D'ordinaire, les films de guerre ou de conflits internationaux montrent le fracas des armes, l'action des gouvernants. Mais que se passe-t-il dans les pays concernés, les villes menacées ? Comment les populations vivent-elles l'angoisse, la tension, l'affrontement politique dont elles risquent d'être les victimes ?
C'est ce point de vue qu'a choisi Alain Tasma, réalisateur de télévision remarqué pour ses films sur la répression policière parisienne contre les manifestants algériens en octobre 1961 (Nuit noire, 2005) ou sur l'opération militaire française au Rwanda en 1994 (Opération Turquoise, 2007).
Le contexte d'Ultimatum est celui de la guerre du Golfe, lorsque l'ONU impose à Saddam Hussein d'évacuer le Koweït sous peine d'une intervention des alliées en Irak. De son côté, Saddam Hussein a menacé d'utiliser contre Israël des Scuds chargés d'armes chimiques et bactériologiques.
Le film se passe à Jérusalem, chez un jeune couple formé par Luisa, étudiante en histoire, et Nathanaël, peintre à fleur de peau gagnant sa vie comme vigile. Tasma et sa coscénariste Valérie Zenatti (auteur du roman En retard pour la guerre qui a servi de point de départ au récit) observent les répercussions de ces événements internationaux qui les concernent sur leurs comportements et ceux de leurs proches.
Luisa est harcelée au téléphone par des parents qui paniquent et la supplient de revenir à Paris. Elle se laisse entraîner par des amis qui, à quelques jours d'une possible apocalypse, organisent des fêtes costumées. Ce que ne supporte pas Nathanaël, généreux lorsqu'il s'agit de dégoter un masque à gaz pour le patron d'un café arabe, mais qui, de plus en plus ingérable, fait preuve en société d'une dévastatrice misanthropie et en privé d'un égoïsme suicidaire.
Les histoires individuelles sont confrontées à la grande Histoire. Ultimatum conjugue une terreur publique et une impasse intime. Mise en parallèles de deux crises (l'une politique, l'autre sentimentale) qui révèlent, côté civils, le caractère des uns et des autres, des forces et des faiblesses, des ténacités ou des dérobades face à l'adversité, des nerfs ou des émois, des réflexes sociaux ou nombrilistes, des preuves de tolérance ou des signes d'agressivité.
Foncer sur l'autoroute
Ces heures d'angoisse permettent à Alain Tasma de décliner une palette de caractères. Du chauffeur de taxi déplorant la passivité et le déficit de virilité des dirigeants israéliens auxquels les Etats-Unis ont demandé de ne pas faire usage des armes, au professeur qui saisit le prétexte pour faire un cours sur Flavius Josephe et l'art du compromis.
Le film insiste sur un instinct typiquement féminin, celui qui pousse, par exemple, une mère à foncer sur une autoroute en dépit des dangers pour aller aider sa fille à accoucher.
On reproche rituellement au cinéma français sa philosophie petite-bourgeoise et sa propension à enfermer ses personnages entre quatre murs. Alain Tasma se joue de ces écueils avec malice, montrant la réticence d'une jeune femme enceinte à coucher son nouveau-né dans un lit-cage, ou symbolisant l'enfermement de ses deux principaux protagonistes par cette fameuse chambre étanche dans laquelle se barricade chaque famille, tous interstices bouchés au ruban adhésif, à la moindre alerte, afin de résister aux gaz irakiens. En termes conjugaux, un ultimatum est une menace de séparation, avec espoir de pouvoir respirer à l'air libre.
LA BANDE-ANNONCE (avec Preview Networks)
Bande-annonce fournie par filmtrailer.com
Film français d'Alain Tasma avec Jasmine Trinca, Gaspard Ulliel, Sarah Adler, Hannah Laslo, Moni Moshonov. (1 h 41.)
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu