Juste à la fin des Dix commandements, la Torah nous ordonne :

« Ne convoite (Ta’hmod) pas la maison de ton prochain. Ne convoite pas la femme de ton prochain, son esclave ni sa servante, son bœuf ni son âne, ni rien de ce qui est à ton prochain. »[2]

Si l’on adopte une lecture simpliste du verset, il semblerait que la Torah nous interdise simplement de désirer les biens de quelqu’un d’autre. Or, le Choul’han Aroukh[3] indique que telle n’est pas la nature de cet interdit. Le terme de Ta’hmod implique plutôt l’idée de convaincre, d’exercer une pression ou d’embarrasser quelqu’un pour l’inciter à nous vendre un objet qu’il ne voulait absolument pas vendre. Telle est la nature de cet interdit de la Torah.

Plus loin dans le texte de la Torah, les Dix commandements sont répétés avec de légers changements. L’un d’eux est dans le verset mentionné ci-dessus. Le verset commence par : « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain », et le même terme, Ta’hmod est employé aussi, indiquant un effort actif pour acquérir la chose désirée. Mais le verset continue différemment : « et ne désire (Titavé) pas la maison de son prochain ».[4] Le Choul’han Aroukh explique ici que la Torah interdit même de penser et de projeter comment exercer des pressions sur notre prochain pour qu’il nous vende l’objet. En conséquence, même si l’on projette uniquement en pensée d’obtenir l’objet d’une certaine manière sans jamais prendre des mesures concrètes dans ce but, on transgresse néanmoins le commandement de la Torah de Lo Titavé.

Dans la première partie de l’interdit d’envier ce qui appartient à notre prochain, nous avons vu qu’il y avait en réalité deux interdictions distinctes ; Lo Ta’hmod (tu ne convoiteras pas) et Lo Titavé (tu ne désireras pas) ; Lo Ta’hmod comprend l’interdit de convaincre, d’exercer une pression ou d’embarrasser quelqu’un pour l’inciter à nous vendre quelque chose que le propriétaire ne voulait pas vendre. Lo Titavé (tu ne désireras pas) renferme l’interdit en pensée uniquement de projeter comment exercer des pressions sur notre prochain pour le convaincre de nous vendre l’objet convoité. En conséquence, si on projette uniquement en pensée d’obtenir l’objet d’une certaine manière sans jamais prendre des mesures concrètes dans ce but, on transgresse néanmoins le commandement de la Torah de Lo Titavé.

Est-ce que ces interdictions s’appliquent également lorsqu’on exerce des pressions sur quelqu’un pour nous offrir un objet en cadeau ? De nombreuses autorités affirment que ceci constitue en effet une transgression de cette Mitsva. Par exemple, un homme demande à son beau-père de renoncer à vendre sa voiture et de la lui donner au lieu de cela. Le beau-père lui explique que la voiture est onéreuse. Néanmoins, le gendre persiste, et au final, le beau-père se trouve contraint de donner sa voiture. Le gendre s’est rendu coupable de Lo Ta’hmod. De même, de nombreuses autorités interdisent d’exercer une pression pour louer un objet ou emprunter de l’argent.

Les interdits de Lo Ta’hmod et Lo Titavé ne s’appliquent pas à l’acquisition de biens appartenant à des non-Juifs. Pour comprendre cette loi, il est nécessaire d’aborder un principe qui sous-tend la vision de la Torah des relations interpersonnelles. La Torah insiste sur l’idée que tout être humain est créé à l’image de D.ieu et, à cet effet, doit être traité de manière respectueuse. Néanmoins, il est entendu que l’on traite les membres de sa propre famille de manière plus favorable que les autres. Il est en conséquence normal de se prêter les uns et autres de l’argent et de prendre des intérêts, tandis que personne ne prendra d’intérêts sur un prêt à son frère ou son fils.

La Torah nous enseigne que le peuple juif est équivalent à une famille. Bien que tous les Juifs ne soient pas nécessairement liés génétiquement entre eux,[5]nous sommes néanmoins spirituellement reliés par une alliance commune qui fait de nous une seule famille. En conséquence, un Juif manifeste certes de l’intérêt pour tout un chacun, mais il traite son frère juif avec une considération particulière. Par exemple, un Juif a l’interdiction de prêter de l’argent à un autre Juif avec intérêts[6]. Or, il est normal pour les non-Juifs d’exercer une pression mutuelle pour se vendre des objets, donc les Juifs ne sont pas tenus d’agir différemment des non-Juifs dans ce cas. Il faut veiller scrupuleusement à ce que toutes nos interactions commerciales se déroulent de manière respectable, pour engendrer un Kiddouch Hachem (sanctification du Nom de D.ieu) et éviter de provoquer un ‘Hiloul Hachem (profanation du Nom de D.ieu).


[1] Une bonne partie des informations de cet article sont extraites de l’ouvrage Halachos of Other People's Money du Rav Yisroel Pinchos Bodner.

[2] Yitro, 20:17.

[3] C’est le corps de la loi qui forme la base d’une bonne partie de la Halakha.

[4] Vaet’hanan, 5:18.

[5] C’est certainement le cas en raison des nombreux convertis qui se sont joints au peuple au fil de l’histoire.

[6] Parachat Michpatim, 22:24.