Cette semaine, nous commençons une série de Mitsvot liées à l’obligation de payer les salaires et loyers à temps qui entrent dans la catégorie de « Bal Talin », c’est-à-dire, « ne retarde pas. »

Pour introduire ce sujet, citons un passage de l’illustre ‘Hafets ‘Haïm[1] lié au principe de « Bal Talin. »

« De nombreux individus imprégnés d’éthique, possédant un excellent caractère, observent méticuleusement les autres Mitsvot de la Torah, mais sont très faibles dans le respect de Bal Talin…J’en ai conclu que c’est simplement le résultat d’un manque de connaissances. En effet, s’ils connaissaient ces lois, ils feraient particulièrement attention à payer dans les délais fixés, tout comme ils respectent scrupuleusement d’autres Mitsvot liées au temps comme le Chofar, la Soucca, le Loulav, etc. Mais lorsqu’il est question de Bal Talin, qui est non seulement un commandement positif de la Torah, mais aussi sujet à des commandements négatifs, le Yétser Hara[2] tente fortement de nous induire en erreur. »[3]

Pas moins de six commandements de la Torah traitent du paiement d’un salaire à un ouvrier. Trois d’entre eux interdisent à l’employeur de refuser de payer le travailleur. Les trois autres nous indiquent de ne pas reporter le paiement une fois le travail achevé. Voici les sources de ces Mitsvot dans la Torah.

« Ne commets point d'extorsion sur ton prochain. »[4]

« Tu ne voleras point. »[5]

« Que le salaire du journalier ne reste point par devers toi jusqu'au lendemain. »[6]

« Ne cause point de tort au journalier pauvre et nécessiteux, que ce soit un de tes frères… ».[7]

« Le jour même, tu lui remettras son salaire. »[8]

« Avant que le soleil se couche. »[9]

Notons que les Mitsvot nous ordonnant de payer à temps s’appliquent uniquement la première fois que l’employeur doit payer l’employé. S’il est dispensé de payer à temps,[10] alors les interdits de la Torah liés au paiement à temps ne s’appliquent plus. En conséquence, l’employeur ne transgresse pas en continu ces Mitsvot pendant toute la durée où il ne paie pas son employé. Mais un interdit d’ordre rabbinique défend de retenir un paiement lorsque celui-ci est demandé.[11]

L’interdit de Bal Talin[12] s’applique aux salaires de toutes les catégories d’employés : un employé salarié, un fournisseur de services (comme un chauffeur de taxi) ou un artisan (comme un réparateur). [13]

Il peut également s’appliquer au salaire ou aux frais d’une personne embauchée pour la journée, pour une heure ou pour une seule tâche. La règle peut également s’appliquer à des objets loués ou mobiles (comme des chaises et des tables) et de nombreux décisionnaires tiennent que cela s’applique également à la location d’espaces (comme la location de chambres d’hôtel).

Notons que le principe de Bal Talin prend effet avec un salaire aussi insignifiant qu’une Prouta (valeur minimale). Certains sont d’avis qu’il s’applique aux paiements de moins d’une Prouta.

Il existe un certain nombre de moyens possibles pour payer un employé, entraînant diverses ramifications au niveau de la Halakha :

1. LIQUIDE : il va de soi que le paiement en liquide répond aux critères requis pour accomplir les Mitsvot liées au paiement dans les temps. Le principe sous-tendant Bal Talin est qu’un employé dépend de son salaire pour couvrir ses dépenses immédiates. L’argent liquide est la forme de paiement qui peut être le plus aisément utilisé dès le moment où l’employé touche sa paie.[14]

2. CHÈQUE: la validité de l’emploi d’un chèque comme moyen de paiement pour réaliser la Mitsva de Bal Talin dépend du lieu où le paiement effectué : dans certains pays (comme Erets Israël), les chèques sont régulièrement employés à la place d’argent liquide. De nombreux propriétaires de magasins accepteront des chèques d’une tierce partie à la place de paiements en liquide. Dans un tel lieu, le paiement par chèque répond donc à l’injonction de Bal Talin. En effet, l’employé peut facilement utiliser le chèque dès qu’il le reçoit.[15]

Mais dans des pays comme les États-Unis, les employés ne peuvent généralement pas utiliser leur chèque à la place d’argent liquide. Ils doivent déposer le chèque ou l’argent liquide à la banque. Dans un pareil cas, un chèque n’est pas considéré comme du liquide et les Mitsvot du paiement dans les délais fixés ne sont pas respectées. En effet, le travailleur ne pourra immédiatement utiliser l’argent dès réception du paiement. Mais si l’employé reçoit le chèque lorsque les banques sont encore ouvertes, il pourra alors l’encaisser avant le temps imparti par le Bal Talin.[16] Dans un cas pareil, l’employeur pourra accomplir la Mitsva. De plus, relevons que si l’employé n’est pas réellement gêné s’il ne reçoit immédiatement son paiement, alors le principe de Bal Talin ne s’applique pas. Dans un tel cas, payer par chèque ne constitue pas une transgression de Bal Talin. Mais l’employeur n’a pas accompli la Mitsva non plus, il en est plutôt dispensé par le pardon (Mé’hila) offert par le travailleur.[17]

Nous aborderons dans l’article suivant d’autres formes de paiement.



[1] Il a vécu à la seconde moitié du 19ème siècle et la première partie du 20ème siècle. Il s’appelait Rav Israël Méir Kagan, mais il était connu par son célèbre ouvrage sur les lois du langage : ‘Hafets ‘Haïm.

[2] Mauvais penchant.

[3] Ahavat ‘Hessed, introduction au chapitre 9. Cité dans Halachos of Other People’s Money, p. 95.

[4] Vayikra, 19:13.

[5] Ibid.

[6] Ibid.

[7] Dévarim, 24:14.

[8] Ibid.

[9] Ibid.

[10] Des exemples de dispenses seront abordés dans les semaines à venir.

[11] Choul’han ‘Aroukh, Siman 339.

[12] Cela signifie littéralement : « Ne reporte pas » et se réfère à la Mitsva de ne pas reporter de paiement. Nous aurons recours à cette expression dans toute cette série.

[13] Les détails des lois liées à un artisan seront abordés en détail plus loin dans la série.

[14] Il faut relever que si le travailleur n’a pas immédiatement besoin de l’argent, les Mitsvot liées au paiement des employés s’appliquent toujours si l’employé demande un paiement immédiat. Ces Mitsvot ne s’appliquent pas uniquement au cas où l’employé est parfaitement prêt à accepter un retard de paiement - nous aborderons ces cas dans le détail à l’avenir. .

[15] Relevons qu’il est parfois écrit sur les chèques Lémoutav Bilvad (au bénéficiaire uniquement). Dans ce cas, le chèque est impossible à utiliser à la place de liquide. Dans un tel cas, ce que nous avons dit ci-dessus ne s’applique pas, mais ce cas s’apparente davantage à la loi en vigueur aux Etats-Unis, comme expliqué ci-dessus.

[16] La fin de la journée pour quelqu’un ayant travaillé pendant la journée ou la fin de la nuit pour quelqu’un ayant travaillé la nuit.

[17] Le terme Mé’hila signifie littéralement « pardon » : dans ce contexte, cela signifie que l’employé renonce à l’obligation de l’employeur de le payer à temps.