Parachat Chémot. Au cours de l’esclavage qu’il fit subir au peuple juif, Pharaon reçut l’information, par ses astrologues, qu’un bébé devait naître et délivrer le Klal Israël de ce terrible exil. Pharaon déploya de nombreux efforts pour empêcher cette prédiction de se réaliser. Il décréta, par exemple, de jeter tout nouveau-né mâle dans le Nil.

Le Steipler zatsal souligne l’ironie de la situation qui s’ensuivit. Quand Moché Rabbénou naquit, Yokhéved le plaça dans un panier qu’elle laissa couler le long du fleuve vers une destination inconnue. Son sauvetage fut effectué par Batya, la fille de Pharaon, qui le sortit de l’eau. Le jeune Moché grandit ensuite dans le palais de Pharaon, et fut élevé par le roi en personne. Tous ses efforts pour influer sur le cours des événements échouèrent. Le Steipler en déduit que si Hachem souhaite que quelque chose se produise, aucun effort de notre part ne pourra changer Ses plans[1]. Certes, il convient parfois de faire notre Hichtadlout pour une cause, mais la réussite d’un projet dépendra toujours de la Providence.

Autant le succès que l’échec sont au-delà de notre contrôle, dans la Gachmiout (la matérialité). Il existe cependant une façon de modifier ce qui fut décrété à Roch Hachana. Le Steipler écrit que les efforts dans le domaine spirituel peuvent transformer le décret. La Guémara affirme que la Téfila peut changer un Gzar Din. Plus loin, elle nous informe que la Téchouva peut amoindrir les dommages causés par un mauvais décret. Par exemple, la Téchouva d’un individu peut entrainer une pluie bienfaisante bien qu’il ait été décidé qu’elle soit rare. De même, si une personne devait gagner peu d’argent au cours de l’année (à cause de son niveau spirituel bas à Roch Hachana), cet argent peut être plus bénéfique que prévu et lui suffire, grâce à sa Téchouva.

Bien que le fait de s’élever spirituellement puisse sauver une situation financière, il est important de garder à l’esprit que l’avantage principal d’un tel changement est le rapprochement avec Hachem qu’il génère. Très souvent, une perte d’argent permet à l’homme de se focaliser davantage sur l’aspect spirituel des choses. Si ses affaires périclitent soudainement et qu’il est moins pris par son activité, il peut réagir de deux manières : soit travailler plus dur pour tenter vainement de stopper la spirale descendante, soit accepter le déclin économique et saisir l’opportunité pour étudier plus de Torah ou pour faire plus de ’Hessed.

On peut prendre exemple sur l’incroyable histoire de l’illustre dynastie de Talmidé ’Hakhamim de la famille Soloveitchik.

Du temps de Rav ’Haïm de Volozhin, vivait un homme riche et craignant D.ieu du nom de Rav Moché Soloveitchik. Il avait hérité sa fortune de ses parents. Possédant de grandes zones forestières, il s’était lancé dans le business du bois, coupait ses arbres et les vendait à profit. Son emploi du temps chargé ne lui permettait pas d’étudier longtemps ; il n’était pas connu comme un Talmid ’Hakham, mais était très généreux et utilisait son argent pour accorder des dons importants à la Tsédaka. Mais il perdit soudainement tous ses biens et resta sans sou ni maille.

Tous ses amis se demandèrent comment un tel philanthrope pouvait souffrir d’un tel malheur. Un bilan minutieux montra qu’il n’avait jamais volé, omit de payer une dette ou même de pratiquer la charité.

De son côté, Rav Moché n’ayant pas de travail à effectuer, se dirigea vers le Beth Hamidrach (la maison d’Étude) et s’engagea dans un Limoud vigoureux. Peu à peu, il dévoila ses talents cachés et tout le monde comprit qu’il excellait dans l’étude de la Torah. Il fit bien vite partie des plus érudits de sa ville et devint finalement le Av Beth Din (dirigeant du tribunal rabbinique) de Kovno. Il encouragea ses fils à suivre son exemple, ce qu’ils firent. Rav ’Haïm comprit alors pourquoi Rav Moché avait perdu sa richesse si subitement. Il méritait, grâce à sa générosité, d’avoir d’illustres descendants. Or, il est plus facile de se consacrer à l’étude de la Torah quand on n’est pas absorbé par la matérialité ; donc son argent lui fut retiré afin qu’il s’éloigne des affaires mondaines et qu’il se voue à l’Étude et afin qu’il trace la voie pour plusieurs générations d’éminentes figures[2].

Quand les événements semblent nous compliquer la vie, il est parfois difficile d’y faire face, mais nous devons savoir que chaque challenge est une opportunité de franchir un cap et de s’améliorer.

Nous apprenons des efforts vains de Pharaon (qui voulut modifier un décret divin) qu’une Hichtadlout physique ne peut changer le destin déterminé par Hachem. La seule réaction utile et productive est d’utiliser le temps gagné par un programme moins prenant pour plus se consacrer à la Rou’haniout.

Puissions-nous tous de réagir correctement aux décrets d’Hachem.



[1] Birkat Pérets, Parachat Chémot.

[2] On compte un grand nombre de Guédolim issus de cette dynastie, dont le Beth Halévy, Rav ’Haïm Soloveichik et le Rav de Brisk zatsal.