La langue Sainte, l'Hébreu, n'est pas comme les autres langues.

Celles-ci sont dites de convention. En d'autres termes il n'y a aucun rapport entre le signifiant (le mot) et le signifié (l'objet). En Hébreu, c'est différent, le mot porte en lui l'essence même du signifié. Ainsi, lorsque l'on remarque une analogie scripturale entre deux mots, on peut logiquement conclure qu'il y a également une analogie entre les concepts qu'ils véhiculent.

Dans le Midrach[1] il existe une controverse entre deux Sages quant à savoir ce que signifie le mot « Goula » dans un verset de Zacharie[2]. L'un pense qu'il vient de la racine du mot Exil (Gola) et l'autre pense que cela vient du mot délivrance (Guéoula)

Les mots désignant l'exil et la Délivrance sont les mêmes ! Ils ne diffèrent que d'une lettre : le Aleph. גולה גאולה

Encore plus que cela, la majorité des lettres formant le mot Guéoula sont les lettres du mot Gola, l’exil !

N'est-ce pas étonnant ? Ne sont-ils pas des concepts diamétralement opposées ?

Transformer Gola en Guéoula

En fait, cette singularité linguistique nous éclaire sur la nature même de la Délivrance et de la manière de la dévoiler.

La 'Hassidout[3] explique que ce Aleph en plus est une allusion au « Aloupho Chel ‘Olam », au Maître du monde que l'on doit introduire dans la Gola, l'exil. Formule quelque peu lapidaire, il est vrai. Ceci demande explication.

Contrairement aux idées reçues, la Délivrance n'est pas apocalyptique. Ce ne sera pas une cassure, une rupture d'avec tout ce qu'il y avait avant. La délivrance n'est « que » le dévoilement du divin dans tous les plus infimes détails de la Création.

Ceci est la réponse à ceux qui s'angoisseraient, se demandant pourquoi vouloir d'une délivrance qui chamboulerait toute leur vie, aussi bien sociale que professionnelle. La réponse est que la délivrance c'est juste un « petit » Aleph en plus. Aujourd'hui, en exil, tout est sombre, en particulier concernant nos activités séculaires. La Guéoula illuminera tout cela, et tout ce qui a été accompli durant l'exil (en accord bien sûr, avec les lois de la Torah) ne disparaîtra pas mais au contraire sera transfiguré et élevé et dévoilera le divin.

Tout ce qu'il y a de positif en temps d'exil continuera d'exister lors de la Délivrance. C'est cela l'introduction du Aleph du « Aloupho Chel Olam » dans la Gola, l'exil.

C'est ce que signifie la décision halakhique du Rambam[4] : il ne faut pas s'imaginer qu'à l'époque du Messie, disparaîtra quoi que ce soit dans l’ordre du monde ou qu'il y aura une nouveauté dans l’œuvre de la Création, le monde suivra l'ordre établi… Les Sages ont enseigné : il n'y a entre ce monde et l'époque messianique qu'une seule différence : Israël ne sera plus asservi aux Nations...et le Machia'h réparera le monde et incitera les Nations à servir D.ieu tous ensemble.

On comprend donc pourquoi le mot Délivrance, Guéoula porte en lui toutes les lettres du mot exil, Gola. La Délivrance n'annule pas l'exil et ce qui y a été réalisé, elle le sublime.

Tout dépend de nous...

Mais il ne faut pas croire que tout cela se réalise tout seul, comme par magie. Comme le dit l'Admour Hazakène[5] : l'époque du Machia'h dépend de nos actes et de notre service divin durant l'exil.

C'est maintenant qu'il faut agir, la Délivrance effective ne sera que le dévoilement de nos accomplissements. C'est aujourd'hui, en temps d'exil, qu'il faut introduire le Aleph du « Aloupho Chel ‘Olam », qu'il nous faut dévoiler le divin dans tous les aspects de notre vie.

La Torah, ce n'est pas que dans la synagogue. C'est partout et tout le temps. A chaque endroit, à chaque instant, le juif peut et doit dévoiler le divin. Par exemple, dans la manière qu'il aura de se conduire envers tous ou dans sa manière de conduire ses affaires avec droiture etc.

Ainsi, nous pouvons d'ores et déjà être en état de « Guéoula Pratite », de délivrance personnelle. Et toutes ces « délivrances personnelles » s'ajouteront les unes aux autres afin d'amener enfin au monde la Délivrance globale, le dévoilement du « Aleph », du Maître du monde, très bientôt et de nos jours, Amen.


[1] Vayikra Rabba fin de la Parachat Emor. Chir Hachirim Rabba chapitre 4.7. Kohélet Rabba, début du chapitre 4.

[2] 10.2.

[3] Likoutey Torah Béha'alotékha 35.3.

[4] Lois sur les rois et leurs guerres chapitre 12.1.

[5] Tania Chapitre 37.