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Le village de Tair Filsay, au Liban sud, est résigné à l'idée d'une reprise de la guerre

Fief du Hezbollah, la région frontalière d'Israël a été le théâtre d'accrochages.

Par Cécile Hennion

Publié le 28 octobre 2009 à 15h30, modifié le 28 octobre 2009 à 15h30

Temps de Lecture 3 min.

Au sommet de sa colline, le village de Tair Filsay semble perché au bout du monde. Hormis la culture de quelques oliviers, l'économie repose sur le commerce autour de l'unique route qui serpente vers le fleuve Litani, en contrebas : ravitaillement en essence, boissons, chewing-gums et cigarettes pour les véhicules qui passent, mais ne s'y arrêtent presque jamais.

Dans cette partie du Liban sud, saigné par l'émigration et la pauvreté, les bonnes nouvelles sont rares. L'explosion, survenue lundi 12 octobre dans le garage de l'un de ses habitants, n'était pas le type de publicité escompté. "Preuve de l'existence d'un dépôt d'armes du Hezbollah" ; "manipulation d'explosifs" ou "d'obus" qui dégénère en accident ; des morts ou des blessés... La presse libanaise a rapporté des informations contradictoires, sur fond de joute verbale acerbe entre responsables israéliens et du Hezbollah, alimentant la crainte de voir s'enflammer le front israélo-libanais.

Le garage incriminé ne paie pas de mine. Ses dimensions s'accordent mal avec l'idée d'un arsenal militaire. Mais son propriétaire, Nasser Issa, ne fera aucune déclaration. Le Hezbollah réglemente ses relations avec la presse. S'il a reconnu que M. Issa était l'un de ses responsables locaux, celui-ci n'est pas autorisé à parler aux médias. Pour relayer sa version officielle des circonstances de l'explosion, le Parti de Dieu chiite peut compter sur les habitants : "Un des explosifs largués par l'aviation israélienne lors de la guerre de 2006, retrouvé sur les berges du Litani, a été rapporté dans le garage pour y être désamorcé." A Tair Filsay, ou au-delà de la colline, un vieillard édenté revenu de quinze ans d'exil à Abidjan, ou bien Amal, l'épouse du mokhtar ("maire") du village, récitent le même scénario.

"Espionnage permanent"

Dans sa boutique remplie de corned-beef et de thon en conserve, Ahmad Chalhoub, le mokhtar, s'étonne qu'une explosion puisse inquiéter. Les relations avec les casques bleus qui patrouillent dans la région sont cordiales, tout comme celles qu'il entretient avec le Hezbollah. Des mines explosent "régulièrement", dit-il, sous le pas des enfants, sous l'effet de la chaleur estivale ou des coulées de boue en hiver. Il n'y a, selon lui, au sud, rien de nouveau... A part peut-être le "carnaval" qui a suivi la dernière déflagration. A savoir, un cortège de caméras, de militaires et de casques bleus tout à fait inhabituel dans ce village qui vit son isolement tel un profond abandon.

Après l'explosion, Israël a porté plainte devant le Conseil de sécurité de l'ONUpour "violation grave" de la résolution 1701 (qui impose notamment la démilitarisation du Hezbollah) et a fourni des photos aériennes de Tair Filsay montrant des objets oblongs, peut-être des roquettes, évacués du garage. Peu importe que ces images aient été prises par un drone israélien qui, survolant le Liban, violait "la 1701".

Les monuments "militaro-kitsch" à la gloire de la résistance sont ancrés dans le paysage du Liban Sud. Tout comme la fatalité de la guerre est enracinée dans l'esprit des villageois, habitués aux explosions comme aux drones qui brouillent les télévisions. "Le premier hôpital est à 45 minutes de route, s'inquiète Amal. Si la guerre reprend, ce sera une catastrophe !"

Près du village de Houla, la municipalité a accidentellement découvert des appareils d'écoute installés par les Israéliens sur des lignes téléphoniques du Hezbollah. "Les engins étaient piégés et l'ennemi a entrepris de les faire exploser quand il a su qu'ils avaient été démasqué", a ensuite expliqué le mouvement chiite. Les habitants n'ont pas sourcillé. "La mise en place d'un réseau téléphonique par la résistance n'est pas un secret, l'espionnage permanent par Israël n'est pas une surprise", note Hassan Moustafa, maire de Houla, qui s'inquiète davantage de l'absence d'eau potable et des coupures d'électricité.

Il parle aussi avec anxiété d'un attentat-suicide en Iran contre des Gardiens de la révolution. "L'avenir se joue au-dessus de nos têtes", dit-il, en référence au dialogue américano-iranien, dont l'issue se traduira en termes de "guerre ou de paix" entre leurs alliés respectifs - Israël et le Hezbollah - sur le sol libanais. "Si le guide (iranien Ali) Khameneï le demande, avertit un responsable politique régional, le Hezbollah ouvrira les vannes des combats. Il n'y a rien à faire contre cela."

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