Quand elle nous décrit les divers sacrifices, la Torah qualifie le Acham et le ’Hatat de « Kodché Kadachim ». En revanche, les Chélamim sont appelés Kodachim Kalim – leur sainteté est moindre. Le Abarbanel[1] se demande quelle est la raison de cette différenciation.

Il répond que les premières offrandes mentionnées étaient approchées par des gens qui avaient commis une faute et souhaitaient l’expier. Il s’agissait donc de Baalé Téchouva, qu’Hachem affectionne particulièrement. Par ailleurs, les Chélamim étaient approchés par des Tsadikim qui n’avaient pas fauté. La Guémara affirme que même un Tsadik parfait n’atteint pas le niveau d’un Baal Téchouva[2]. Pourquoi ? C’est tout d’abord parce que ce dernier doit affronter un Yétser Hara plus fort que celui du Tsadik et a donc plus de mérite, conformément au principe « Léfoum Tsaara Hagra – La récompense est fonction de la difficulté éprouvée ». Le Pri Mégadim propose une autre réponse. La Guémara[3] précise qu’une personne qui fait Téchouva par amour envers Hachem voit toutes ses fautes, précédemment commises, transformées en Mitsvot. Ceci, parce que ses actions passées le motiveront à fournir plus d’efforts à l’avenir. De plus, elles lui feront détester la faute, sachant à présent à quel point elle est dévastatrice. Un Tsadik parfait a, certes, beaucoup de Mitsvot à son compte, mais n’ayant pas commis de fautes, celles-ci ne peuvent être transformées en Mitsvot et il lui est difficile de haïr quelque chose qu’il n’a jamais connu.

Rav Yo’hanan Zweig[4] propose une autre différence entre le Baal Téchouva et le Tsadik Gamour. Le Rambam décrit comment, à l’époque d’Avraham Avinou, l’idolâtrie était courante. Quasiment tout le monde était polythéiste, à l’exception de Chem et Ever et de leurs disciples. Le jeune Avraham se posa quelques questions et en vint à la conclusion qu’il devait y avoir un Créateur, Tout Puissant et Bon. Le Rambam affirme qu’Avraham réalisa ceci à l’âge de quarante ans. Dès lors, il diffusa le monothéisme et parvint à influencer de nombreuses personnes.

Le Raavad pose deux questions. Tout d’abord, ’Hazal[5] nous informent, par ailleurs, qu’Avraham reconnut son Créateur à l’âge de trois ans, alors comment affirmer qu’il avait quarante ans lors de cette révélation ? De plus, si Chem et Ever, qui étaient plus âgés qu’Avraham et enseignaient la Torah dans leurs Yéchivot, étaient déjà monothéistes, pourquoi accorder tout le mérite à Avraham ?[6]

Rav Zweig répond grâce à l’analogie suivante. Imaginez que vous vouliez convaincre votre ami d’arrêter de fumer. Si vous-mêmes n’avez jamais fumé, le fumeur vous ignorera certainement. Car, même avec les arguments les plus forts, les plus éloquents sur les méfaits du tabac, puisque vous ne connaissez pas le « plaisir » de la cigarette, il ne ressentira pas que vous comprenez réellement la difficulté d’abandonner cette habitude. En revanche, un ancien fumeur qui n’est plus dépendant de la nicotine, pourra bien plus facilement persuader son interlocuteur d’arrêter de fumer.

Il en est de même pour l’idolâtrie. Un ancien idolâtre sera bien plus efficace dans ses efforts pour convaincre les autres de la bêtise de leur croyance que celui qui ne l’a jamais été. Aussi, un Baal Téchouva parviendra beaucoup plus facilement à montrer la Lumière de la Torah à un Juif non pratiquant qu’un « religieux de naissance ». On pourrait objecter à celui-ci : « Qu’en sais-tu ? As-tu déjà joui du goût des crevettes ? As-tu déjà profité des "plaisirs de la vie" ? Comment peux-tu déclarer que la Torah est un mode de vie qui apporte bonheur et satisfaction ? » Celui qui a « déjà fait ceci », « déjà gouté à cela » pourra parler avec plus de conviction et le fait de comparer son ancien mode de vie à celui régi par la Torah attirera beaucoup plus de monde.

Chem et Ever n’avaient jamais été idolâtres, contrairement à Avraham Avinou. Ce dernier put utiliser les années où il vécut dans l’erreur et les transformer en expérience positive, les utiliser pour convaincre les autres. Donc, bien que son adhérence au monothéisme ne se fit qu’à l’âge de quarante ans, on peut affirmer que c’est dès ses trois ans (quand il commença à réfléchir) qu’il influença son entourage. En effet, rétroactivement, ces trente-sept ans lui furent utiles pour convaincre les gens du mensonge représenté par l’idolâtrie.

Ceci est pertinent à chacun d’entre nous, même à ceux qui sont nés dans l’orthodoxie. Nous sommes tous des Baalé Téchouva, car ’Hazal affirment qu’il n’existe pas de Tsadik parfait qui n’ait jamais fauté. Dès lors qu’une personne a mal agi et s’est repentie, elle est considérée comme « Baal Téchouva ». Nous devons utiliser les domaines dans lesquels nous avons trébuché de manière positive – nous motiver à éviter de recommencer et/ou nous servir de notre expérience pour aider autrui.

Puissions-nous tous exploiter notre passé pour un meilleur avenir.

 

[1] Rapporté dans Tallélé Orot, Vayikra 6,10, p. 115

[2] Brakhot 34b. Cette opinion, suivie par le Rambam, est controversée par un autre avis de la Guémara.

[3] Yoma 86b.

[4] Rapporté par le Rav Issakhar Frand.

[5] Nédarim 32a.

[6] Voir Kessef Michné qui répond à cette question.