« Rabbi Yéhochoua dit : « Le 'Ayin Hara' (mauvais œil), le Yétser Hara' (mauvais penchant) et la haine des créatures expulsent l’homme du monde. »

QUESTIONS

1. À quoi ces termes se référent-ils ?

2. Que désigne l'idée qu'un homme est expulsé du monde ?

Rabbi Yéhochoua nous enseigne que trois éléments excluent l'homme de ce monde : le 'Ayin Hara', le Yétser Hara' et la Sinat Habriot, le mauvais œil, le mauvais penchant et la haine des créatures. Avant d'analyser en profondeur la définition de ces trois attributs négatifs, il est instructif de comprendre ce que signifie qu'ils « expulsent l'homme de ce monde. » Dans l'article précédent, nous avons relevé l'existence d'au moins trois interprétations possibles, et nous en avons déjà abordé deux.

Une troisième explication de l'exclusion de ce monde indique que la qualité de vie de l'homme dans ce monde-ci sera sérieusement réduite. Dans un certain sens, cela signifie qu'il ne vivra pas véritablement, et de cette manière, il sera « exclu » du potentiel de réalisation spirituelle qu'il aurait pu atteindre tant qu'il était en vie. Cette idée est mentionnée par Sforno dans la Paracha de Béréchit dans le verset où Ya'akov Avinou évoque sa vie. Deux termes hébraïques sont fréquemment employés pour designer la vie : 'Haïm et Mégourim ; quelle est la différence entre les deux ? Les deux termes sont employés dans un verset particulier de la Torah. Dans la Paracha de Vayigach, Ya'acov, à un âge vénérable, rencontre Pharaon pour la première fois. Frappé par son apparence, Pharaon lui demande : « Quel est le nombre des années de ta vie ('Hayékha) ? Et Ya'acov répond : « Le nombre des années de mes pérégrinations (Mégouraï) est de cent trente ans. Il a été court et malheureux, le temps des années de ma vie ('Hayaï) et il ne vaut pas les années de la vie de mes pères, les jours de leurs pérégrinations (Mégouréhem). »[1]

Pharaon interroge Ya'acov sur le nombre d'années de 'Haïm qu'il a vécues, mais Ya'acov répond en mentionnant d'abord son Mégourim, puis seulement sa 'Haïm. Le Sforno explique que le terme 'Haïm se réfère à une vie remplie d'opportunités et de progrès spirituels, lorsqu'une personne est à même de transcender le monde physique de l'existence terrestre, pour s'élever spirituellement. Le terme Mégourim se réfère à une forme ordinaire d'existence, c'est-à-dire la respiration, la consommation de nourriture et toutes les actions terrestres nécessaires pour vivre, mais auquel manque l'élément spirituel qui différencie l'homme des autres créatures. Dans cette perspective, le Sforno écrit que Pharaon ne demandait pas simplement l'âge de Ya'acov. Il interrogeait Ya'acov sur le nombre d'années productives sur le plan spirituel qu'il avait vécues. Ya'acov répondit qu'il avait vécu plus de 130 ans et seules quelques années parmi celles-ci avaient connu une véritable croissance spirituelle, et même celles-ci furent jalonnées de difficultés.[2] En revanche, ses ancêtres avaient été en mesure de vivre, en majorité, le plein potentiel de leur existence.[3]

En s'appuyant sur cette interprétation de la vie, le choix peut-être le plus fondamental qu'un homme peut faire dans sa vie est de décider de vivre machinalement en mangeant, buvant, travaillant et dormant, assorti de quelques activités pour égayer la morosité de l'existence. Pire encore, si l'homme choisit de suivre ses instincts primaires pour vivre un mode de vie destructeur sur le plan spirituel. Ou va-t-il s'efforcer de hisser son existence à une dimension bien plus profonde, s'évertuant à progresser et à atteindre son plein potentiel ? Le choix d'exister simplement s'exprime en termes spirituels, comparable au choix d'une absence de vie, tandis qu'un choix de 'Haïm est ce que la Torah désigne lorsqu'elle nous demande de choisir la vie.

Pour revenir à la Michna, lorsque celle-ci affirme que trois défauts excluent l'homme de ce monde, elle indique par là qu'ils empêchent l'homme de vivre une véritable vie de 'Haïm – de progrès spirituel et de rapprochement à Hachem. Un homme asservi à son Yétser Hara', n'aura pas d'existence véritable, il sera trop occupé à satisfaire ses désirs pour se focaliser sur cette finalité spirituelle. De même, un homme dévoré par la jalousie, la haine ou la convoitise, ne pourra pas mener une véritable vie spirituelle, car il sera trop pris par ses sentiments négatifs. En effet, les objectifs d'une personne jalouse, lascive ou arrogante sont totalement aux antipodes des ambitions d'un véritable serviteur d'Hachem.

Dans les semaines suivantes, nous nous concentrerons sur chacun de ces trois éléments pour tenter de les saisir plus en profondeur. Puissions-tous mériter de réussir à surmonter les défis posés par ces trois défauts, et nous donner ainsi une véritable « vie ».

 

[1] Vayigach 47:9.

[2] La vie de Ya'acov fut remplie de souffrances et de tragédies, en commençant par sa rivalité avec Essav, suivie par ses années auprès de Lavan, puis l'enlèvement de Dina, la faute de Réouven et le summum du pire, la disparition de Yossef.  

[3] Sforno, Vayigach, 49:7.