Nul n’est prophète, de nos jours, et ne peut se permettre de donner des explications définitives et absolues sur les Mitsvot. Il ne s’agit pas, dans cette chronique, de déchiffrer notre époque, à l’occasion du 2ème Pessa’h touché par le Coronavirus ; ce serait malhonnête et, de plus, totalement orgueilleux de prétendre apporter une réponse absolue à une situation totalement inédite. Soyons modeste, et tentons seulement de comprendre notre époque, à la lumière des sages, et aussi en nous basant sur les vocables hébraïques, qui se ressemblent sauf en un point : le ‘Hamets et la Matsa, le ח' et le ה' étant la seule différence dans l’écriture, mais essentielle dans le sens des termes. On le sait bien sûr, l’un exprime l’idée de fermentation, de durée (c’est le mot ‘Hamets), alors que l’autre (Matsa) traduit l’essence minimale de la matière, du point de vue du temps comme du point de vue de l’être des choses. Le terme « Mets » traduit une idée d’existence absolue, d’essence première à laquelle rien d’autre ne se mêle. Cependant, il ne s’agit pas de l’Unité absolue, spirituelle, de l’Infini, mais de l’essence primaire de la matière, qui, en fait, refuse d’être associée à un autre élément : c’est cela la « Matsa », l’aliment le plus dépouillé. Si l’on y ajoute quelque chose d’étranger, cela entraîne une « querelle » ; de là vient le mot « Matsa » (« querelle », utilisé dans Michlé 17, 19), car s’infiltrer dans la matière, dans l’essence, est possible – ce qui ne saurait exister pour E’had (l’Un absolu) – et cette infiltration implique une difficulté, une dispute (Riv qui veut dire aussi querelle est de la racine du mot « Rav » exprimant le multiple). La Matsa doit être le symbole de la simplicité dans la matière, mais qui risque la dispute.

Quant au terme « ‘Hamets » - auquel un ח' (‘Hèt) s’ajoute au מ' ( Mêm) et צ' (Tsadik), il implique la durée, on l’a dit, la permanence dans l’être. Le « pain », substance nutritive par excellence, est l’objet de cette fermentation. Ici se situe au niveau de l’action de la Providence dans le monde. D’une part, le « Ness », le « miracle », est l’intervention courte, ponctuelle dans l’Histoire. C'est cela le sens de la « Matsa » à Pessa’h : reconnaître les miracles de l’histoire, et la survie miraculeuse d’Israël qui défie le temps. Le « ‘Hamets », lui, au contraire, symbolise la Présence permanente de la Hachga’hah dans le monde. Cela représente l’organisation naturelle de l’univers, qui dure, qu’il importe de découvrir dans le déroulement naturel des faits. Il importe alors de Le découvrir au-delà des faits. C’est la différence entre Pessa’h et Pourim. Le nom d’Hachem n’est pas du tout mentionné dans la Meguila, car il faut Le voir même quand il n’y a pas de miracles ponctuels, immédiatement visibles, tel le passage de la Mer Rouge par exemple.

Ici, nous pouvons comprendre la double intervention de la Providence : courte, ponctuelle d’une part, prolongée, inscrite dans la durée d’autre part. C’est ici et maintenant, hic et nunc, que se situe notre rôle, le rôle du « Evèd HaChèm », du croyant qui se sent interrogé par la situation actuelle. A nos yeux faibles, il apparaît dans un premier temps que le cycle de la nature se déroule de façon habituelle, et dans ce cas, c’est la fermentation : ce à quoi on est habitué, à quoi on ne réfléchit guère. « Tout va bien », alors on oublie Qui met en marche l’univers, Qui est responsable du déroulement NATUREL des phénomènes vitaux. On ne pense pas à LE remercier, puisque le monde continue, et que les humains pensent qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent. On l’a déjà remarqué plusieurs fois : c’est la tentation de la génération de Babel. « Utilisons notre liberté contre le Créateur ! Allons nous mesurer avec Lui ! » Telle est la pensée, tel est l’espoir de nos contemporains. Il est évident qu’aucune génération n’a obtenu les résultats actuels dans la science, dans la technologie, dans le domaine sanitaire ! Et puis patatras ! tout s’écroule. Un virus, pas clairement identifié, bouleverse l’ordre établi : la santé, la société, la vie économique. On trouve des vaccins qui vont peut-être protéger, et voilà qu’une mutation change les données, et tout doit être remis en question ! N’est-ce pas là l’INSTANT du Créateur qui ne peut accepter qu’on L’oublie, et que l’on reconnaissance QUI est à l’origine de tous les progrès de l’humanité. Que l’on nous comprenne bien ! Il ne s’agir pas de stigmatiser telle ou telle insuffisance, telle ou telle société, ou telle ou telle civilisation. Il s’agit, plus simplement mais aussi plus essentiellement, de ne pas oublier l’Auteur de la Création. Il convient de nous réveiller, et de prendre conscience qu’il n’y a pas de hasard. Cette maladie inédite et même inconnue est l’élément qui doit nous faire comprendre Qui est vraiment Tout-Puissant dans l’univers. Prions Le d’exaucer nos prières et de nous permettre de Le voir bientôt au-delà des épreuves, à l’époque messianique.