« … Léa s’approcha aussi avec ses enfants et ils se prosternèrent ; ensuite, Yossef et Ra’hel s’approchèrent et se prosternèrent. » (Béréchit 33,7)

La Paracha de cette semaine nous raconte la rencontre entre Yaacov et Essav. La Torah précise que chacune des femmes de Yaacov s’approcha avec ses enfants pour se prosterner devant Essav. Bilha, Zilpa et Léa devancèrent leurs enfants, mais concernant Ra’hel, le verset mentionne Yossef en premier, indiquant qu’il se plaça entre Essav et sa mère. Rachi explique que Yossef agit de la sorte, car étant donné l’exceptionnelle beauté de Ra’hel, il craignait qu’Essav ne porte son regard sur elle et ne murisse un projet pervers. Pour éviter que cela se produise, Yossef se tint debout, devant sa mère, dans le but de bloquer la vue à Essav. Rachi affirme que par le mérite de cet acte, Yossef reçut la bénédiction de « Alé Ayin » [la grâce de l’œil] ; cela signifie que ses descendants ne seront pas soumis au Ayin Hara (au mauvais œil). Rachi ajoute, dans la Parachat Vayé’hi (Béréchit 49,22) que Yossef essaya de se grandir afin de cacher sa mère au maximum. En récompense, Hachem lui promit de le rendre « grand ».

Rav Issakhar Frand souligne qu’à cette époque, Yossef n’avait que six ans. Il n’était donc pas suffisamment grand pour cacher sa mère du regard d’Essav. Il précise qu’au mieux, il arrivait à la hanche de Ra’hel. Il ajoute que Yossef ne put certainement « cacher » sa mère que pour un court laps de temps ; à un moment ou à un autre, Essav allait finir par regarder Ra’hel. Alors qu’essayait-il de faire ? Ses efforts furent bel et bien louables, mais pas très efficaces…

Pour répondre à cette question, souvenons-nous d’un principe fondamental : il est souvent impossible de faire certaines choses à la perfection, mais cela ne signifie pas qu’il ne faille pas du tout tenter de les effectuer. Il convient plutôt de faire ce que l’on peut et de savoir que le résultat final n’est pas entre nos mains, il ne dépend pas de nous. C’est ce qui motiva Yossef. Il se dit – et c’est ce que nous devons nous dire : « il est vrai que mes actes sont minimes, ils seront bénéfiques pendant une minute ou deux et je ne parviendrai à cacher qu’une partie de la silhouette de ma mère –, mais cela en vaut la peine. Comme le dit le proverbe, "faute de grives on mange des merles". Même si le résultat ne sera pas parfait, l’effort en vaut la chandelle. »

Yossef Hatsadik nous enseigne une leçon importante – soyons minimalistes ! Il vaut mieux faire peu que ne rien faire du tout. Ce principe s’applique autant au côté « Assé Tov » (faire le bien) qu’au « Sour Méra » (s’éloigner du mal) dans notre Avodat Hachem. Concernant le « Assé Tov », l’individu peut ne pas être capable d’accomplir une Mitsva à la perfection – parfois à cause de la situation dans laquelle il se trouve (par exemple, il se sent mal et ne peut pas prier en présence d’un Minyan ; cela ne veut pas dire qu’il ne doit pas prier du tout, mais qu’il doit réciter les passages qu’on lit quand on prie seul).

Prenons l’exemple de l’histoire de ’Hanouka. Après leur victoire, les Maccabim entrèrent dans la cour du Beth Hamikdach et virent que l’huile d’olive servant à allumer la Ménora avait été souillée. Ils ne trouvèrent qu’une petite fiole encore scellée par le Cohen Gadol. Elle ne pouvait brûler qu’une seule nuit. Ils auraient pu penser qu’il ne servait à rien d’allumer que pour un jour et qu’il était plus logique d’entamer un processus de fabrication d’huile pure. Mais ils suivirent l’exemple de Yossef – ils firent le minimum, c’est-à-dire ce qui leur était possible. Un allumage de courte durée vaut mieux que rien. Hachem les récompensa en laissant cette huile brûler pendant huit jours.

L’approche minimaliste s’applique également à l’aspect « Sour Méra » de la Avodat Hachem. En effet, il convient d’atténuer l’ampleur de la faute, quand bien même on n’est pas capable de l’éviter complètement. Bien évidemment, il vaut mieux n’en commettre aucune, mais si l’individu n’est pas à ce niveau, moins il transgresse d’interdits, mieux c’est. Dans le même ordre d’idée, Rav Israël Salanter conseillait aux Juifs non pratiquants qui travaillaient pendant Chabbat, de faire le moins de Mélakhot possible, afin de minimiser la profanation du Chabbat et de faire en sorte que les interdits transgressés soient d’ordre rabbinique et non imposés par la Torah. Il n’affirmait pas par là qu’il fût acceptable de transgresser le Chabbat d’une quelconque façon, mais que chaque opportunité de réduire la faute est à saisir. Cette progression graduelle permit à de nombreuses personnes de respecter finalement le Chabbat, chose qu’elles n’auraient jamais faite si on leur avait demandé d’arrêter complètement de travailler.

Même le fait de repousser la faute est louable. Ainsi, si le Yétser Hara nous pousse à commettre une mauvaise action, on peut se dire : « Je la ferai dans une demi-heure ». Il est à espérer que dans la demi-heure qui suit, le désir de transgresser cet interdit s’estompera et que l’on pourra l’éviter complètement. Mais même si l’on trébuche, le fait d’avoir retardé la faute sera déjà compté comme un mérite.

Yossef nous apprend qu’un accomplissement partiel vaut mieux qu’une inaction totale. Certes, nous devons aspirer à la perfection, mais chaque petit pas en avant est de grande valeur.