L’être humain se distingue des autres créatures par la parole (cf. Béréchit 2, 7 Onkelos). Celle-ci est l’expression de son intelligence et de sa pensée, elle lui permet de communiquer avec son prochain, de formuler ses sentiments, de commercer.

Cet "outil" qui a été donné à l’homme est en réalité à double tranchant : on peut l’utiliser pour faire du bien autour de soi (consoler les endeuillés, encourager ceux qui en ont besoin, enseigner la Sagesse, transmettre des messages à nos enfants…), mais par des propos vexants, humiliants, le mensonge et la calomnie, on peut également causer des dommages irréversibles. C’est pourquoi la Torah, à plusieurs reprises, nous met en garde contre ces interdits que l'on commet par la parole.

Le Rav Israël Méïr Kagan a révolutionné le monde juif il y a plus d’une centaine d’années avec son fameux livre "’Hafets 'Haïm" (qui d’ailleurs est devenu son éponyme), concernant les lois sur la médisance. Il y relevait qu’on pouvait transgresser 17 commandements négatifs et 14 positifs avec une seule phrase malveillante. Depuis, par la lecture de ce livre, les gens ont pris conscience de l’importance de la parole et s’efforcent de respecter ces lois.

Beaucoup de Rabbanim encouragent l’étude journalière du "’Hafets 'Haïm" ; ces lois sont approfondies dans les maisons d’étude (Beth Hamidrach), certains les étudient en ‘Havrouta (binôme) par téléphone. Chaque année sont organisées des soirées pour grand public au cours desquelles on éveille l’assistance à se renforcer dans ce domaine, particulièrement à l’approche de Ticha’ Béav. On sait en effet que le second Temple fut détruit à cause de la haine gratuite, dont l’une des expressions est le Lachone Hara’ (la médisance).

Un autre moyen nous permettant de contrôler ce qui sort de notre bouche, est le Ta’anit Dibour, le jeûne de la parole. Lorsqu’on passe toute une journée à s’abstenir totalement de parler, on réalise à quel point, sans même s’en rendre compte, il est facile de lancer une plaisanterie vexante, de raconter un "petit" Lachone Hara’ ou se moquer d’un défaut d’un confrère. Ce self-control que nous impose le Ta’anit Dibour nous permet de réfléchir avant d’ouvrir la bouche et de s’assurer qu’il ne s’agit pas de paroles désobligeantes.

Il est vrai qu’il est difficile de prendre sur soi un tel engagement à titre individuel, surtout quand on se trouve dans un entourage professionnel qui ne nous le permet pas. C’est pourquoi beaucoup de communautés organisent un jeûne de la parole collectif, à la synagogue ou dans une salle de fête, avec au programme des cours de Torah de différents intervenants, la lecture du livre des Téhilim, le tout dans une ambiance conviviale, repas et boissons assurés. L’un des pionniers de ces réunions communautaires fut le grand rabbin Yossef Sitruk quand il était encore à Marseille et depuis, l’initiative s’est étendue un peu partout.

On a l’habitude de choisir un des jours de Chovavim (semaines séparant la Parachat Chémot de celle de Michpatim) car on a une tradition du grand Kabbaliste le Ari zal selon laquelle ces jours sont opportuns à réparer les fautes de l’attribut du Yessod – c’est-à-dire ce qui a un rapport avec la semence masculine – or le Ta’anit Dibour équivaut à 84 jeûnes de la nourriture !

En France, le jour propice est dimanche puisque tout le monde est en congé et on fait d’une pierre 3 coups : tout d’abord on accomplit la Mitsva en soi du jeûne de la parole, d’autre part on transforme le dimanche, jour triste et oisif, en un moment d’élévation. De plus, on se déconnecte de la dépendance au téléphone portable, chose difficile à réaliser dans un contexte normal.

Faites l’expérience du Ta’anit Dibour et vous attendrez avec impatience le rendez-vous de l’année prochaine !

La rédaction de Torah-Box Magazine