Parmi les nombreuses Mitsvot qui nous ont été données au mont Sinaï, certaines concernent les juges siégeant dans les tribunaux. La Torah exige d’eux un verdict équitable et une recherche de la vérité “sur le fil du rasoir”. C’est pourquoi il leur est interdit de recevoir des pots-de-vin, car tout cadeau, même le moindre, a la capacité d’influencer le cœur de celui qui le reçoit. Un juge d’Israël ne devra bien sûr pas avantager le riche, mais, plus étonnant, on le met en garde de ne pas favoriser le pauvre lorsqu’il est en tort (Chémot 23, 3). Cette dernière prévention demande explication car mettre en garde le Dayan de ne pas pencher en faveur d’un homme puissant et aisé est justifié, mais pourquoi le mettre en garde de ne pas favoriser un indigent, qui en aucune manière, ni par son argent, ni par sa position sociale, ne peut “intéresser” un juge ?

Rachi dans son commentaire (cf. Vayikra 19,15) explique que le juge pourrait être tenté de vouloir arranger l’affaire en rétablissant un ordre moral et logique : “de toutes façons, le riche a l’obligation de donner au pauvre la Tsédaka… Autant sauter les étapes et faire profiter l’indigent maintenant de ce qu’il aurait de toute manière reçu demain…”, pourrait penser le Dayan, alliant compassion et “justice”. C’est pourquoi Hachem nous ordonne de faire la justice sans y faire entrer nos calculs. 

L’obligation d’équité, quel que soit le niveau socio-économique des plaignants, prend de nos jours toute sa signification. En effet, depuis deux siècles, le monde occidental a connu des changements radicaux dans sa conception de la société : le pouvoir est passé aux mains du peuple ; dans certains régimes, au nom d’un idéal social, la propriété privée a été abolie ; et plus récemment, on a retiré au corps enseignant et aux parents leur autorité. Egalité, liberté et fraternité sont devenues le mot d’ordre de toutes les civilisations dites “évoluées”. Mais en réalité, si on observe bien le nouvel ordre, on ne retrouve pas toujours ces notions, mais plutôt une destruction de l’équilibre familial, social et politique, au profit de celui qu’on a élu comme “faible”. L’employé, l’élève, le subordonné se retrouvent presque systématiquement désignés à l'avance comme les victimes des “profiteurs” et des “abuseurs”, qui tirent avantage de leur position de supérieur. (Relevons entre parenthèses que la Torah fixe dans la Paracha de Michpatim - celle où apparaissent les lois sociales pour la première fois - les droits des esclaves, leurs devoirs mais aussi leurs avantages. Le judaïsme depuis des millénaires protège la femme, demande du respect aux élèves et aux enfants et octroie des privilèges aux travailleurs). 

Il est certain que, dans l’Histoire, des abus ont été commis à l’encontre de ceux qui avaient un statut subalterne, dénoncés par des auteurs courageux comme Victor Hugo. Il était donc nécessaire d’instaurer des lois protégeant les défavorisés et les êtres vulnérables. Mais inverser les positions systématiquement comme le fait la législation et le système juridique d’aujourd’hui est tout simplement grotesque. Des dirigeants n’ont comme agenda politique que celui de plaire à l’électorat ; des enseignants vidés de leur autorité transmettent leurs connaissances mécaniquement à des élèves passifs ; des parents, baissant les bras, laissent leur progéniture agir à leur guise car leur mot n’en est plus un.

Le ‘Hamas et le Fatakh utilisent d’ailleurs la faiblesse de ces conceptions modernes pour se présenter malicieusement comme des victimes défendant leurs droits, armées d’une fronde et de pierres, contre l’impérialisme israélien armé d’avions perfectionnés. L’Occident, à l'affût du faible, mord à l'hameçon et Israël se retrouve irrémédiablement sur le banc des accusés, prise au piège, alors qu’elle essuie le sang des attentats perpétrés sur ses civils par ces mêmes personnes !

La Torah nous met en garde : ne pas donner systématiquement raison au pauvre, au faible. La balance de la justice ne peut pas pencher selon des élans du cœur, des sentiments de compassion ou un désir de rétablir soi-même l’ordre sur terre. La Torah exige de ses juges une circonspection à toute épreuve pour pouvoir rendre une vraie justice.