Question de Lior B.

Chalom Kvod Harav Scemama, 

J'ai une question à vous poser qui me remue depuis longtemps et j'aimerais obtenir une réponse.

J’ai 28 ans et je suis issu d'une famille pratiquante qui m'a placé depuis le début de ma scolarité dans une école juive non mixte. Jusqu'à la fin de l'année du Bac, je n'ai pas eu de contact proche avec le monde féminin, ce qui m'a énormément protégé. 

Mais à la fac, tout a changé et les occasions de sortir avec une fille ne manquaient pas.

Malgré tout, je savais que la loi juive l'interdisait et c'est pourquoi j'ai réussi à surmonter l'épreuve et à me garder des tentations.

Ça n'a pas été le cas de mes amis d'enfance, qui n'ont pas respecté la "Chmirat Négui’a" (ne pas avoir de contact physique avec des filles), et pour certains, n'ont pas respecté la "Chmirat Habrit" (ne pas avoir de relations intimes).

Aujourd'hui, nous nous sommes tous mariés avec des jeunes filles juives (moi le dernier) et nous nous rencontrons occasionnellement. Et c'est là que je constate quelque chose qui me fait très mal : ils vivent en harmonie avec leur épouse - eux qui ont fauté dans leur jeunesse - et moi, qui suis resté "pur", je souffre dans mon couple.

En effet, ma femme ne me respecte pas, et souvent me refuse l'intimité. J'ai beau lui expliquer l'importance dans la Torah du respect du mari, et également l'importance de ne pas lui refuser le moment des relations conjugales, elle me répond qu'elle en est tout à fait consciente (ma femme est en effet très pratiquante), mais qu'elle n'y arrive pas.

Quand je pense aux sacrifices que j'ai faits pendant ma jeunesse pour ne pas fauter, ma souffrance est doublée.

Je me pose une question : où est le salaire de mes efforts ? Comment comprendre cette injustice ?

Je sais qu'on ne doit pas parler ainsi, mais j'en suis si bouleversé que je dois comprendre. 

Merci de m'éclairer.

Réponse du Rav Daniel Scemama

Chalom Lior,

J'ai lu attentivement tes propos et je te répondrai sur trois points qui, me semble-t-il, sont chez toi défaillants et que voici :

1. Tu as fait de gros efforts dans ta jeunesse pour te battre contre le Yétser Hara’ (mauvais penchant) et tu as réussi à surmonter les épreuves, ce qui n'a pas été le cas de tes amis. Tu dois en être fier et plaindre ceux qui ont trébuché !

Tu n'es pas entier dans ton choix, tu réclames un paiement à tes efforts, comme si "cela ne valait pas le coup de se priver si c'est pour en arriver là".

C'est une approche erronée. Déjà, nos Sages nous enseignent que le salaire d'une Mitsva n'est pas octroyé dans ce monde, mais dans le ‘Olam Haba (monde futur) et ils l'expriment ainsi : "Aujourd'hui, il faut accomplir et demain, recevoir le salaire" (cf. Messilat Yécharim §1).

D'un autre côté, chaque personne qui surmonte une épreuve, surtout la tienne, qui est sans doute l'une des plus difficiles de notre époque, doit ressentir la satisfaction et la fierté d'avoir accompli un acte suprême, qui a une valeur infinie et qui l'élève bien au-dessus de l'animalité ambiante que les médias et la société entretiennent.

Le bon ton aujourd'hui est de se vanter de ses conquêtes féminines, mais le judaïsme prône, sans s'en émouvoir, la pureté dans ce domaine et l'élève en valeur suprême.

Ainsi, nos Sages nous rapportent (Midrach Téhilim 114) que la Mer Rouge s'est ouverte devant les Bné Israël à la sortie d'Egypte par le mérite de Yossef, qui a refusé d'avoir des relations avec la femme de son maître Potifar, malgré les tourments sans fin qu'il a subis suite à sa retenue.

La Torah témoigne que Ya’acov Avinou, notre patriarche, n'a jamais eu de perte de semence, même accidentellement, avant son mariage à l'âge de 84 ans, ce qui met en évidence la pureté de ses pensées et de ses actes (Béréchit 49,3, cf. Rachi).

Le Talmud (Kiddouchin 81a) rapporte qu'un grand Sage, Rav Amram Hassida, s'est déshonoré afin de ne pas trébucher dans cette faute.

En effet, il avait accompli la Mitsva du rachat de jeunes filles capturées et les avait installées à l'étage supérieur de sa maison. Il en avait retiré l'échelle afin que personne ne les inquiète. Il aperçut l'une d'elles, particulièrement jolie, et déplaça cette échelle très lourde, pour la rejoindre. En montant, il prit conscience de ce qu'il était en train de faire, et se mit à crier : "Au feu, au feu", car, à deux doigts de fauter, il voulut ameuter du monde pour s'en empêcher. Devant l'étonnement de ses élèves, alors qu'il était encore sur l'échelle, il déclara : "Il vaut mieux avoir honte dans ce monde que dans le monde futur."

2. Ne cherchons pas à comprendre les desseins de D.ieu, car ils sont bien au-dessus de notre entendement ; c'est une erreur classique que de calquer notre logique humaine sur les plans de D.ieu et de vouloir réduire la volonté du Divin à notre faible entendement. Connaissons-nous le sens de l'histoire et quel est notre but dans ce monde ? Nous ne sommes que des créatures infiniment petites dans un monde d’une complexité inouïe, régi par des milliards de paramètres, et nous voudrions comprendre les raisons du Créateur !

Déjà Maïmonide, dans son fameux "Guide des Egarés" (3, 12), reproche à l'homme de voir dans ce monde maux et douleurs, alors que s’il ouvrait les yeux, il se rendrait compte qu'en général, la plupart de ses souffrances, c'est lui-même qui se les est infligé.

3. D’ailleurs, à ce propos, permets-moi d’émettre une supposition. Ne t'es-tu pas toi-même occasionné tes problèmes de couple ?!

Je m'explique : le respect qu'une femme doit avoir envers son mari n'est pas quelque chose qui se réclame. Un homme, par sa façon d'être lorsqu'il remplit ses obligations et qu'il assume son rôle de mari, obtiendra de façon naturelle ce respect. Par extension, c’est la même chose dans l'intimité. 

Mais si le mari joue l'enfant, se plaint, montre son mécontentement, attend de son entourage d'accomplir ce que lui-même devrait faire, il ne doit pas être étonné si son épouse, en retour, ne lui donne pas le respect et les honneurs qu'il attend.

C'est pourquoi, tu dois prendre une nouvelle direction dans ta vie : d'un côté, renforcer ta Emouna (foi) en un D.ieu Parfait, Juste et Bon, et d'un autre, arrêter de pleurer sur ton sort, car les clefs sont en fait entre tes mains.

Tu dois être heureux d'avoir construit un foyer juif authentique, fondé sur la Torah, et remercier le Créateur de t'avoir donné comme compagne pour la vie, une femme pieuse, qui semble être de bonne volonté, pour fonder à tes côtés un foyer sain et heureux.

Béhatsla'ha.