Des rabbins du mouvement juif Habad se réunissent au Maroc pour la première fois, venus d’une quarantaine de pays, qui célèbrent le 70e anniversaire du projet des « shlouchim », qui vise à renforcer la vie juive à travers le monde.

Une conférence du Mouvement ‘Habad-Loubavitch de trois jours a eu la semaine dernière au Maroc, de ce qui est considéré comme le plus grand rassemblement rabbinique qui se soit tenu dans le monde arabe. Cette conférence a été organisée par le Bureau des Shlouchim, le département de l’organisation hôte du Habad qui coordonne le programme des émissaires.

La délégation internationale composée de plus de 100 rabbins issus du mouvement Loubavitch a rendu hommage au développement communautaire et à l’amitié dont lui témoigne la famille royale.

Alors que les communautés juives d’Europe et d’ailleurs comme en Tunisie font face à la résurgence d’actes terrorises et antisémites violents cet événement vient saluer la stabilité politique et sécuritaire des juifs du Maroc, grâce l’action déterminante de Sa Majesté le Roi Mohamed VI et de son gouvernement.

Habad-Loubavitch est, à la fois, une philosophie, un mouvement et une organisation juive mondiale (1). Dès sa création il y a 250 ans, le mouvement ‘Habad-Loubavitch – qui est une branche du ‘Hassidisme – s’est étendu à travers le monde (2). Aujourd’hui, 5000 familles d’émissaires s’appliquent à plein temps à mettre en œuvre les principes et la philosophie nés il y a 250 ans pour diriger plus de 3500 institutions (et un personnel qui se chiffre dans les dizaines de milliers) consacrées au bien-être matériel et spirituel des Juifs dans le monde. Ils ont aussi une quantité impressionnante de programmes sociaux et éducatifs, de services et d’institutions au service des communautés juives partout dans le monde ainsi que de toutes les populations des régions concernées.

Une centaine d’émissaires du Rabbi de Loubavitch réunis au Maroc sont venus des Etats-Unis, du Brésil, de l’Argentine, de Russie, du Canada, d’Israël, de France, du Japon et de l’Australie. Des rabbins d’autres petites communautés, comme l’Islande, le Luxembourg et Malte étaient aussi au rendez-vous.

L’Afrique, où les rabbins de Habad travaillent avec de nombreux touristes israéliens, hommes d’affaires et autres expatriés juifs, était bien représentée à la conférence, grâce aux émissaires venus d’Angola, des îles Canaries, du Congo, d’Ouganda et de Zambie.

Le point culminant de l’événement a été la visite et la prière dans une maison à Fès où a vécu Maïmonide, l’un des érudits de la Torah les plus influents du Moyen-Âge.

« Nous avons été accueillis par le maire et d’autres représentants du gouvernement, qui ont démontré une fois de plus que les autorités et le peuple marocain considèrent l’histoire juive comme faisant partie intégrante de leur propre histoire» a dit le rabbin Mendy Chitrik, émissaire du Habad basé en Turquie et président de l’Alliance des rabbins dans les États islamiques.

« Alors que nous étions en train de prier sur le toit de la terrasse de la Maison Maïmonide à Fès, l’appel du muezzin a retenti, invitant les musulmans à prier, en arrière-plan de nos propres prières « , a déclaré Chitrik. « C’était un moment magnifique. »

Le fait que le Maroc a accueilli l’événement est révélateur d’une ouverture croissante au judaïsme et à Israël, qui s’est également manifestée au travers des Accords d’Abraham.

L’événement a également célébré la signature des Accords d’Abraham en 2020, par lesquels le Maroc, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Soudan ont accepté de normaliser leurs relations avec Israël.

Des envoyés Habad se réunissent au Maroc, berceau du projet des émissaires

Le Maroc pourrait ne pas sembler le choix le plus évident pour un congrès célébrant le projet des émissaires du mouvement Habad, qui comprend des milliers de rabbins au service de communautés dans des dizaines de pays.

En effet, le Maroc ne compte qu’environ 3 000 Juifs et une poignée de rabbins, alors que des pays comme la France, la Russie et les États-Unis ont des centaines d’émissaires, ou shlou’him, que la direction mondiale du mouvement Habad a commencé à envoyer il y a 73 ans pour renforcer la vie juive à travers le monde.

Et pourtant le choix du pays hôte – qui a accueilli une quarantaine de rabbins et leurs épouses venus de toute l’Afrique et du Moyen-Orient dans la ville de Fès, au nord du pays – se justifie d’un point de vue historique : C’est au Maroc que le projet des shlou’him a vu le jour en 1950, alors que le pays comptait encore l’une des plus grandes communautés juives de la diaspora.

Des rabbins de Habad posent pour une photo de groupe sur le toit de la Maison Maïmonide à Fès, au Maroc, le 18 mai 2023

Le rabbin Yosef Yitzchak Schneersohn, l’avant-dernier chef du mouvement hassidique Habad, a indiqué peu avant sa mort en 1950 que « la communauté juive du Maroc – qui comptait alors 350 000 personnes – avait un besoin urgent d’aide spirituelle », selon un article que Shmuel Butman, un éminent rabbin Habad de New York et journaliste, a écrit sur le site web HabadInfo.com.

Le successeur de Schneersohn, feu Menachem Mendel Schneerson, connu par beaucoup comme le Rabbi de Loubavitch, a envoyé le rabbin Michoel Lipsker pour établir des écoles de Torah au Maroc. Lipsker et son épouse se sont installés à Meknès et y ont fondé des écoles pour les jeunes et des cours de Torah pour les adultes.

Ils ont été les premiers des quelque 5 600 émissaires que compte aujourd’hui le Habad, et qui appartiennent à ce que beaucoup considèrent comme la plus grande organisation juive au monde, avec des représentants dans des lieux aussi éloignés des centres de la vie juive que l’île de Sainte-Lucie, dans les Caraïbes, Kobe, au Japon, Luanda, en Angola, et Bariloche, dans le sud de l’Argentine.

Le modus operandi de ses émissaires est non partisan, pragmatique et très pratiquant, mais orienté vers la sensibilisation de tous les Juifs et très axé sur l’éducation. Leur présence a transformé le panorama du monde juif, en faisant des mariage dans des lieux improbables, en introduisant des Israéliens dans le giron des communautés juives locales et en faisant revivre des communautés juives en dépit de circonstances difficiles (3).

Les 70 ans du projet des émissaires au Maroc n’ont pu être célébré à temps à cause du COVID, mais la fête a tout de même eu lieu avec trois ans de retard, dans ce que le Bureau des Shlouchim, le département de l’organisation hôte du Habad qui coordonne le programme des émissaires, a déclaré être le plus grand rassemblement rabbinique qui se soit tenu dans le monde arabe depuis des dizaines d’années.

Le rabbin Mendy Chitrik, émissaire du Habad basé en Turquie et président de l’Alliance des rabbins dans les États islamiques, était présent dans cet évènement au Maroc.

« En fait, pour être accepté à la conférence, il faut être un schlepper« , a déclaré Chitrik, en utilisant le mot yiddish pour désigner quelqu’un qui porte des choses. « Si vous faites partie de ceux qui doivent transporter de la nourriture casher et des livres parce qu’il n’y en a pas dans le pays dans lequel vous vivez, alors vous faites partie du club ».

Les rabbins ont profité de l’occasion pour rappler le 74e anniversaire de l’implantation au Maroc du mouvement Loubavitch qui y a créé des dizaines d’institutions éducatives, communautaires et sociales au service de la communauté juive marocaine.

À cette occasion, un vibrant hommage a été rendu à l’action exemplaire des Rabanim Chlomo Matusof et Yehouda Leïb Raskin et leurs familles, émissaires du Rabbi de Loubavitch au Maroc depuis plus de 60 ans.

Le rabbin Sholom Eidelman, décède par le Covid en 2020, était le plus ancien émissaire de l’organisation Chabad-Loubavitch au monde et membre de la communauté juive marocaine de Casablanca. Eidelman avait supervisé une dizaine d’écoles juives de Chabad du Maroc. Il avait enseigné des dizaines de milliers d’élèves au fil des décennies, pendant plus de 60 ans. il avait avait ouvert et dirigé un kollel (groupe d’étude avancée) où il a formé la plupart des rabbins et shochtim (bouchers casher) au Maroc.

Avant les années 1940, la population juive comptait près de 280 000 habitants. En 1948, après la création de l’Etat d’Israël, plus de 90 000 ont gagné la Terre promise. La deuxième vague d’immigration est survenue avec l’indépendance du Maroc en 1956.

Souhail Ftouh

(1) Le terme « ‘Habad » est un acronyme hébraïque désignant les trois facultés intellectuelles traditionnelles que sont : ‘hokhmah – la sagesse, binah – la compréhension et daat – la connaissance. Le terme « Loubavitch » est le nom de la ville de Russie Blanche, aujourd’hui en Belarus, où le centre du mouvement s’installa pendant plus d’un siècle. Les origines de la structure actuelle du mouvement ‘Habad-Loubavitch remontent au début des années 1940. Le quartier général mondial du mouvement ‘Habad-Loubavitch est à Crown Heights, un quartier de Brooklyn, New York, plus précisément au 770 Eastern Parkway.

(2) Dès sa création il y a 250 ans, le mouvement ‘Habad-Loubavitch – qui est une branche du ‘Hassidisme – est guidé par son profond amour à l’égard de tous et animé d’un optimisme et d’un dévouement sans bornes. A titre d’exemple, le mouvement ‘Habad-Loubavitch mène une action caritative importante, et soutenue par les pouvoirs publics, au Brésil. Il a également joué un rôle non négligeable dans le déploiement des secours après le passage de l’ouragan Katrina en Louisiane et lors du Tsunami en Thaïlande.

(3) Depuis 2020 le mouvement Habad avait formé 250 nouveaux couples d’émissaires qui sont allés servir les centres Habad existants ou en créer de nouveaux.Le mouvement Habad, qui se développe rapidement et offre une gamme complète de services.

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