Après la faute du veau d’or, Hachem dit à Moché que les Bné Israël méritaient d’être détruits et qu’Il reformerait un nouveau peuple à partir de Moché, qui serait l’unique ancêtre du peuple juif. Il demanda ensuite à Moché de Le laisser seul pour qu’Il puisse anéantir le peuple[1]. Rachi[2] souligne que Moché en déduisit que s’il ne Le laissait pas seul, Il ne les détruirait pas. Avec cette lueur d’espoir, Moché argua qu’en dépit de cette faute odieuse, il ne valait pas la peine de détruire cette nation qu’Hachem venait de faire sortir d’Égypte. Son argument « convainquit » Hachem qui pardonna finalement aux Juifs.

Rav Forhman compare cet épisode à celui du Déluge, survenu quelques siècles plus tôt, ainsi que le rôle de Noa’h dans cet événement tragique.

Avant de comparer les deux occurrences, penchons-nous sur les ressemblances entre Moché et Noa’h. Tout d’abord, ce sont les deux fois dans la Torah où le mot Téva (arche) apparait – Noa’h construisit une Téva et Moché fut placé dans une Téva par sa mère qui le déposa sur le Nil. De plus, dans les deux cas, la Torah raconte que ces arches étaient recouvertes de l’intérieur et de l’extérieur[3]. Et dans les deux cas, l’individu qui était dans la Téva fut protégé des eaux menaçantes, par cette arche.

Deuxièmement, le Midrach compare explicitement Noa’h à Moché. Il raconte que Moché était plus grand que Noa’h ; Noa’h est appelé Ich Tsadik puis Ich Adama (ce qui sous-entend une baisse de niveau), tandis que Moché est d’abord appelé Ich Mitsri (Égyptien) puis Ich Élokim (homme de D.ieu).[4]

Et lors de ces deux événements, d’autres similitudes sautent aux yeux. Quand Hachem parle à Moché de la faute du veau d’or, il dit : « Va ! Descends, car ton peuple que tu as fait monter d’Égypte s’est corrompu. »[5] Le mot employé pour parler de « corrompu » est « Chikhet ». Avant le déluge, « D.ieu vit la terre et voici qu’elle était corrompue, car toute chair corrompait sa voie sur terre. »[6] Là aussi, c’est le même mot qui est utilisé deux fois.

De plus, dans les deux occurrences, les personnages principaux passèrent quarante jours dans un environnement extrême, sans accès à l’extérieur pour manger. Moché était sur le mont Sinaï, en train de recevoir la Torah, et Noa’h était dans l’arche.

Quand Hachem décida de ne pas détruire le peuple juif, le verset affirme : « Hachem révoqua le malheur qu’Il avait déclaré de faire sur Son peuple »[7], employant le terme « Vayina’hem ». Et dans la Parachat Noa’h, la Torah raconte : « Hachem regretta d’avoir fait l’homme sur terre, Il s’affligea en son cœur »[8]. Ici aussi, le mot « Vayina’hem » est utilisé.

Certes, ces deux événements ont de nombreux points en commun, mais ils diffèrent de plusieurs façons. Dans l’histoire de Noa’h, Hachem mit Son projet à exécution, tandis que dans la Paracha de cette semaine, Hachem « changea d’avis ». Le mot Vayina’hem a donc deux significations opposées – la première fois, il indique qu’Hachem regretta d’avoir créé l’humanité tandis que concernant la faute du veau d’or, Hachem regretta d’avoir pris la décision de détruire le peuple juif.

Ce qui provoqua cette différence marquée est certainement la réaction opposée des deux protagonistes. Quand Hachem prévint Noa’h que le monde allait être détruit, ce dernier ne protesta pas ; il suivit consciencieusement Ses instructions. Par contre, Moché objecta et réussit à « convaincre » Hachem de ne pas mener Son projet à bien. Le Zohar affirme que si Noa’h avait mené une campagne comme celle de Moché, il n’y aurait pas eu de déluge[9].

C’est la Messirout Néfech de Moché qui sauva le peuple juif, il se dévoua complètement et fut même prêt à prendre des risques et à renoncer à son bien-être pour aider ses frères. Rav Forhman ajoute que la Messirout Néfech est une qualité qui accompagna Moché depuis sa naissance, quand Bitya le sauva du Nil, en dépit des risques qu’elle prenait.

Par la suite, Moché tua l’Égyptien qui frappait le Juif. Il fit preuve d’une grande Messirout Néfech ; il renonça à sa vie privilégiée, en tant que membre du palais royal. Il fut alors obligé de fuir l’Égypte, après avoir risqué sa vie en empêchant deux Juifs de se battre. Arrivé à Midyan, il se mit en danger en venant en aide aux filles de Yitro que les bergers tourmentaient. Et en Égypte, il prit également des risques en allant demander à Pharaon de libérer le peuple juif.

Moché avait de nombreuses qualités exceptionnelles, mais il semble que c’est pour sa Messirout Néfech qu’Hachem le choisit pour diriger le peuple juif.

 

[1] Chémot 32,10.

[2] Chémot 32,10, s.v Hanik’ha Li.

[3] Béréchit 6,14; Chémot 2,3.

[4] Béréchit Raba 36,3.

[5] Chémot 32,7.

[6] Béréchit 6,12.

[7] Chémot 32,14.

[8] Béréchit 6,6.

[9] Entendu de Rav Issakhar Frand