Dans cette Paracha, la Torah juxtapose deux épisodes qui ne semblent pas liés. Elle raconte l’incident entre Tamar et Yéhouda[1]. Le fils ainé de Yéhouda se maria avec Tamar, mais mourut jeune ; son petit frère, Onan accomplit la Mitsva de Yiboum[2] en se mariant à son tour avec elle. Il mourut lui aussi, peu après. Yéhouda était alors réticent à permettre à son troisième fils, Chéla d’épouser cette femme. Quand elle comprit cela, Tamar prit les choses en mains et séduisit Yéhouda sans lui révéler son identité. Elle tomba enceinte de jumeaux et quand Yéhouda l’apprit, il décréta – ne sachant pas qu’il en était le père – de la mettre à mort, étant donné qu’elle n’avait pas le droit de s’unir avec un autre homme que Chéla avec qui elle était liée par les liens de Yiboum[3]. Alors qu’elle était sur le point d’être exécutée, elle prouva que Yéhouda était le géniteur des enfants qu’elle portait, mais elle refusa de l’embarrasser publiquement ; elle fit cette révélation de manière implicite. Yéhouda, dans sa droiture, admit son implication et elle eut la vie sauve[4]. L’un des enfants à qui elle donna naissance – Pérets – sera l’ancêtre du roi David, puis du Machia’h.

Immédiatement après cette histoire, la Torah revient sur le récit de Yossef qui descendit en Égypte[5]. Il se retrouva esclave dans la maison du riche Potiphar et trouva immédiatement grâce à ses yeux. Malheureusement, il trouva aussi grâce aux yeux de sa femme, qui fournit maints efforts pour le séduire. Un jour où elle se trouva seule avec Yossef dans la maison, elle fit une énième tentative de séduction, mais la vertu de Yossef lui permit de surmonter cette épreuve. La femme de Potiphar prétendit alors que Yossef avait essayé de la corrompre et il fut par conséquent jeté en prison où il resta incarcéré durant douze longues et éprouvantes années.

Rachi rapporte le Midrach qui demande quel est le lien entre ces deux histoires juxtaposées – celle de Tamar et celle de la femme de Potiphar[6]. ’Hazal nous enseignent qu’à l’instar de Tamar dont les intentions étaient nobles (puisqu’elle voulait que ses enfants soient les descendants du vertueux Yéhouda), celles de la femme de Potiphar l’étaient aussi. Ils expliquent qu’elle vit dans les astres qu’une progéniture devait naître d’elle et de Yossef. Elle ne comprit pas que ce Tsadik allait, par la suite, se marier avec sa propre fille, Osnat[7]. Elle voulait donc s’assurer qu’elle aurait effectivement des enfants avec Yossef.

Comment comprendre, dans ce cas, la suite des événements ? Quand Yossef repoussa ses avances, elle fit tout son possible pour l’accuser et le faire mourir. Comment est-ce possible d’avoir eu des intentions si pures puis de vouloir exécuter un homme innocent ?

Rav Yérou’ham Levovits explique, au nom du Alter de Kelm, que la femme de Potiphar eut réellement de bonnes intentions, comme Tamar[8]. La différence entre les deux femmes se remarqua quand leur projet initial ne se concrétisa pas. Comme nous l’avons mentionné, Tamar tomba enceinte, elle fut accusée d’immoralité et condamnée à mort. Il aurait alors été compréhensible qu’elle s’estime en droit d’annoncer à Yéhouda qu’il était le père de ces bébés ; or elle prouva de sa vertu quand elle refusa de l’incriminer explicitement et de lui causer une honte incroyable. Son acte fut si louable que la Guémara en déduit qu’une personne doit être prête à être jetée dans une fournaise pour ne pas mettre son prochain dans l’embarras.[9] Les bonnes intentions de Tamar restèrent élogieuses même quand les choses tournèrent mal ; elle refusa de compromettre son intégrité.

Par contre, les bonnes intentions de la femme de Potiphar de durèrent pas. Quand Yossef persista dans son refus de succomber, elle ne comprit pas que ses actions n’étaient peut-être pas si louables. Son caractère infâme émergea et elle chercha à se venger en punissant Yossef pour sa ténacité. Si ses intentions avaient été aussi pures que celles de Tamar, elle aurait gardé sa dignité et réalisé que sa fille – et non elle – allait être la mère des enfants de Yossef.

Ces deux épisodes nous apprennent une leçon importante. L’individu s’embarque parfois dans certaines entreprises avec de bonnes intentions en tête. Cela peut être un effort pour améliorer une relation ou pour réussir dans une affaire quelconque, ou même dans un domaine lié au respect d’une Mitsva. Or, il est courant que les événements ne se déroulent pas selon ses projets et c’est à ce moment-là que ses véritables intentions vont apparaitre. C’est là que la différence entre Tamar et la femme de Potiphar surgit.

Puissions-nous tous prendre exemple sur la pureté des motivations de Tamar, malgré toutes les vicissitudes de la vie que nous traversons.



[1] Béréchit, Ch. 38.

[2] Il s’agit de la Mitsva pour le frère d’un défunt (qui mourut sans avoir d’enfant) de se marier avec sa veuve, malgré l’interdit de se marier avec sa belle-sœur. Notons qu’avant le Don de la Torah, nos ancêtres observaient les Mitsvot de manière volontaire.

[3] Plusieurs questions se posent sur ce sujet, mais nous allons nous concentrer sur le rôle de Tamar dans cette histoire.

[4] Tamar était permise à Yéhouda grâce au Yiboum – après le don de la Torah, le Yiboum devint réservé au frère du défunt, mais avant cela, le père du défunt pouvait se marier avec la veuve.

[5] Béréchit, Ch. 39.

[6] Béréchit Raba, 85:2, rapporté dans Rachi, Béréchit, 39:1.

[7] Selon un avis de ’Hazal, Osnat était la fille de Dina et de Chékhem et elle fut adoptée par Potiphar. Il semble que le Midrach ne partage pas ce point de vue.

[8] Daat Torah, Béréchit, p. 227-228.

[9] Sota, 10b.