Nous avons récemment lu la Parachat Zakhor, la section de la Torah qui nous enjoint au souvenir. C’est chargés de cette mission que nous nous embarquons pour le jour le plus joyeux du calendrier, Pourim, lorsque le peuple juif a triomphé de Haman - l’homme mû par la haine des Juifs - descendant d’Amalek, la nation qui nous a attaqués alors que nous venions d’Egypte, pour nulle autre raison que notre judaïté.

Ce commandement du souvenir nous a été donné pour maintenir vivace le concept de cette haine constante, l’idée que les descendants d’Amalek sont présents à chaque génération, et que notre seule protection contre eux, notre seul sanctuaire, c’est Hachem.

Mais combien d’entre nous s’en souviennent réellement ? Je sais qu’un grand nombre d’entre nous écoutent la lecture dans nos synagogues, mais s’en souvenir, l’intégrer, est une autre affaire.

Je ne saurai insister assez : tout dans l’histoire juive se répète. « Ma’assé Avot - les événements liés à nos ancêtres sont un signe pour nos enfants. » Mais nous ne voulons pas écouter, ni nous en souvenir. Et si nous continuons sur cette voie, nous sommes destinés, que D.ieu préserve, à répéter la même tragédie.

L’esprit sinistre de Haman continue de planer sur nous. La Shoah et les menaces actuelles en provenance de l’Iran, entre autres, ne sont qu’un exemple de cette menace. Or, nous persistons à refuser d’écouter et de comprendre.

Il n’y a ni Haggada ni Méguila enregistrant le mal sans précédent de la Shoah. Nous devons nous reposer sur nos souvenirs et sur des rapports de première main. Mais la génération qui l’a vécue disparaît rapidement, et la plupart des survivants résidant parmi nous sont faibles ou infirmes.

L’institutrice de ma petite-fille a eu l’idée brillante d’assigner à sa classe la tâche d’interviewer des survivants. Ma petite-fille m’a téléphonée : « Mamie, je peux venir chez toi pour t’interviewer ? »

Je vais vous livrer son rapport. Mais j’aimerais suggérer que nous parlions tous à des survivants tant qu’ils peuvent encore s’exprimer, afin que leurs leçons et expériences restent dans nos cœurs.
 

Conversations avec mamie

J’ai interviewé ma mamie, la Rabbanite Esther Jungreis, qui en tant qu’enfant, a vécu la Shoah de première main. Ma mamie est née à Szeged, en Hongrie, où mon arrière-grand-père, le Rav et Gaon Avraham Halévi Jungreis, était le grand-rabbin de la synagogue orthodoxe. C’est un privilège pour moi de vous livrer l’histoire et les propos de mamie.

La Hongrie a été le dernier pays européen à être occupé par les Allemands. A cette époque, l’assimilation, les mariages mixtes, et même les conversions au christianisme étaient omniprésents dans les grandes villes. Les Juifs se préoccupaient beaucoup d’être acceptés dans la société hongroise. Dans les villages, cependant, la Yiddishkeit (judaïsme authentique), les Yéchivot et la Torah florissaient. A Szeged, la deuxième ville de Hongrie, l’assimilation était très présente et le mouvement « Neolog » (réformé) était le plus influent.

Mon arrière grand-père commença ce que l’on appelle aujourd’hui « un mouvement de Ba’alé Téchouva ». Il construisit une belle synagogue orthodoxe et un Mikvé et il diffusa la Torah. Sa maison se trouvait au cœur de la communauté juive, elle était toujours remplie de monde… La famille trouvait de la place pour tout le monde.

Alors que l’antisémitisme a toujours été très présent en Hongrie, l’antisémitisme de Hitler était différent - c’était un véritable Amalek. Sa haine de notre peuple était démoniaque. L’un des buts principaux de sa déclaration de guerre était d’éliminer tous les Juifs et il n’a jamais dévié de cette idée.

Si un seul enfant juif s’échappait dans la forêt, Hitler était prêt à envoyer tout un peloton pour chasser le petit garçon ou la petite fille. Peu lui importait si ce Juif était orthodoxe, ‘Hassid, réformé, marié avec un chrétien ou converti au christianisme. Tant qu’il y avait une trace de sang juif dans ses veines, Hitler exigeait son extermination.

C’est une leçon très puissante pour nous à retenir. Peu importe ce qui se passe ou combien nous tentons d’apaiser les antisémites, à leurs yeux, nous serons toujours des Juifs qui doivent être tués, et personne ne peut rien faire à ce sujet.

Au lieu de faire la cour aux antisémites, attachons-nous fermement à notre judaïsme et à vivre une vie de Torah et de Mitsvot, car c’est notre mission, notre but, et notre protection d’Hachem.

Lorsque la guerre commença en 1939, la Gestapo hongroise arrêta des jeunes hommes juifs et les déporta en leur assignant de lourds travaux. Parmi eux se trouvait mon grand-père, qui, avec mes grands-oncles et de nombreux autres, furent cruellement arrachés de leur foyer. Szeged était la ville à partir de laquelle ces jeunes hommes juifs étaient expédiés.

Comme on peut se l’imaginer, ce fut une période cauchemardesque pour le judaïsme hongrois. Mon arrière grand-père était déterminé à aider ces garçons souffrants. En tant que grand-rabbin, il obtint la permission de leur rendre visite dans les camps de détention (retenez-le, c’était avant l’occupation nazie). Il prétendait organiser des offices en hébreu, mais il y mêlait des messages des familles adressés aux garçons.

Un jour, il organisa une réunion avec tous les médecins juifs de la communauté. « Il nous faut trouver un genre de médicament qui puisse simuler une maladie infectieuse - mais rien de dangereux qui mettrait leur vie en péril - pour que les Hongrois s’abstiennent d’emmener nos garçons au front. »

Les médecins trouvèrent la formule, mais un autre problème se posait. Comment les garçons l’obtiendraient-ils ? On demanda à ma mamie, qui était une petite fille à l’époque, si elle accepterait de porter ces médicaments cousus à l’intérieur d’une poche de son manteau, car les Hongrois ne fouilleraient pas une jeune enfant. Mamie accepta de tout cœur.

A suivre