Question de Ulysse L.

Bonjour Rav Scemama,

J’ai fait Téchouva il y a de cela 2 ans, et je m’intéresse beaucoup aux réponses que propose le Judaïsme à toutes les théories évolutionnistes, darwinismes, à la création du monde et de son âge réel, et, de façon générale, à toutes les découvertes scientifiques qui remettraient en question le message Biblique. Je suis chaque fois agréablement étonné d’entendre ou de lire des rabbins défendre avec brio la position de la Torah, en s’appuyant à la fois sur notre tradition, mais aussi sur des études de professeurs de renommée mondiale qui donneraient raison à notre patrimoine.

Je me tourne vers vous car j’ai deux questions qui me tracassent et je vous les soumets :

- Si aujourd’hui nous avons des réponses à ces interrogations, comment les juifs pendant des dizaines d’années sont restés pratiquants et entiers dans leur croyance face à ces attaques ?

- J’ai cette crainte que peut-être demain on trouve de nouvelles découvertes sur lesquelles on n’aura rien à répondre et qui ébranleraient les fondements de notre croyance. Comment réagirons-nous ?

Je vous remercie d’avance pour votre réponse.

Réponse du Rav Daniel Scemama

Bonjour Ulysse,

Tes deux questions sont en fait une seule et proviennent d’une même racine, à savoir que tu estimes que, tant que l’on ne propose pas une réponse solide à toutes les questions posées sur les fondements de notre croyance, nous sommes en mauvaise posture.

Mais, comme nous allons le développer, le Judaïsme a une tout autre approche pour neutraliser ces attaques sans rentrer dans le fond de ces théories. Voici les deux démarches essentielles :

1. La première fait partie des commandements de la Torah : nous devons nous souvenir de la sortie d’Egypte tous les jours, matin et soir, et aussi tout le long des 7 jours de fête de Pessa’h. En effet, ce rappel historique vient forger en nous la conviction qu’il y a bien un Etre Suprême - D.ieu - qui contrôle totalement les lois de la nature et les bouleverse lorsqu’Il le désire. Il a démontré à une certaine période de l’histoire que Lui Seul est le Maître absolu du monde. Ce message, on le perpétue de génération en génération sans le moindre doute sur son authenticité, et il est marqué par 24 Mitsvot différentes pendant les fêtes de Pâque. Comme l’explique le Ramban (fin de Parachat Bo), lorsque l’Eternel envoie les 10 plaies sur les Egyptiens, sans que les Bné Israël ne soient touchés, en prévenant Pharaon - par l’intermédiaire de Moché - du moment exact où ces calamités vont se dérouler, Il démonte ainsi toutes les théories de la négation d’un Créateur ou de Son retrait du monde, ou encore qu’Il n’interviendrait pas dans le destin des hommes. Il prouve aussi qu’Il communique Ses projets à des prophètes, comme cela a été le cas au cours de ces événements.

De plus, nous fêtons aussi le « ‘Hag Chavou’ot » qui vient nous rappeler le don de la Torah au peuple d’Israël et la Révélation : D.ieu s’est révélé à tout un peuple de plusieurs millions de personnes, qui étaient en état d’éveil et en possession de toutes leurs facultés. Il n’y a pas une seule religion parmi les quelques centaines qui existent dans le monde qui affirme une telle chose. Cet évènement est rappelé chaque année depuis, et il est certain qu’il n’y a aucune faille à son authenticité, car, comme l’écrit le Ramban : « Nous ne transmettons pas de mensonge à nos enfants ».

Ces vérités sont tellement fortes, qu’aucun vent ne peut les ébranler. C’est pourquoi, la Torah nous ordonne de marquer le souvenir de ces évènements par des fêtes pendant lesquelles on n’a pas le droit de travailler afin de s’imprégner de ces faits historiques.

Il faut aussi ajouter que le peuple d’Israël a toujours été dirigé par des géants de la pensée, nos Sages, et que l’étude de la Torah, surtout du Talmud, nous met en contact avec une sagesse et un génie qui ne peuvent être que de source Divine.

2. Nos Maîtres étaient conscients que, derrière ces découvertes scientifiques qui contredisaient la Torah, se cachaient des intentions malhonnêtes, et que le but de ces recherches était de se débarrasser du message Biblique et, bien sûr, de sa morale. On raconte à ce propos qu’un grand Rav (le Rav ‘Haïm Solovetchik) avait un jour croisé un de ses anciens élèves qui s’était éloigné de la pratique du Judaïsme. Ce dernier lui a déclaré : « Je n’ai pas obtenu de réponses aux questions que j’avais sur la Torah, c’est pourquoi j’ai arrêté de respecter les commandements ». Ce à quoi le Rav Solovetchik répondit : « On peut donner des réponses à des questions, mais pas des réponses à des réponses ». Le Maître avait très bien compris que cet ancien élève avait déjà décidé de s’éloigner du judaïsme, et, pour justifier sa démarche, il posait des questions auxquelles il n’attendait en fait aucune réponse. D’ailleurs, nos Sages nous enseignent que ceux parmi nos ancêtres qui ont fauté avec le veau d’or, n’ont agi ainsi que pour se permettre certaines interdictions d’ordre sexuel.

On remarquera qu’aujourd’hui où les doctrines darwinistes et évolutionnistes ont subi de grosses critiques, on cherche à prouver que, psychologiquement et même physiologiquement, l’homme n’a pas vraiment de libre arbitre, et ainsi à justifier des fautes et des déviations que la Torah appelle abomination. Le but recherché est le même, s’affranchir de toute morale.

3. Nous pouvons dès lors nous poser la question : pourquoi certains rabbins se sont investis afin de démonter les arguments des athées, puisque, dans l’absolu, on n’en avait pas la nécessité ?

Il faut savoir que, de façon générale, nos Sages nous recommandent de ne pas lire, écouter et s’intéresser aux propos des hérétiques, car le cœur de l’homme risque d’être influencé par leurs pensées, et de s’éloigner de la Emouna (foi). Mais, comme certains juifs, séduits par des courants philosophiques, ont été ébranlés dans leur foi, nos Maîtres, conscients qu’il était nécessaire d’aider leurs frères, ont cherché à répondre aux arguments des hérétiques et à démonter leur pensée. Il s’agissait de très grands Sages qui savaient qu’ils ne seraient pas touchés par ces théories, et qui agissaient ainsi « Léchem Chamayim » (de manière désintéressée). C’est ainsi que, déjà au temps de l’époque du Talmud, des rabbins participaient à des disputes verbales avec les non-croyants. Plus tard, nous trouvons Maïmonide avec son fameux « Guide des Egarés » qui défendra la position du Judaïsme face à certaines philosophies ; le Malbim et le Rav Chimchon Raphaël Hirsch vont intervenir avec brio en faveur des valeurs de la Torah dans une époque troublée par le vent de la « Haskala » (émancipation). Dernièrement, ce sont souvent des Ba’alé Techouva, anciens professeurs et scientifiques versés dans toutes ces théories, qui défendront notre Patrimoine, surtout lors des séminaires de Judaïsme.

En conclusion, Ulysse, tu ne dois pas t’inquiéter sur l’avenir de notre Tradition, elle est de Source Divine et aucune attaque ne peut l’atteindre. Etudie les textes du Talmud emplis de Sagesse et d’Intelligence pure et tu verras que tous tes doutes disparaitront.