Bien qu’il s’agisse d’un thème rebattu sans cesse, il semble réapparaître à nouveau à l’occasion de la crise sanitaire actuelle : un malheur menace, pour le conjurer il faut trouver un coupable, stigmatiser pour écarter la menace, ou pour en trouver le coupable. Une chronique précédente, il y a quelque temps, avait évoqué ce thème, en utilisant un titre des Fables de La Fontaine, intitulé « Haro sur le baudet », en expliquant que c’est le plus faible qui est responsable des malheurs de la communauté. Ce qui nous importe, dans cette nouvelle réflexion, c’est d’abord de dépasser le problème : d’où provient ce besoin de trouver un coupable à la tragédie, et, de plus, pourquoi le choix du coupable est tombé précisément sur le « baudet », sur l’âne ? Est-il nécessaire, quand un malheur atteint la collectivité, de faire des efforts pour découvrir un « coupable » et comment découvrir ce « coupable » ? Cette double recherche, chez La Fontaine, menée par les animaux les plus forts, les pousse à accuser le plus faible des animaux d’un « crime épouvantable », prendre un tout petit peu d’herbe dans le champ des prêtres. Cet âne est le coupable idéal, le bouc émissaire, responsable de tous les maux. La pandémie actuelle dérange l’univers, bouleverse la société, et, assurément, les juifs sont coupables. Depuis le début des instructions gouvernementales pour le vaccin, les groupes antivaccin affichent presque clairement leur antisémitisme. Responsables de tous les maux, les juifs sont l’ennemi idéal. Sans se maquiller, les antisémites lèvent la tête et font remarquer « QUI » est coupable. « Le Monde » - dans son numéro du 19 Août, publie un long article précisant que, « depuis juin, les messages antisémites sont récurrents dans les manifestations anti-passe sanitaires », sous le titre « L’antisémitisme d’extrême droite ressurgit ». Dans les dernières décennies, on parlait surtout de l’antisémitisme d’extrême gauche, sous le couvert d’antisionisme, mais il semble que le virus rouge, vert, n’oublie pas d’être brun.

Quelle doit être notre réaction ? Il ne sert à rien de se contenter de protestation. Ce qui compte pour le peuple juif, c’est de prendre conscience que ce n’est pas un hasard que la pandémie prenne la suite des « crimes rituels » dans le bagage antisémite. Israël, qu’il le veuille ou non, ne saurait s’assimiler et restera une existence anormale pour les autres peuples. Qui aurait pensé accuser les Juifs, à notre époque, de déstabiliser la société, vieux thème des antisémites ? Ce n’est pas d’être – comme l’âne – le plus misérable des êtres, mais c’est son existence qui est ressentie comme inacceptable. Un leader d’extrême droite, d’origine juive, voudrait être candidat à la Présidence de la République, en 2022, mais, malgré son détachement de la communauté juive, on ne se gênera pas de lui rappeler ses origines !

Le prophète non-juif Bil’am l’a exprimé clairement : « Le peuple juif ne saurait se confondre avec les nations » (Bamidbar 23,9). Le peuple juif ne cherche pas à être un « bouc émissaire ». Son rôle, dans l’Histoire, est de préserver l’unité divine, de l’exalter. Chaque époque réagit autrement à ce rôle messianique, mais Israël, lui, n’a pas le droit de rejeter cette mission, et doit persévérer dans cette voie de « témoin de l’unité divine ». Bouc émissaire, non ! Témoin actif, oui ! Relevons cette mission difficile, mais si belle !