a) La Torah interdit la « 'Hanifout », la complaisance, ou l’indulgence vis-à-vis d’un criminel, l’arrangement ou la conciliation avec un coupable. Elle l’exprime au sujet de ces juges qui accepteraient un paiement en argent, afin d’absoudre un meurtre :

« Vous n'accepterez point de rançon pour la vie d'un meurtrier qui mérite la mort, car il sera puni de mort. Vous n'accepterez point de rançon, qui lui permettra de s'enfuir dans sa ville de refuge, et de retourner habiter dans le pays après la mort du sacrificateur. Vous ne corromprez point le pays où vous serez, car le crime de sang corrompe le pays; et il ne sera fait pour le pays aucune expiation du sang qui y sera répandu, mais que par le sang de celui qui l'aura répandu. « Vélo Ta'hanifou », vous ne corromprez point le pays où vous allez demeurer, dans lequel Je réside, car Moi D.ieu, J’habite à l’intérieur des fils Israël. » (Bamidbar, 35, 33)

La Torah ne veut pas que l’on absolve le meurtrier, mais qu’on le traduise en justice, qu’on le châtie comme il se doit.

La 'Hanifout semble à première vue plutôt anodine, car finalement elle ne tue personne, mais c’est justement à cause de cet aspect inoffensif qu’elle est extrêmement dangereuse. Elle entraine en fait de graves manquements à la moralité, à sous-estimer la gravité d’un acte immoral, voire à l’indifférence vis-à-vis du péché.

En fait, l’homme doit savoir distinguer ce qui est moral de ce qui ne l’est pas, ce qui est juste de ce qui est injuste, le beau du laid. C’est avec le savoir, l’intelligence et les sentiments que l’on aime ce qui est juste et abhorre ce qui est injuste. Pour ne pas les perdre, il faut cultiver ce savoir et ces sentiments, or, la 'Hanifout les détruit. La flatterie de l’injustice entrave la clairvoyance, l’image de ce qui est juste et de son contraire, émousse les sentiments, fait perdre le dégoût de l’immoralité, jusqu’à ce qu’à la fin on risque de devenir soi-même immoral. Dans le langage juif, on appelle cela perdre sa Yirat Chamayim, sa crainte de D.ieu, et la Yirat 'Hèth, la crainte du péché.

b) Parfois, la justice ne peut être rendue quand le criminel détient le pouvoir ; il est en effet dangereux de condamner un despote. Ce cas est bien illustré dans le Talmud : « L’esclave du roi Yo'hanan Horkenoss avait commis un meurtre, et lui et son maitre furent convoqués au tribunal. Assis, Chimon ben Chéta'h exigea du roi qu’il se lève. Ce dernier refusa tant que les autres rabbins n’exprimaient pas leur solidarité avec le maitre, mais ceux-là, craignant le roi, se dérobèrent. Chimon ben Chéta'h les blâma pour leur faiblesse ; en fin de compte, ce sont ces rabbins qui furent châtiés ».

Bien qu’on soit dans l’impossibilité de traduire un despote en justice, il faudra au moins s’abstenir de le considérer, car cela diminuerait à ses propres yeux, et à ceux des autres, la gravité de ses actes ; c’est de la « 'Hanifout ».

Voici un récit talmudique : « Debout, le roi Agrippas reçut le Rouleau de la Torah et le lit ; les sages le félicitent pour cela. Quand il lit : « tu n’as pas le droit de nommer sur toi un roi non-juif qui n’est pas ton frère », des larmes coulèrent de ses yeux. Les gens lui dirent : n’aies pas peur, tu es notre frère ! A ce moment-là, les (ennemis des) juifs mériteraient l’extermination, car ils faisaient de la « 'Hanifout » à son égard ». Par la suite, le Talmud développe les conséquences de la 'Hanifout. Rabbi Chimon ben 'Halafta dit : « depuis le jour où la 'Hanifout domine, la justice a été dégradée, le comportement des gens s’est perverti, et plus personne ne peut dire à son prochain : je suis meilleur que toi… ». Rabbi Eléazar dit : « Les communautés qui absolvent les péchés, partiront en exil… ».

Dans une circonstance exceptionnelle, où la morale risquait d’être gravement offensée, D.ieu a même salué celui qui a agi avec empressement, zèle et dévouement, en commettant un geste salvateur avec vigueur et fermeté.

c) En ce qui concerne la question à savoir ce qui est moral et ce qui est immoral, nous, juifs, nous nous remettons aux règles fixées par D.ieu. Ainsi, tout rapport hors mariage, et à plus forte raison l’adultère ou l’homosexualité sont défendus, et les deux dernières interdictions sont défendues aussi aux non-juifs, et sont appelées « To'éva », une immoralité abjecte, une profanation du Nom Divin. De même que l’on appelle un chat un chat, la Torah appelle un homosexuel un dévoyé. Comme c’est D.ieu qui les a nommés ainsi, ce n’est que Lui-même qui pourrait l’abolir, et, comme nous n’avons jamais entendu qu’Il l’aurait fait, Ses définitions resteront éternellement.

Les chrétiens et les musulmans reconnaissent aussi l’origine divine de la Torah, leurs livres reprennent les histoires bibliques du déluge et de Sodome et Gomorrhe et la morale qui en découle ; ces perversités sont aussi reconnues comme telles.

Aujourd’hui, où une certaine sécularisation, l’agnosticisme et le libéralisme traversent les sociétés, ce sont les gens eux-mêmes qui veulent définir les règles de la moralité, et, ainsi, certains ne veulent plus reconnaitre l’adultère et l’homosexualité comme immoraux. Ils désirent lever les tabous, et cherchent à supprimer les expressions péjoratives à l’encontre des personnes impliquées, au nom du respect et de la tolérance. Mais ce qu’ils appellent ici la tolérance, la Torah l’appelle de la 'Hanifout. Citons donc quelques extraits d’un cours de Simone Manon : "La tolérance est-elle un vice ou une vertu ?', qui éclaire parfaitement notre propos.

« La tolérance… n’est souvent que vide de la conviction intellectuelle ou anémie spirituelle et morale, ... une société où règne l’indifférence idéologique, replié sur la sphère privée et ses valeurs hédonistes… ., l’indifférence idéologique y fait la loi, la dévitalisation du souci du sens et de la valeur et conséquemment la tendance à croire que toutes les idées sont interchangeables, que toutes les opinions se valent. Il est donc inutile d’apprendre à discerner le vrai du faux, ce qui est proprement penser. La tolérance est une attitude paresseuse et lâche, la prétention à la tolérance est dénuée de sens. Si tout est indifférent, il n’y a rien à tolérer. D’une part, parce qu’il ne peut y avoir du tolérable que sur fond d’intolérable. La tolérance suppose le sens des différences et la capacité de les évaluer. Elle n’est pas cette passivité et cette démission de l’esprit à la faveur desquelles le pire peut avoir droit de cité. En tant qu’elle indique à la fois l’idée d’une acceptation et celle d’une réprobation, la tolérance est au contraire sens aigu de la frontière séparant le tolérable de l’intolérable. La tolérance au racisme, à la violence, au crime, à l’injustice criante, n’est pas tolérance, mais absence du sens des responsabilités, ou absence de sens moral. Nul ne peut sans contradiction consentir à sa propre destruction. Ne pas combattre fermement les ennemis radicaux de la tolérance, surtout s’ils sont en mesure de conquérir le pouvoir politique, ce n’est plus de la tolérance, c’est de l’inconséquence. »

d) Bien que la Torah barre la route à ces immoralités, certains exigent dernièrement le respect pour les homosexuels justement au Nom de la Torah. La Torah exige en effet le respect même vis-à-vis de celui qui transgresse la zoophilie, et condamne pour cela aussi la bête : « L’homme qui a des relations avec une bête sera puni de mort, et vous tuerez aussi la bête. Si une femme s'approche d'une bête pour se prostituer, tu tueras la femme et la bête. Elles seront mises à mort, et leur sang retombera sur elles » ; « Pourquoi tue-t-on aussi la bête ? Pour ne pas que les gens voient cette bête dans la rue et disent : Voici la bête à cause de laquelle untel s’est fait lapider ».

Pouvons-nous déduire d’ici qu’au nom du « respect » du pécheur, la Torah veuille dissimuler le fait que la zoophilie soit abjecte ? Non, c’est le contraire ; elle condamne le pécheur à la mort, et une fois qu’il a payé pour son forfait, la Torah ne veut plus qu’on se rappelle de lui, afin de ne plus mentionner sa conduite honteuse.

Bien que les textes de la Torah soient sans équivoque, certains cherchent à en abuser. Citons donc un discours tenu à l'Assemblée Nationale, qui illustre parfaitement comment la 'Hanifout déforme la lecture de la Torah elle-même. Pour mieux commenter ce texte, nous le fractionnons :

« … Prenons le texte… du Lévitique : « Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme ». Evidemment ces textes ne nous aident pas beaucoup. Mais ce que je voudrais vous dire en premier lieu c’est que les personnes qui interprètent ces textes de manière littérale, donc les littéralistes, sont les véritables fondamentalistes. A mon sens, et c’est l’avis de toutes les personnes présentes à mes côtés, aucun texte dit « révélé » ne peut se passer d’interprétation, d’exégèse. Interprétation contextualisant, et, comme je le dis souvent, interprétation qui justement désamorce la violence brute de ces textes. Evidemment, le texte mentionné… peut être interprété comme un texte qui condamne non pas les personnes, mais qui condamne les actes - il est bien question de « rapports homosexuels ». Il me semble que la nuance est de taille, d’autant qu’on parle d’une loi biblique dont la peine (de mort) est totalement désuète aujourd’hui, si tant est qu’elle ait été appliquée un jour. Je relève aussi ce qui a été dit par plusieurs personnes : les comportements homosexuels qui sont condamnés dans la Bible sont toujours des viols homosexuels. C’est très intéressant, il ne s’agit jamais de relations librement consenties. Dans l’exemple de Sodome et Gomorrhe, si vous reprenez votre Bible, vous verrez qu’il s’agit d’un attroupement autour de la maison de Lot pour violenter sexuellement les invités de Lot. Il y a d’autres exemples dans le Livre de Samuel et dans le livre des Rois. La Bible, à ma connaissance, ne parle jamais de condamnation devant les tribunaux de "personnes homosexuelles". »

Il s’agit incontestablement d’une mystification. Les textes talmudiques sont balayés par un revers de la main, ce qui disqualifie ces propos définitivement, et c’est du texte de la Bible lui-même qu’on se moque. Le verset est explicite : ce sont les deux hommes qui ont fait une chose abominable, et se sont tous les deux qui seront mis à mort ; il s’agit donc forcément d’un acte consenti de plein gré par les deux hommes. Enfin, le plus simple des juifs sait parfaitement qu’en cas d’un viol, la victime n’est pas punie : « si c'est dans les champs que cet homme trouve la jeune femme fiancée et lui fait violence et couche avec elle, l'homme qui aura couché avec elle sera seul puni de mort. Et à la jeune fille tu ne feras rien, elle n’est pas coupable de mort ». La 'Hanifout fait lire la Torah en contresens, elle fait oublier les principes les plus élémentaires du judaïsme. Nos Sages appellent cela "Mégalé Panim Batorah Chélo Kahalakha", de dénaturer la Torah de Sa Loi, ce qui est d’autant plus grave lorsqu’il s’agit d’une des plus grandes des impuretés.

Passons sur une partie du texte qui n’est pas importante, et reprenons la suite :

« … si deux frères (Cain et Hévél) peuvent se tuer alors imaginez deux étrangers… D’où l’importance, et c’est pour cela que je tenais en fait à être présent aujourd’hui, de ne pas rester dans la théorie, dans le fait d’édicter de grands principes, parce que je crois qu’on est évidemment tous d’accord aujourd’hui ici pour condamner de la manière la plus ferme tout comportement homophobe ou transphobe. Mais il faut passer aux actes, il faut une action politique, et en ce qui nous concerne une action au niveau des responsables religieux, pour rendre efficace des principes qui risqueraient de demeurer théoriques… . Je pense par exemple afficher dans nos synagogues ou dans d’autres lieux de culte « l’Appel contre l’homophobie et la transphobie ». Je pense également au fait de parler et d’évoquer dans nos discours ces questions, qui sont très rarement abordées. Je pense faire partie des rares rabbins qui parlent de ces questions. J’ai fait quelques conférences sur ce type de sujet, sur le rapport à l’homosexualité dans le judaïsme. Et je crois que le fait d’en parler aussi est quelque chose de très important, d’en parler même à la synagogue. On a parlé aussi de l’acceptation des couples homosexuels dans nos synagogues, par exemple, dans les hauts lieux de la vie juive, dont ils ne sont évidemment pas exclus... Je pense aussi à un travail très important au niveau des écoles juives, un travail de sensibilisation sur les inclinations sexuelles qui ne se résument pas, contrairement à ce que beaucoup de jeunes pensent, à l’hétérosexualité. Il y a un vrai problème en fait avec l’identité sexuelle, un problème pour les hétérosexuels à comprendre qu’il y a d’autres inclinations sexuelles et il y a là encore un point important à développer ».

La Torah appelle l’homosexualité « abomination », afin que nous sachions à quoi nous en tenir. Mais cette flatterie cherche à interdire cette expression, et cela depuis l’école. L’auteur écrit au début : "Evidemment ces textes ne nous aident pas beaucoup. Mais ce que je voudrais vous dire en premier lieu c’est que les personnes qui interprètent ces textes de manière littérale, donc les littéralistes, sont les véritables fondamentalistes. La flatterie désire donc empêcher l’homme de se faire aider par les textes de la Torah".

Continuons encore ce texte :

« On a des textes qui nous sont donnés, pour autant cela ne veut pas dire que ces textes ne posent pas de problème et qu’on les accepte sans se poser des questions. Par exemple, une question très forte à laquelle je n’ai toujours pas de réponse, c’est la notion de libre arbitre : à mon sens, on ne peut condamner un acte que s’il relève du libre arbitre. Et j’ai toujours été étonné par des textes de la Bible, comme celui qu’on a évoqué tout à l’heure, ce texte qui condamne l’homosexualité, étant entendu que si on considère qu’il n’y a pas ici de libre arbitre, c'est-à-dire qu’une personne n’est pas attirée par des femmes (par des personnes du sexe opposé) mais par des personnes de son propre sexe, qu’est-ce qui fait que la Bible le condamne ? Je n’ai pas la réponse ; je me pose des questions. C’est une vraie question parce qu’à mon sens la responsabilité dépend intimement de la liberté. Et en l’absence de liberté, je ne vois pas où est la place de la responsabilité… ».

Quelle est donc cette question très forte, vraie question, à laquelle l’auteur de ce discours n’a toujours pas de réponse : Comment la Torah peut-elle condamner l’homosexualité, étant donné que l’homme qui n’est pas attiré par des femmes, mais uniquement par les hommes, n’a pas de libre arbitre ?

Nous croyons rêver ! Cet homme attiré par les hommes, est-il obligé de passer à l’acte ? Ce que la Torah demande c’est que l’homme ne passe pas à l’acte. Celui qui se sent attiré par la femme de son voisin n’est condamné à mort que s’il passe à l’acte ; celui qui, dans sa colère, tue son prochain ne sera mis à mort que s’il passe à l’acte, ainsi en est-il pour celui qui est attiré par les hommes. Celui qui a du mal à contrôler ses pulsions pourrait s’aider avec des produits pharmaceutiques, comme de l’Androcur ou du Salvacyl.

Il y a lieu de s’interroger ; vu que la vilénie de l’homosexualité est abordée avec tant de clarté par le Pentateuque lui-même, comment l’auteur de ce texte a-t-il osé le remettre en question ? Soutiendrait-il que le Pentateuque ne serait pas dicté clairement et intégralement par D.ieu, mais « fabriqué » plus tard par des humains, avec lesquels l’auteur se sent en droit de se mesurer ? Ceux qui croient que les cinq Livres du Pentateuque ont tous été dictés, mot par mot, par D.ieu Lui-même, à notre maitre Moché, qu’il les a ensuite consignés entièrement, et qu’ils ne sont pas discutables, sont-ils ces véritables fondamentalistes, avec lesquels il ne veut surtout pas être confondu ?

Si nos suspicions sont fondées, nous comprenons un peu mieux ce droit à l’interprétation, l’exégèse :

« Mais ce que je voudrais vous dire en premier lieu c’est que les personnes qui interprètent ces textes de manière littérale, donc les littéralistes, sont les véritables fondamentalistes. A mon sens, et c’est l’avis de toutes les personnes présentes à mes côtés, aucun texte dit « révélé » ne peut se passer d’interprétation, d’exégèse. Interprétation contextualisant, et comme je le dis souvent, interprétation qui justement désamorce la violence brute de ces textes » ; ce n’est, en fait, rien d’autre que la dissimulation d’un refus d’accepter le Texte Biblique.

Force est de constater que la flatterie, la volonté de plaire et la démagogie n’amènent pas uniquement à ignorer, à déformer et à mépriser des notions de la plus haute importance, et de surcroit connues de tous, mais qu’in fine, elles risque d’amener à nier un des fondements de notre foi.

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