est associé au ’Hessed, plutôt qu’à celui de Chamaï, connu pour sa Midat Hadin (sa rigueur). Rav Dessler en déduit que le fait de saluer notre prochain cordialement est un ’Hiyouv Gamour (un devoir)[8].

Par ailleurs, la Guémara affirme que celui qui sait que son ami le salue régulièrement doit essayer de le devancer. Et s’il ne répond pas à ses salutations, il est appelé « voleur »[9] ! Rav Dessler explique que celui qui s’abstient de saluer son prochain en retour lui ravit son estime de soi, ce qui est une très grave faute. Quand on fait Téchouva sur les diverses formes de vol, il faudrait inclure la « Guézélat Chalom » et s’engager à être plus amical à l’avenir.

Comment s’améliorer dans ce domaine fondamental de la Avodat Hachem ? Essayons, tout d’abord, de remarquer toute personne dans le voisinage qui ne semble pas connaître grand-monde, et de nous lier d’amitié avec elle. Ceci s’applique en particulier aux nouveaux membres d’une communauté, qui se sentent naturellement inconnus et insignifiants dans leur nouveau quartier. Il vaudrait même la peine de dire un mot gentil à toute personne avec qui nous n’avions jamais fait l’effort de parler aimablement.

Puissions-nous tous mériter de traiter notre prochain comme il se doit.



[1] Parachat Réé, Dévarim, 15:10.

[2] Baba Batra, 9b. Les parenthèses sont utilisées pour expliquer la Guémara selon l’interprétation du Gra.

[3] Rapporté dans Talélé Orot, Dévarim A, p. 261.

[4] Avot Dérabbi Nathan, Ch. 13.

[5] Sifté ’Haïm, Moadim, 3ème volume, p. 275, note 11.

[6] Relevance, Roth, p. 170-171.

[7] Impact, Kaplan, p.76.

[8] Mikhtav Mééliyahou, 4ème volume, p. 146-147.

[9] Brakhot, 6b.