« Celui qui craignait la parole d’Hachem parmi les serviteurs de Pharaon fit fuir ses serviteurs et son bétail vers les maisons. Et celui qui n’appliquait pas son cœur à la parole d’Hachem abandonna ses serviteurs et son bétail dans le champ. » (Chémot 9,20)

Avant le début de la grêle, Moché Rabbénou prévint les Égyptiens de la plaie imminente. Ceux-ci eurent donc la possibilité de mettre leurs animaux et leurs domestiques à l’abri, le fléau ne sévissant qu’à l’extérieur. La Torah raconte que quiconque « craignait la parole de D. » fit entrer son troupeau et ses biens dans les maisons, mais ceux qui ne prêtèrent pas attention à cet avertissement, laissèrent leurs serviteurs et leurs bêtes dans les champs. Le Targoum Yonathan précise « celui qui craignait la parole de D. – comme Iyov – et celui qui n’en fit pas cas – comme Bil’am ». La Guémara[1] nous présente le contexte et souligne qu’Iyov et Bil’am étaient tous deux des conseillers de Pharaon.

Bil’am fit preuve d’un entêtement sans pareil, en refusant de croire que la prédiction de Moché puisse être vraie, bien que jusqu’alors, tout ce qu’il avait prédit s’était produit. Bil’am était certes un Racha', mais il ne semble pas être stupide, au point de prendre le risque de perdre tous ses biens. D’ailleurs, nous savons que par la suite, il deviendra prophète. Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’il nous semble agir avec un tel entêtement, qui frôle la folie.

Quand on demanda à Bil’am de maudire les Juifs, il refusa, dans un premier temps, sachant qu’Hachem s’y opposerait, mais dès lors qu’on lui proposa plus d’argent, sa cupidité prit le dessus et Hachem l’autorisa à le faire, quoiqu’exprimant Sa répugnance pour ce projet. En outre, Hachem dit à Bil’am qu’Il ne le laisserait pas faire de mal au peuple juif. Néanmoins, ce dernier monta sa loyale ânesse et se mit en route. Soudain, elle s’arrêta au milieu du chemin. Il savait qu’elle refusait d’avancer, parce qu’un ange lui bloquait le passage. Bil’am, lui, ne vit pas l’ange. C'est pourquoi il se fâcha et maudit l’ânesse. C’est alors qu’Hachem ouvrit la bouche de cet animal qui rappela à son maître sa loyauté durant de nombreuses années, sans que ce dernier se comporte de la sorte. L’ânesse véhiculait le message suivant : il s’était évidemment passé quelque chose d’inhabituel pour que Bil’am se conduise de manière si particulière. Pourtant, Bil’am ne parvint pas à ouvrir les yeux et à se rendre à l’évidence – tout comme lors de la grêle en Égypte, il ne prit pas à cœur le message qu’on tentait de lui transmettre[2].

On peut expliquer de plusieurs façons ce grave défaut de Bil’am ; celui de ne pas faire cas des messages envoyés. Rav Issakhar Frand explique, sur la base d’une remarque du ’Hafets ’Haïm[3], que durant tout le récit des bénédictions données par Bil’am au peuple juif, voire dans toute la Parachat Balak, il n’y a aucune pause. Un si long passage aurait dû comporter plusieurs signes de pause (comme les Sétoumot – paragraphe séparé du précédent, mais figurant sur la même ligne du Séfer Torah – ou les Pétou’hot – alinéa entre deux paragraphes).

Le ’Hafets ’Haïm précise qu’en général, les séparations dans la Torah avaient pour but de laisser à Moché la possibilité de réfléchir, d’analyser la précédente série de versets. Les pauses permettent d’examiner et de comprendre le message qui est véhiculé. Or le passage des bénédictions de Bil’am ne contient aucune pause, parce que Bil’am ne se laissait jamais le temps de s’arrêter pour réfléchir aux conséquences ou à la signification de ses paroles ! Ceci explique comment il put être aussi aveugle dans sa vie – il était trop occupé à aller de l’avant avec ses idées et ses objectifs, pour pouvoir prendre en considération les corollaires de son mode de vie et de pensée, bien qu’un simple regard objectif lui aurait suffi pour comprendre qu’il devait changer d’attitude.

Bil’am était particulièrement affecté par ce défaut, mais tout le monde doit en tirer leçon. De nombreuses personnes sont trop occupées à avancer pour faire une pause et examiner la direction que prend leur vie et se demander si un changement quelconque ne serait pas nécessaire.

La Guémara[4] enseigne qu’il ne faut pas avancer à grands pas, car cela affaiblit la vue de l’homme – d’un cinq-centième. Elle affirme également qu’en remède, il convient de regarder le vin du Kidouch et les bougies du Chabbath. Quand la Guémara parle de celui qui marche à grands pas, elle fait référence à celui qui est tout le temps dans la course, qui ne prend pas le temps de s’arrêter et de réfléchir à ce qui l’occupe tant. Ce n’est pas sa vue physique qui est en baisse, mais sa vision du monde. Le remède se trouve dans ce que le Kidouch et les bougies du Chabbath représentent, à savoir le repos du Chabbath. En ce jour, la personne a la possibilité de cesser sa course et d’analyser ses actions, ses occupations. Cette opportunité lui permettra de réfléchir à ce qui s’est déroulé en semaine et de comprendre le message caché dans ces différents événements. Cela peut affecter les grandes décisions de sa vie, les liens qui l’unissent à sa famille ou à ses amis, ou tout autre domaine.

L’essentiel est d’éviter l’erreur de Bil’am et de ne pas avancer aveuglément, alors que la Providence Divine nous montre qu’il faudrait changer de direction.

Puissions-nous tous mériter d’avoir une bonne conception de la vie.

 

[1] Sota 11a.

[2] Bamidbar, chap. 22

[3] Rapporté dans Kitvé Avi Mori, Rav Chmouël David Wolkin, proche disciple du ’Hafets ’Haïm.

[4] Chabbath 113b, Brakhot 43b, avec explication du Darké Moché, Ora’h ’Haïm 271,8.