La semaine dernière, nous avons mentionné deux cas dans lesquels nous ne sommes pas obligés de restituer un objet perdu ; nous avons expliqué que si l’objet vaut moins qu’une Prouta, alors il est considéré sans propriétaire et celui qui l’a trouvé pourra le garder. De même, si un objet est tombé dans un lieu où (dans des circonstances ordinaires) il ne sera pas retrouvé, il est considéré comme sans propriétaire et celui qui l’a trouvé pourra le conserver.

Un troisième facteur qui exempte quelqu’un de rendre un objet est si celui qui l’a trouvé peut certifier que le propriétaire a perdu espoir de retrouver l’objet. Dans un tel cas, celui qui l’a trouvé peut le prendre et le garder. Ceci s’applique dans les cas suivants :

1. Lorsqu’on a entendu le propriétaire déclarer qu’il a perdu espoir de retrouver un jour l’objet. Par exemple, Réouven entend Chimon dire qu’il a perdu son stylo et que, bien qu’il porte des signes d’identification, il est persuadé de ne jamais remettre la main dessus. Si le lendemain, Réouven retrouve le stylo de Chimon, il a le droit de le garder pour lui, car il sait avec certitude que Chimon a déjà renoncé à son droit de propriété sur le stylo[2]. Néanmoins, il faut noter que si Réouven veut agir avec intégrité, il devra aller au-delà de la lettre de la loi et le restituer. Mais si l’homme qui l’a trouvé est pauvre et celui qui l’a perdu, aisé, alors celui qui l’a retrouvé n’est pas tenu d’aller au-delà de la lettre de la loi et pourra le garder.

2. S’il apparaît que l’objet a été perdu depuis longtemps, nous pouvons supposer que le propriétaire a perdu espoir de le retrouver et celui qui l’a trouvé pourra le garder. Par exemple, si l’objet est très rouillé, ou que de la mousse a poussé dessus, alors celui qui l’a trouvé pourra le conserver.[3]

3. Si l’objet ne portait aucune marque d’identification, alors celui qui l’a trouvé pourra le conserver. En effet, lorsque quelqu’un découvre qu’il a perdu un tel objet, il ne s’attendra pas à le retrouver un jour. Il se rend compte que même si celui qui l’a trouvé désire le lui rendre, il n’aura aucun moyen de le faire[4]. En conséquence, dès l’instant où le propriétaire découvre sa perte, l’objet sera automatiquement perdu. Par exemple, lorsque quelqu’un découvre qu’il a perdu un billet de dix dollars, il comprend qu’il ne pourra pas le revendiquer et perd espoir de le retrouver un jour. Celui qui a trouvé le billet pourra le garder.

Autre scénario dans lequel celui qui découvre l’objet ne doit pas le restituer : lorsqu’un non-Juif a perdu un objet. Ceci s’applique également lorsque quelqu’un trouve un objet dans une zone dans laquelle la majorité des résidents sont des non-Juifs, bien qu’il y ait une minorité significative de Juifs dans cette région. Pour comprendre cette règle, il faut évoquer un principe sous-tendant la perspective de la Torah sur les relations interpersonnelles. La Torah souligne que chaque être humain est créé à l’image de D.ieu et, en conséquence, doit être traité de manière respectueuse. Néanmoins, il va de soi que les hommes accordent un traitement de faveur aux membres de leur famille. En conséquence, il est normal de se prêter de l’argent et de demander des intérêts aux autres, tandis qu’on ne prendra pas d’intérêts pour un emprunt consenti à un frère ou un fils.

La Torah nous enseigne que le peuple juif est équivalent à une « famille. » Bien que tous les Juifs ne soient pas génétiquement liés l’un à l’autre[5], nous sommes néanmoins reliés spirituellement par une alliance commune qui nous confère le statut de famille. Par conséquent, le Juif traite certes tout un chacun avec préoccupation et sollicitude, mais il agit envers ses frères juifs avec une considération particulière. Par exemple, il est défendu à un Juif de prêter de l’argent à son frère juif avec intérêts.[6] De même, il est normal pour les non-Juifs de ne pas restituer des objets perdus, et les Juifs ne sont donc pas obligés de rendre des objets perdus des non-Juifs. Il est néanmoins louable de le faire, car cela prouve que les Juifs se soucient des biens de tous les peuples.


[1] Les informations pour la rédaction de ce texte sont extradites de l’ouvrage : Halachos of Other People's Money du Rav Yisroel Pinchos Bodner.

[2] Si, néanmoins, celui qui l’a trouvé a mis la main dessus avant que le propriétaire ne remarque qu’il l’a perdu, alors celui qui l’a trouvé ne pourra le conserver - nous évoquerons ce cas de figure dans les prochaines semaines.

[3] Dans ce cas de figure également, s’il porte un signe d’identification, alors il sera louable de le restituer tout de même, à moins que celui qui l’a trouvé soit démuni et le propriétaire, aisé.

[4] Les détails d’un tel cas seront abordés dans les prochaines semaines.

[5] C’est certainement le cas en raison des nombreux convertis qui ont adhéré au judaïsme tout au long de l’histoire.

[6] Paracha Michpatim, 22:24.