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Téhéran joue la surenchère verbale contre Israël

(AP Photo/Vahid Salemi) AP

Le pouvoir accuse le «cancer sioniste» pour détourner l'attention des troubles intérieurs.

Faut-il y voir une nouvelle illustration de la machine de propagande du régime iranien ? En pleine crise politique post­électorale, le président Mahmoud Ahmadinejad s'est dit «fier» lundi d'avoir provoqué des réactions d'indignation et de colère au sein de la communauté internationale par ses déclarations, vendredi dernier, niant la réalité de l'Holocauste. La veille, le guide suprême avait emboîté le pas de son poulain, en accusant le «cancer sioniste» de ronger le monde musulman. La journée de Qods (Jérusalem) «est un cri clair des musulmans contre le cancer destructeur sioniste, provoqué par les occupants et les puissances oppressives, qui ronge la nation islamique», a déclaré, hier, Ali Khamenei lors d'un discours télévisé.

Le moment choisi n'est pas anodin. Il coïncide avec l'Aïd, la fête de la fin du ramadan. Mais surtout, il suit de deux jours un rassemblement officiel de soutien aux Palestiniens, organisé et encadré chaque année par le régime, et que l'opposition a vite transformé, vendredi, en manifestation monstre contre le système. «Le guide est embarrassé. Faute de pouvoir contenir son opposition interne, il cherche à noyer le poisson en brandissant le spectre d'un ennemi externe», relève un analyste iranien à Téhéran.

Les cris de la rue, hurlés à gorge déployée ce vendredi, Khamenei les a sans doute entendus. Tandis que les nervis du régime scandaient, selon une rhétorique bien rodée depuis la révolution islamique de 1979, «Mort à Israël», la foule des protestataires - quelques dizaines de milliers selon divers témoignages - répliquait «Mort à la Russie ! Mort à la Chine !», en référence aux alliés de la République islamique. Pire : «Mort à toi ! Mort à toi !», n'ont cessé de répéter les manifestants - une allusion métaphorique qui peut évoquer le pouvoir dans son ensemble, mais aussi Ahmadinejad ou encore Khamenei (toute insulte directe contre lui étant passible de la peine de mort).

La foule n'a cessé, également, de crier en faveur d'une «Jomouri irani» (République iranienne) en opposition à la «Jomouri eslami» ( République islamique). Khamenei a de quoi trembler : ce sont les fondations même d'un régime auquel il doit son statut de guide suprême qui sont mises en cause.

Trois mois après la réélection contestée d'Ahmadinejad, qu'il a appuyée malgré les plaintes de fraude, la contestation ne démord pas. Pour la première fois dans l'histoire de la République islamique, l'opposition se distingue par sa diversité : étudiants, femmes, ouvriers, chefs d'entreprise, réformistes, conservateurs? Elle comprend également de grandes figures religieuses influentes au sein de la population, qui ont ouvertement dénoncé, ces dernières semaines, la violence de la répression postélectorale. Signe d'une volonté stratégique de faire quelques concessions par rapport aux récents procès collectifs, vivement critiqués par les opposants, Khamenei a subtilement saisi l'occasion de son discours de pour tenter de calmer le jeu : «Nous n'avons pas le droit d'accuser sans preuve», a-t-il déclaré.

Antiaméricanisme et antisionnisme ont bon dos

Pendant ce temps, les échéanciers présentés à l'Iran par la communauté internationale se rapprochent. Alors qu'Ahmadinejad s'apprête à s'envoler pour New York, où il participera à l'Assemblée générale de l'ONU, de nouvelles sanctions onusiennes sont à l'ordre du jour, en cas d'échec des discussions sur le nucléaire, prévues le 1er octobre entre les représentants iraniens et le groupe des Six.

En parallèle, même si Obama a repoussé à la fin de l'année la date d'une réponse iranienne à sa «main tendue», le guide suprême iranien va devoir, à un moment donné, se manifester. Or, renouer avec les États-Unis signifierait, pour les ultras, renoncer à l'un des piliers de la révolution islamique. «L'antiaméricanisme tout comme la rhétorique anti-israélienne ont bon dos. Cela permet d'imputer aux autres tous les maux du pays. Si ces alibis disparaissent, le régime craint de s'effondrer», remarque l'analyste iranien.

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