Le roi Chlomo était un roi particulièrement vertueux, mais vers la fin de sa vie, le Prophète relate qu’il suscita la colère d'Hachem qui le punit par la division du royaume de Yéhouda. Le texte relate qu’il aima et épousa d’innombrables femmes non-juives qui le firent dévier du droit chemin et livrèrent un culte aux idoles. Les commentateurs sont tous d’avis qu’il n’a certainement pas livré lui-même de culte aux idoles, mais il a été coupable d’épouser ces femmes, pensant qu’elles étaient des converties authentiques, mais en réalité, elles ne l’avaient pas épousé pour des motifs purs. En conséquence, elles reprirent le culte des idoles de leur jeunesse et Chlomo n’agit pas suffisamment pour les empêcher de fauter.

Les commentateurs émettent également l’hypothèse que le vertueux Chlomo n’a pas épousé tant de femmes mû par un désir primaire. Ils tentent d’expliquer cette réalité à un niveau plus profond, pour trouver la source de son erreur. Le Kli Yakar[1] explique que le but de Chlomo en épousant tant de princesses non-juives était de renforcer le royaume en créant une relation avec toutes les nations par le biais de ces mariages. De plus, ces nations deviendraient asservies au royaume juif par leurs épouses devenues juives et assujetties à Chlomo lui-même. Le Kli Yakar explique que lorsque le texte mentionne que Chlomo aimait ces femmes non-juives, cela ne signifie pas qu’il les aimait au sens simple, il les aimait en raison du bénéfice que le mariage apporterait au royaume. Le Prophète distingue la fille de Pharaon comme étant son épouse préférée : en effet, l’Egypte était le pays le plus puissant de l’époque, et contribuer à l’assujettissement de cette nation au peuple juif avait le plus grand prix pour Chlomo.

Le but de Chlomo dans cette manœuvre n’était pas une simple stratégie pour gagner plus de pouvoir : on sait qu’à l’arrivée du Machia’h, toutes les nations reconnaîtront et adopteront la vérité de la Torah. Le Ari zal [2] fait cette remarque à un niveau kabbalistique. Il explique que l’intention de Chlomo était de rectifier le pouvoir spirituel négatif (les Klipot) des nations en influençant les princesses à embrasser le judaïsme.

Ayant compris les motivations de Chlomo, nous devons analyser comment il s’est trompé et pourquoi il a été traité si sévèrement pour son erreur. Nos Sages[3] expliquent que Chlomo vit que lorsque la Torah prescrit à un roi de ne pas avoir un nombre exagéré de femmes, elle livre la raison de l’interdit – afin qu’elles ne détournent pas le cœur du roi d'Hachem.[4] Or, Chlomo fit le raisonnement que la logique de cette Mitsva ne s’appliquait pas à lui et qu’il pouvait épouser de nombreuses femmes qui ne le feraient pas dévier du droit chemin. Nos Sages poursuivent avec un « dialogue » très intéressant : la lettre Youd du terme Yarbé, présente dans la Mitsva prescrivant de ne pas avoir trop de femmes, protesta devant Hachem et prétendit que Chlomo l’éliminait en tenant le raisonnement que cette Mitsva ne le concernait pas et à l’avenir, il serait amené à annuler toute la Torah. [5] Hachem répondit que Chlomo et un millier d’hommes tels que lui quitteraient ce monde et aucune lettre de la Torah ne serait éliminée. Hachem ajouta ensuite de manière rhétorique : « Qu’est-ce qui a poussé Chlomo à se mêler de domaines dans lesquels il ne devait pas intervenir ?! »

Inutile de préciser que ce Midrach peut se comprendre à divers niveaux, mais au niveau simple, l’erreur de Chlomo a consisté à appliquer son propre intellect, certes exceptionnel, à la compréhension de la Torah. Le Michbétsot Zahav ajoute un point important : personne ne peut éviter de fauter sans Siyata Dichmaya (aide divine). Il aurait été possible que Hachem accorde à Chlomo l’aide divine nécessaire afin que ses épouses n’aient pas d’effet négatif sur lui, mais Hachem choisit de retirer Son aide afin de protéger l’honneur de la Torah, même d’une seule lettre de la Torah. En effet, si Chlomo avait appliqué avec succès cette logique d’épouser de nombreuses femmes en dépit de l’interdit explicite de la Torah à cet égard, cela aurait ébranlé jusqu’à la base de l’observance de la Torah : en effet, l’homme accomplit les Mitsvot parce qu’elles reflètent la Parole de Hachem, et non afin de faire des calculs pour déterminer si la Mitsva s’applique à divers scénario.

Chlomo en vint à réaliser, grâce à la Mitsva de la Para Adouma (la vache rousse), que même un homme aussi avisé que lui ne pouvait utiliser son intellect pour décider si les Mitsvot s’appliquaient ou non. Il remarque dans Kohélet qu’il pensait avoir compris les motifs sous-tendant les Mitsvot jusqu’à ce qu’il rencontre l’étonnante Mitsva de Para Adouma qui défie la logique par certains aspects. Il l’exprime de cette manière : « Mais elle s’est tenue loin de moi. »[6] La plupart des commentateurs comprennent que Chlomo se réfère uniquement à la Mitsva de Para Adouma, mais l’un d’eux explique que la référence est à toute la Torah, et Chlomo a réalisé que comme il ne comprenait pas la réelle profondeur d’une Mitsva, il allait de soi qu’il ne pouvait sonder les profondeurs de toutes les Mitsvot. Il a malheureusement appris cette leçon trop tard, lorsqu’il choisit d’épouser trop de femmes ; ceci nous rappelle l’idée fondamentale que l’observance de la Torah doit être abordée avec une humilité et une servilité envers la Parole de Hachem, même si nous ne comprenons pas intégralement ce qui nous a été prescrit.

 

[1] Cité dans Michbétsot Zahav, Mélakhim Aleph, pp.557-558.

[2] Cité dans Michbétsot Zahav, Mélakhim Aleph, p.558.

[3] Midrach Tan’houma, Vaéra, 5, Chémot Rabbah, 6:1.

[4] Le Midrach traite une autre Mitsva transgressée par Chlomo : celle de ne pas avoir trop de chevaux (Dévarim 17:16), ce qui justifie également cette mise à l’épreuve.

[5] Voir les commentateurs sur le Midrach traitant de la raison pour laquelle le Youd s’est plaint en particulier.

[6] Kohélet, 7:23.