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Homophobie: le crime de Tel-Aviv

L'intolérance religieuse et politique grandit en Israël.

Temps de lecture: 3 minutes

Le choc! Israël n'en avait pas connu un aussi violent depuis les derniers attentats terroristes qui avaient secoué Tel Aviv. Si toutes les tendances politiques ont été unanimes pour condamner le meurtre ignoble commis à l'intérieur de l'association des homosexuels à Tel-Aviv, certaines d'entre elles ne doivent pas avoir la conscience tranquille.

Un homme de 26 ans et une adolescente de 17 ans sont tombés sous les balles d'un tueur masqué qui a disparu après son forfait. Benjamin Netanyahou a «condamné avec vigueur ce meurtre odieux. Nous sommes un Etat démocratique, prônant la tolérance, et nous devons respecter tout individu, quel qu'il soit». Le parti orthodoxe Shass et les deux grands rabbins d'Israël ont dénoncé eux aussi la tuerie.

Mais ce qui devait arriver est arrivé. A force de fustiger les habitants de Tel-Aviv pour leurs prétendues débauche et déviations sexuelles, on a exacerbé les sentiments de haine à leur égard. Les nationalistes accusent les jeunes d'être des planqués en se fondant sur des statistiques non confirmées considérant qu'aucun résident de Tel-Aviv ne figurait parmi les soldats morts lors des guerres du Liban et de Gaza,.

Quant aux religieux, ils n'hésitent plus à comparer la ville côtière, la ville des festivités, aux cités pécheresses bibliques: Sodome et Gomorrhe. Les cafés, les discothèques et les restaurants, et d'une manière générale, les lieux de plaisir, ont envahi les bords de mer et cela semble suffisant pour jeter l'anathème sur la cité de la «débauche».

Pourtant la capitale économique de l'Etat juif joue un rôle primordial en dehors de l'activité industrielle et financière. Elle permet de mieux faire connaitre et apprécier un pays associé presque uniquement à la notion de guerre et de drainer des milliers de visiteurs. Comparée à la ville sainte de Jérusalem, plus fermée, plus étouffante spirituellement pour les jeunes laïcs, plus envoutante par le poids de son Histoire, elle est effectivement très différente plus occidentale, plus européenne ou américaine, plus moderne, plus bon enfant.

L'afflux de touristes sur les plages de Gordon et de Frishman n'est pas du goût des extrémistes religieux qui ne cessent de vouer aux gémonies ces jeunes filles «dénudées» et ces garçons qui ne consacrent pas leur temps à l'étude du Livre.

L'assassinat d'Itzhak Rabin par un juif illuminé a été la première illustration du poids grandissant des extrêmes en Israël et notamment d'une nouveauté terrible l'appel au meurtre entre juifs, qui n'existait pas par le passé. Les atteintes à la démocratie sont en train de mettre en péril les fondements de ce pays à certains égards plus surement que les actes terroristes ou kamikazes. Le meurtre institué comme forme de contestation est une nouveauté dans un pays où la solidarité était impérative et à la mesure des défis qui le menacent.

L'homosexualité était un sujet tabou en Israël jusqu'au développement des Gay Pride. Coincée entre les interdits du judaïsme et l'ouverture au monde moderne et occidentalisé, la communauté homosexuelle a révêlée son existence lors de ses manifestations. La mairie de Tel-Aviv avait financé les premiers évènements qui se transformaient en manifestation joyeuse et musicale au bord de la plage. Puis par provocation, les organisateurs décidèrent de transporter la manifestation jusqu'à Jérusalem. La communauté orthodoxe n'apprécia pas vraiment et manifesta contre la tenue des Gay Pride en menaçant de tous les malheurs ceux qui contrevenaient à ces principes. Les orthodoxes donnèrent ainsi une justification à l'un des leurs pour poignarder trois homosexuels en 2006.

La Gay Pride 2007 n'eut pas lieu car les religieux s'étaient insurgés contre la «profanation du caractère religieux de la ville sainte» mais celle de 2008 se déroula sans violence. Fait nouveau en 2009, l'extrême-droite israélienne a rejoint les orthodoxes pour tenter de faire adopter une loi afin d'interdire définitivement le défilé dans la capitale. Le national Jewish Front, dirigé par un ancien membre du parti raciste Kach, interdit en Israël, a apporté son soutien pour obtenir l'interdiction, en vain.

Les contestataires ne parvinrent pas à leurs fins car la démocratie est tenace en Israël. Le journaliste Nitzan Horowitz, nouveau député, qui revendique ouvertement son homosexualité, a pris la tête de la manifestation pour que «cette fête populaire marque la pluralité d'Israël; nous ne laisserons pas Jérusalem devenir Téhéran». Les rabbins de Jérusalem ont compris qu'ils ne pouvaient plus s'opposer à la tenue du défilé mais des dissidents, se faisant appeler «Le comité des rabbins pour la sainteté de Jérusalem», ont prévenu qu'ils feraient appliquer leur volonté par tous les moyens, y compris par la force..

L'appel au meurtre s'est renouvelé puisqu'un tract promettant 4.500 dollars à «toute personne qui provoquerait la mort de l'un des hommes de Sodome et Gomorrhe», c'est-à-dire les homosexuels et les lesbiennes, a été diffusé à Jérusalem. La police avait imputé à l'époque cet appel aux milieux orthodoxes.

Si les orthodoxes ne sont pas directement impliqués dans ce meurtre, ils devront maintenant comprendre et à quel prix qu'ils devront dorénavant changer de discours et que les menaces physiques et de l'usage de la violence comme arme politique finissent toujours par susciter des vocations d'assassin.

Jacques Benillouche

Image de Une: La tombe d'une des victimes de l'attentat Reuters

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