Avec la parasha de cette semaine, nous achevons non seulement le livre de Bamidbar mais également le récit de la Torah, puisque le livre de Devarim est constitué essentiellement d’une reprise des évènements précédents. Il s’agit donc d’un moment particulièrement solennel de notre calendrier, et d’autant plus émouvant que nous assistons aux derniers instants de vie terrestre de Moshe Rabenou.

A cet égard, nos Sages attirent notre attention sur les dernières préoccupations de Moshé qui sont éloquentes quant à sa hauteur spirituelle, mais aussi un bel enseignement pour chacun d’entre nous.

A la fin de la parasha Massei, la Torah mentionne la désignation de trois villes de refuge par Moshé Rabenou en dehors d’Eretz Israël. Cette démarche n’a pas vraiment d’utilité pratique car, tant que le peuple n’est pas rentré en Israël et n’a pas désigné les villes de refuge dans ce territoire également, le principe des « villes refuges » et la protection qu’elles sont censées apporter ne sont pas opérants. Et pourtant, Moshé, à la toute fin de sa vie, tient à désigner même « symboliquement » ces trois villes.

A travers cette démarché, Moshé témoigne en réalité de son amour de la mistva. Dès lors qu’une mitsva se présente à lui, il a à cœur de l’accomplir sans tarder, sans tergiverser, sans raisonner sur l’utilité concrète ou non de cette mistva. En réalité, Moshé percevait plus que quiconque peut-être à quel point la plus haute dignité à laquelle peut prétendre un homme sur terre est d’accomplir la volonté de son Créateur. Et la grandeur de cette fidélité est d’autant plus forte qu’elle n’est assortie d’aucune utilité humaine. Rien n’obligeait Moshé à accomplir cette mitsva immédiatement puiqu’elle n’était que « partielle » si ce n’est son amour de la mistva, et même d’un « commencement de mitsva ». 

Cet épisode narré par notre paracha rejoint également un enseignement des Maîtres du Talmud que nous avons étudié cette semaine dans le Daf Hayomi. Voici les mots de nos Maîtres : « Toute mitzva pour laquelle les Juifs ont sacrifié leur vie, comme l'interdiction de l'idolâtrie et la mitzva de la circoncision, est toujours fermement observée. Et toute mitzva pour laquelle les Juifs n'ont pas eu à sacrifier leur vie, comme les phylactères, est toujours observée avec légèreté ». 

Et la Guemara de poursuivre en nous racontant l’histoire suivante « Un jour, l’empire scélérat de Rome avait publié un décret contre le peuple juif qui, en guise de punition, prévoyait de percer la tête de toute personne qui portait les Téfilins sur la tête. Néanmoins, un homme nommé Elisha les portait et se rendait sur le marché. Un jour, un fonctionnaire nommé pour faire appliquer le décret l'a vu. Elisha s'est enfui et le fonctionnaire lui a couru après. Lorsque le fonctionnaire l'a atteint, Elisha a enlevé les Téfilins de la tête et les a tenus dans sa main. Le fonctionnaire lui a demandé : Qu'est-ce que tu as dans la main ? Elisha lui répondit : Ce ne sont que les ailes d'une colombe. Un miracle se produisit : Il ouvrit sa main et, en effet, on découvrit qu'il s'agissait des ailes d'une colombe. C'est pourquoi, en commémoration de ce miracle, on l'appelait Elisha, l'homme aux ailes. » (Traité Shabat 130 a)

Nos Sages concluent en nous disant « Tout comme une colombe n'a que ses ailes pour la protéger, le peuple juif n'a que des mitzvot pour le protéger. ».

Les Maîtres du Talmud nous rappellent ainsi que l’homme ne saurait réduire la mitsva à un exercice technique, à une routine, ou même à l’acquittement docile d’une dette envers l’Eternel.

La mitsva est bien plus que cela, elle donne à la vie de l’homme toute sa grandeur, elle le protège et elle l’élève. A cet égard la comparaison avec les ailes de la colombe est très féconde, non seulement dans la dimension de protection mais aussi dans celle d’élévation. L’homme croit parfois qu’il s’élève surtout par la pensée, par la réflexion et que la mistva permet de donner un support matériel à l’observance religieuse. 

Ce passage nous invite peut-être à inverser le postulat en disant que la pensée est le propre de l’homme, de tous les hommes, mais la pensée n’élève l’homme que si elle est accompagnée d’une observance fidèle à la parole de D.ieu. 

Lorsque l’homme accomplit une mitsva, il quitte le domaine du matériel pour rejoindre le domaine du spirituel dans ce sens où il accomplit la volonté de D.ieu, une volonté qui dépasse son entendement.

Voilà pourquoi également, la Torah ne saurait être réduite à un livre de sagesse ou de philosophie. Si l’on réunissait les plus grands philosophes du monde, ils pourraient peut-être réécrire Le discours de la méthode de Descartes, ou La critique de la raison pure de Kant, mais ils ne pourraient pas suggérer la procédure de la vache rousse, l’interdiction d’un mélange de laine et de lin, et tant d’autres dispositions de notre sainte Torah. 

La Torah est probablement un cadeau fait aux hommes, comme témoignage du lien éternel qui les relie au Maître du monde, et comme révélateur de l’étincelle divine qui se loge en chacun de nous.

En ces temps où l’accomplissement de certaines mitsvot est plus difficile que dans le passé, parfois impossible, nous mesurons combien elles sont essentielles à nos vies. Mais les recommandations des Maîtres de notre génération nous rappellent également qu’il est une mitsva fondamentale de la Torah qui consiste à prendre soin de sa vie, et de celle des autres.

Puisse l’Eternel nous permettre de garder toujours en nous cet amour des mistvot, et nous donner rapidement la possibilité de pouvoir toutes les accomplir sans danger, en bonne santé, et y compris, bien sûr, celles relative au Temple et à l’époque du Mashia’h.