L'éducation est le produit de deux processus, la Tsmi’ha, le développement naturel et le Binyan, la construction. Cela signifie à la fois que les parents doivent apporter eux-mêmes à leurs enfants différents éléments qui leur permettront de grandir et également qu’il existe un certain travail qui se met en place de lui-même.

Bien souvent, les parents veulent laisser leur enfant s'épanouir et s'exprimer librement. Or, si on laisse notre enfant “pousser” de lui-même avec le peu de valeurs qu’on lui a transmises et avec les différentes influences qu’il a pu subir, on risque d’en faire ce que l’on appelle en hébreu un Péré Adam, un être quelque peu ‘’sauvage’’. A l’inverse, si on ne se concentre que sur le Binyan, sans laisser au jeune la liberté d’exprimer ses propres caractéristiques, on risque d’en faire une sorte de robot, un être dénué de personnalité. 

La conception juive de l'éducation est un savant mélange de ce que les enfants auront eux-mêmes produit en grandissant et ce que les parents leur auront légué.

Pour que l’homme se construise et évolue tout au long de sa vie, il doit implanter en lui au préalable certains principes fondamentaux. On aura beau travailler la terre et l’abreuver, si l’on n’a pas planté de graine, rien ne poussera.

Tous les parents juifs souhaitent naturellement voir leurs enfants grandir dans l’amour de la Torah et des Mitsvot. Les Sages de la Guémara nous fournissent à ce propos un conseil précieux, à savoir qu’il est indispensable de semer le plus tôt possible chez le jeune enfant la graine de la Torah, en lui enseignant « la Torah et le Kriyat Chéma’ ».

Enseigner à son jeune enfant la Torah, expliquent-ils, ne signifie pas ouvrir avec lui un livre de Halakha (lois) ni se plonger dans l’analyse d’une problématique soulevée par les Talmudistes. Non, il s’agit de lui enseigner cette phrase toute simple, mais porteuse de ce germe d’amour pour la Torah qui est : « Torah tsiva lanou Moché moracha kéhilat Ya’acov » (« Moché nous a enseigné la Torah et l’a transmise à l'assemblée de Ya’acov »).

Voilà résumé ce qu’un père doit transmettre en tout premier lieu à son enfant. A peine commence-t-il à parler que son père doit déjà veiller à placer dans sa bouche ces vérités primordiales. En quoi est-ce si important ? 

L’enfant voit au quotidien sa famille prier et accomplir certaines Mitsvot (commandements). Mais tant que l’on n’a pas mis de mots sur ces actes, l’enfant ne comprend pas en quoi ces gestes sont si importants. Lorsqu’il entend pour la première fois prononcer le mot Torah et l’histoire de Moché Rabbénou au mont Sinaï, ces notions vont pénétrer au plus profond de lui. Le Rav Wolbe appelle ce processus « Zri’a », implanter les germes des fruits que nous  souhaitons voir pousser.

La « pluie » qui permet au germe de la Torah de pousser correctement chez nos enfants n’est autre que notre amour inconditionnel. Il doit être exprimé de manière concrète; c’est pourquoi les parents doivent prodiguer des encouragements à leurs enfants, les valoriser, les complimenter. Dans l’esprit de l’enfant, la Torah sera ainsi associée à des notions agréables d’amour et de réussite. Cet amour doit être doublé de l’exemple que donnent les parents à travers leur propre comportement, et l’enfant qui observe ses parents accomplir les Mitsvot saisira l’importance de celles-ci.

Après la « Zri’a » vient ce que le Rav Wolbe appelle le Binyan, la construction de la personnalité tout au long des années. Dans les Pirké Avot, nos Sages ont jugé utile de poser des points de repère pour l’enseignement (à cinq ans, l’étude de la Torah écrite,  à dix ans celle de la Michnah, à quinze ans la Guemara), cela afin d’’éviter un excès de zèle des parents qui seraient tentés de brûler les étapes. De la même manière qu’on ne saurait demander à un enfant de soulever un objet pesant deux fois son propre poids, il est certaines notions, qui ne peuvent être comprises correctement en dessous d’un certain âge. On ne peut pas enseigner tout à tout âge. En se précipitant, on risque de décourager l’enfant dans l’étude de la Torah. 

La patience est donc de mise.