Nous sommes dans les années 80 en Ukraine. A l’époque, l’antisémitisme avait atteint des sommets, à un point tel que de nombreuses familles faisaient tout pour cacher leur judaïsme, même à leurs propres enfants, pour les protéger de l’hostilité générale.

Après le divorce de ses parents, la petite Anna Fuhrman, 6 ans, part habiter chez sa grand-mère qui lui apprend son origine juive. Mais chez la grand-mère d’Anna, le fait d’être juif se limite à croire qu’il y a un D.ieu, qu’il faut manger de la Matsa à Pessa’h, et surtout qu’il ne faut révéler son judaïsme à personne. Anna comprend pourquoi lorsque quelques années plus tard à l’école, un élève découvre qu’elle est juive et part le dire à tous les autres en criant :

- Anna est juive ! Anna est juive !

C’est à ce moment que tous ses camarades d’écoles commencent à se moquer d’elle et à la tourmenter. Un jour, un élève, qui n’arrêtait pas de la harceler, arrive en se moquant d’elle à voix haute. Excédée, Anna attrape une chaise et la lance sur lui. L’élève recule d’un pas et, perdant l'équilibre, dégringole du haut des escaliers qui se trouve derrière lui. Le garçon reste allongé par terre et se met à crier. Anna entend les professeurs arriver et, prise de panique, elle s’enfuit. Son cœur bat à toute vitesse, elle était certaine qu'on allait venir la chercher pour la punir. Mais bizarrement, personne n'est venu.

Le lendemain, Anna aperçoit ce garçon avec un plâtre autour du bras. Elle entend les autres élèves raconter qu’il avait expliqué avoir trébuché, c’est tout. Anna n’arrivait pas à comprendre pourquoi il ne l’avait pas dénoncée…

A partir de ce jour, cet élève a arrêté de la persécuter, mais ça n’a pas été le cas pour les autres. On aurait dit qu'ils s’étaient donné le mot pour la martyriser et lui rendre la vie amère. Ils lui volaient ses affaires, enduisaient sa chaise de colle etc., Anna n’avait aucun répit. De surcroît, elle ne voyait pratiquement pas ses parents qui n’avaient pas de temps à consacrer à leur fille. Et pour couronner le tout, la direction de l’école fermait les yeux sur la façon dont tous la traitaient. Les professeurs eux-mêmes ne se gênaient pas d’évoquer son judaïsme en public et de tout faire pour qu’elle échoue aux examens. Anna se sentait affreusement seule…

Malgré tout, Anna réussit à terminer ses études, et avec des notes plus qu’honorables. Là encore, tous les étudiants éprouvaient du ressentiment à l'égard de la juive qui obtenait de meilleurs résultats qu'eux, ce qui ne faisait que renforcer leur animosité.

L’année de ses 17 ans, Anna reçoit la visite de deux cousines qui vivent en Amérique. Elles aussi ne savent presque rien du judaïsme. Durant les quelques jours passés ensemble, Anna se rapproche beaucoup de ses cousines, créant un lien qui s’est maintenu même après leur retour aux Etats-Unis. Quel soulagement pour Anna qui a enfin des amies à qui se confier…

3 mois plus tard, Anna fait la connaissance d’une amie de ses cousines qui lui propose d’aller en Israël pendant 6 mois, pour participer à un camp destiné à encourager les jeunes à faire leur Alya. Réticente au début, Anna finit par accepter. Plus tard, elle a confié que c’était la meilleure décision qu’elle a prise de toute sa vie, car ce séjour a représenté la période la plus riche et la plus belle de son existence ! Les conférences, les activités en commun, les voyages à travers le pays, les rencontres avec les autres participantes, tout était parfait…

De retour en Ukraine, Anna est déterminée à revenir habiter en Israël. Il était évident que c’était là-bas qu’elle voulait vivre après ce séjour inoubliable.

Et voilà que 1 an plus tard seulement, Anna fait son Alya en Israël où elle se renforce considérablement sur le plan religieux.

Après deux années dans le pays, elle commence à recevoir des propositions de mariage. Un jour, une amie lui parle d’un garçon nommé Moché dont elle ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’il est originaire d’Ukraine, comme Anna. Elle prend alors quelques renseignements et décide de le rencontrer.

Anna fait d’abord la connaissance des parents de Moché qui lui font une excellente impression. C’était tout le contraire de sa famille : des gens chaleureux, soucieux du bien-être d’autrui et cherchant avant tout le bonheur de leurs enfants. Exactement la famille dont elle avait toujours rêvé…

Puis elle rencontre Moché en tête à tête, qui lui parle de la Yéchiva où il étudie et de la façon dont il s’est acclimaté en Israël. Moché demande ensuite à Anna :

- Quand as-tu appris que tu étais juive ?

Anna répond :

- Chez ma grand-mère. Elle me répétait tout le temps que j’étais juive, qu’il y avait un seul D.ieu et qu’il fallait manger des Matsot à Pessa’h. Et toi ? Comment as-tu su que tu étais juif ?

Moché répond :

- Oh, c’est toute une histoire. Jusqu’à 12 ans, je ne savais même pas j’étais juif. Dans mon école, il y avait une fille que tout le monde embêtait parce qu’elle était juive. Un jour, je me suis un peu trop moqué d’elle et elle m’a balancé une chaise à la tête ! J’ai perdu l’équilibre et j’ai dégringolé dans l’escalier. Je me suis retrouvé en bas, à moitié évanoui et avec un bras cassé…

Moché riait de bon cœur en racontant son histoire, sans s’apercevoir qu’Anna était elle-même sur le point de s’évanouir…

Moché poursuit :

- A l’hôpital, mon père m’a demandé ce qui s’était passé et je lui ai tout raconté. Il a froncé les sourcils, mais il n’a pas dit un mot. Ensuite il a commencé à marcher de long en large dans la chambre. Je ne l’avais jamais vu comme ça. Je sentais qu’il hésitait beaucoup à me parler. Et puis tout à coup, il m’a dit :

"Je te félicite de m’avoir dit la vérité, mais tu devrais avoir honte d’avoir humilié ta camarade. Cette pauvre juive souffre déjà assez comme ça, dorénavant tu la laisseras tranquille et tu ne diras à personne que tu es tombé par sa faute".

- J’ai cru qu’il avait terminé, mais il a recommencé à arpenter la pièce. Il avait vraiment l’air bouleversé. Subitement, il a déclaré :

"A part ça, Moché, nous sommes juifs nous aussi…"

- Ça a été un véritable choc, j’en avais la chair de poule. J’ai d’abord pensé que c’était la chose la plus effroyable du monde, mais je me suis ensuite souvenu que mon père parlait souvent en bien des juifs. Il disait que le peuple juif était le plus sage et le plus ancien des peuples, contrairement à tous les autres qui en pensaient du mal.

En rentrant à la maison, j’ai appris que je représentais le seul obstacle au départ de mes parents pour Israël. Ils ne m’avaient jamais dit qu’on était juifs parce qu’ils craignaient de me faire subir un choc, et c’est pour ça qu’ils ont toujours évité ce sujet. 6 mois plus tard, nous sommes montés en Israël.

Moché sourit et termine en disant :

- Voilà mon histoire. Je crois que je représente le seul cas d’un retour au judaïsme grâce à un bras cassé…

Tout le temps que Moché avait parlé, Anna avait gardé la tête baissée en s’efforçant de cacher ses larmes. Elle n’arrivait pas à croire ce qu’elle entendait…

Anna demande alors à Moché :

- Tu te rappelles du nom de la fille qui t’a fait tomber ?

Moché réfléchit un instant et répond :

- Non, je ne m’en souviens pas.

Anna lui dit :

- Moi, je peux te le dire. Elle s’appelait Anna. Anna Fuhrman…

Moché ouvre de grands yeux, il met du temps à réaliser. Et là, Anna ne peut plus contenir son émotion et dit en pleurant :

- Oui, c’était moi…

En bousculant Moché à l’école, Anna ne s’imaginait pas qu’elle bousculait son futur mari, et toute une famille qui reviendra vers le judaïsme en montant en Israël. La providence divine choisit parfois des chemins incroyables pour réunir un couple…