Dans la Parachat Nasso il est écrit : « Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : "Tout homme [Ich Ich] dont la femme dévie et commet un adultère à son encontre... » (Bamidbar, 5:12)

Dans cette Paracha, la Torah nous présente la Mitsva de Sota, le cas où une femme mariée s’isole avec un autre homme après avoir été mise en garde par son mari, qui l’a défendue de récidiver[1]. Quand la Torah évoque le mari en question, elle répète le mot « Ich ». Le Midrach relève cette redondance apparemment superflue. Il affirme qu’il convient d’être Vatran (accommodant, conciliant) – par exemple si du vin se renverse, il ne doit pas en tenir rigueur à sa femme. Une question s’impose : pourquoi la Torah choisit-elle de donner ce conseil ici, alors que le lien avec le verset n’est pas du tout apparent ?

Rav Issakhar Frand explique que ce Midrach vient éclaircir la terminologie inhabituelle « Ich Ich » employée par la Torah pour décrire le mari. Il explique que le mot « Ich » fait allusion au côté masculin à la force de l’homme et à sa confiance en soi – la réitération montre que le mari fut peut-être trop ferme ou dominateur dans sa manière de diriger son foyer et trop sévère devant les erreurs commises par son épouse. Sa nature accablante ou intransigeante incita sa femme à se dévoyer, afin d’être traitée plus affablement. Bien entendu, on ne cherche pas à justifier la conduite de la femme (même si son mari était mauvais), qu’elle ait concrètement commis un adultère ou qu’elle se soit « simplement » isolée avec un autre homme. Mais le Midrach souligne qu’un tel comportement ne s’est pas déclenché tout seul. Ses actions sont probablement le résultat d’une relation problématique, quid débuta par de petites choses – par exemple par les cris du mari si elle a renversé du vin. Le Midrach en déduit qu’il faut faire attention à ne pas être trop autoritaire ou oppressant.

Cet enseignement ne se limite pas au mariage, mais il s’applique à toute relation, en particulier au domaine de l’éducation. Les parents ont une autorité naturelle sur leurs enfants, puisqu’ils sont plus grands, plus forts, plus intelligents et gèrent la vie de famille. Il est donc facile d’en arriver à dominer l’enfant et à l’obliger à exécuter les directives du père ou de la mère (par la menace ou toute autre forme de contrainte). Le parent gagne généralement la « bataille », car il réussit à obtenir ce qu’il veut de l’enfant, mais l’effet sur le long terme peut être très négatif.

Tant que ce dernier est en bas âge, le parent pense recevoir de lui ce qu’il désire, mais en grandissant, l’enfant commence à ne plus vouloir obéir et il risque d’en arriver à vouloir se libérer de cette pression et, pour ce faire, d’agir de façon contraire à la volonté du parent, sans que ce dernier ne puisse l’en empêcher. Pour avoir une bonne influence sur nos enfants, il faut développer une relation positive, agréable dès leur jeune âge, de manière à ce qu’en grandissant, ils obéissent de plein gré aux parents, grâce à leur lien affectif.

L’histoire suivante montre les conséquences douloureuses que peut avoir une attitude trop ferme dans le domaine spirituel. Un jeune garçon avait totalement rejeté le mode de vie de ses parents et n’était plus pratiquant. Quand on annonça au père que son fils ne priait même plus, il manifesta sa surprise. « J’ai tellement investi dans les prières de mon fils ! Comment expliquer cet échec ? » Il expliqua ensuite comment il avait « enseigné » à son fils à faire sa Téfila. « J’ai toujours pris soin de l’emmener à l’office et de l’assoir à mes côtés. Je ne m’accordais même pas le luxe de me concentrer sur mes propres Téfilot ; je gardais constamment un œil sur lui. Je m’assurais qu’il suive dans son Sidour et s’il commençait à rêvasser, je l’arrêtai immédiatement afin qu’il replonge les yeux dans son Livre. »

On posa la même question au garçon qui répondit : « Il n’y a rien que je déteste plus que la prière. J’ai attendu avec impatience le jour où je serais assez grand pour pouvoir arrêter de prier. Le simple fait d’entrer dans une synagogue me remplit d’un mauvais sentiment. Je pense que c’est parce que mon père était très dur avec moi en ce qui concerne la Téfila ; c’est tout simplement devenu un fardeau insupportable. »

Certes, le père parvint à forcer son fils à prier, mais au lieu de lui donner une image positive de la Téfila, il anima en lui une violente répulsion, et dès que l’enfant fut suffisamment grand pour s’en écarter, il saisit cette opportunité.

Cette leçon est particulièrement pertinente dans la vie de couple et dans l’éducation, mais elle l’est également dans les relations et conversations quotidiennes. Certaines personnes ont des personnalités fortes et ont tendance à dominer ou soumettre les autres à leurs opinions, à leurs volontés (lors de débats ou de différends). La partie plus faible n’est pas véritablement d’accord, mais se sent contrainte d’acquiescer, bien qu’un ressentiment en découle.

Ainsi, une attitude trop autoritaire ou ferme de la part d’un homme peut inciter sa femme à fauter. Le Midrach nous apprend que pour éviter une telle incidence, il convient d’être indulgent et souple. De cette façon, le lien créé est fondé sur l’amour et la confiance plutôt que sur la crainte et la menace.


[1] Bamidbar, Chap. 5