Rabbi Chalom Schwadron rapporte une histoire que lui a relatée le protagoniste du récit :Un Juif dont le père était Rav résidait dans une localité d’Europe avant la Seconde Guerre mondiale. Des Juifs assimilés vivaient dans ce bourg, et l’un d’eux s’appelait Moché le tailleur. Un jour, le père de ce Moché décéda, et, naturellement, une fois le moment de la semaine de deuil arrivé, il devint plus réceptif. Le Rav de la communauté lui rendit visite, le convainquit de réciter le Kaddich et réussit à le convaincre de venir à la synagogue également après la semaine de deuil pour réciter le Kaddich. On sait qu’un Juif, même lorsqu’il s’est beaucoup éloigné du Maître du monde, est particulièrement sensible à l’honneur rendu aux parents, en particulier après leur décès.

Moché le tailleur vint à la synagogue et le Rav lui mit du baume au cœur, au point qu’il devint respectueux de la Torah et des Mitsvot. Moché le tailleur avait acquis un renom, c’était un exemple dans la localité. Si quelqu’un parlait pendant le Kaddich, Moché le réprimandait. Si quelqu’un ne priait pas convenablement, Moché le reprenait. Si quelque chose n’était pas fait selon les règles, Moché, de manière agréable ou agressivement, admonestait chacun pour les fautes commises.

Et un jour, les maudits nazis firent leur apparition dans la ville en pleine guerre, mais le fils du Rav eut le privilège de survivre à la guerre. On le conduisit en Suisse.

Extrêmement malade, il fut conduit pour se reposer dans une maison de convalescence perchée en haut d’une montagne quelque part en Suisse. Une petite ville était située aussi non loin dans la vallée, et la maison de repos la surplombait. Notre homme se sentait terriblement mal, et ne s’intéressait nullement à ce qui se passait autour de lui.

Un Chabbath, il commença à se sentir bien mieux. Comme il se sentait mieux, il ressentit subitement le désir de fumer une cigarette. Il faut comprendre. Ceux qui ont vécu la guerre n’avaient pas vu pendant des années de Juif portant fièrement les attributs du Juif, ni de communauté juive, ni de vie juive.

Ils savaient qu’ils n’avaient pas où revenir. Ils savaient qu’aucun pays n’était prêt à les accueillir. Ils étaient dans une situation effroyable sur le plan du soutien et de la motivation. C’est une génération qu’il est impossible de juger. Il ressentit un vif désir un Chabbath matin de fumer une cigarette. Il s’agissait d’un Chabbath sans Kiddouch, qui sait s’il avait reçu une Kipa à porter... Le mauvais penchant le domina et il fuma une cigarette. Une faute en entraîne une autre, et il fuma une seconde cigarette.

La maison de repos était reliée à la petite ville dans la vallée par un tramway qui permettait d’atteindre les commerces situés en bas, et le marché de la ville. Puisque le mauvais penchant l’avait dominé, il se retrouva soudain le saint jour du Chabbath à monter dans le tramway et à voyager le Chabbath en direction de la localité.

Il arriva en bas, regarda par la fenêtre du tramway, et distingua un homme debout au marché, ni plus ni moins que : Moché le tailleur.

Moché le tailleur était debout et le regardait !

Moché était au marché, et dans un instant il l’apercevrait, il verrait qu’il avait en face de lui le fils du Rav voyageant en tramway et fumant une cigarette le Chabbath !!

Il fut pris d’une peur terrible : avec Moché le tailleur, pas de compromis possible. Il allait crier sur lui ! Hurler sur lui !

Il jeta immédiatement la cigarette, et, à la première occasion, descendit du tramway, remonta à la maison de repos à pied, et ne profana plus jamais le Chabbath.

C’est le récit relaté par le protagoniste de l’histoire à Rabbi Moché Schwadron.

Des années plus tard, Rabbi Chalom Schwadron conversa avec lui en Angleterre : « Dis-moi, mon ami, as-tu revu depuis Moché le tailleur ? »

  • Non, je ne l’ai plus jamais revu, répondit-il.

  • D’après la logique, est-il possible que Moché le tailleur ait survécu à la guerre ?

Son interlocuteur devint livide et répondit : « Je n’y ai jamais pensé. Non, il n’y a aucune chance. Moché le tailleur avait le même âge que mon père. Ils ont pris les personnes âgées en premier, et même s’ils ne l’ont pas tué immédiatement, il n’y a aucune chance qu’il ait survécu à la guerre. »

Rabbi Chalom lui dit alors : « Dis-moi, que faisait-il au marché un Chabbath ? »

« Je ne sais pas, je n’y ai jamais pensé. » Il était bouleversé.

Rabbi Chalom lui dit alors : « Je vais t’expliquer. Il est écrit : "Toute personne qui confère des mérites à la collectivité n’est pas tentée par la faute". Or, ton père est celui qui avait fait revenir Moché le tailleur à la pratique du judaïsme. Et on vit soudain dans le Ciel que son fils se dégradait et qui sait jusqu’à quel enfer il risquait d’arriver. C’est pourquoi on envoya ce Ba’al Téchouva depuis le Gan Eden pour sauver le fils de celui qui l’avait aidé à se repentir. »