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"Moi, Anastasia", d'Alona Kimhi : des nouvelles aux couleurs de l'angoisse

La romancière israélienne fouille dans ses souvenirs pour donner vie à des personnages en détresse.

Par Emilie Grangeray

Publié le 29 octobre 2009 à 12h20, modifié le 03 novembre 2009 à 12h34

Temps de Lecture 2 min.

Une chose est sûre : Alona Kimhi, auteur de Suzanne la pleureuse (ou la vie "grise et banale" d'une jeune femme qui ne peut se remettre de la mort de son père) et de Lily la Tigresse (roman fantasque sur l'amour et le renoncement), n'a pas son pareil pour dépeindre les couleurs des angoisses et les nuances de la folie (1). Tous ses personnages cherchent à trouver leur place dans le monde, et s'interrogent sur le sens de l'existence.

C'est encore le cas dans son remarquable recueil de nouvelles qui sort aujourd'hui en poche. Que cela soit la trentenaire de la première nouvelle, "Films", qui, ne sachant ce qu'elle va devenir, passe ses journées à dormir sur le canapé du salon ou à regarder des séries B avec son copain ; la petite Anastasia, qui doit affronter le double traumatisme de la mort de son père et de l'arrivée en Israël ("Nous sommes de nouveaux immigrants, c'est comme des touristes mais pour toute la vie") ; Gali, qui, dans le "Journal de Berlin", se laisse enfermer dans un dispensaire pour dépressifs car, "ici, on n'a pas besoin de réussir. Ici, tout le monde est foutu, officiellement hors circuit, personne ne fait plus aucun effort".

Ou encore cette photographe de mode qui, alors qu'elle semble tout avoir pour elle, souffre de boulimie. Et de s'interroger : "Pourquoi un être devient fou, et un autre, avec la même histoire, ne le devient pas ? On appelle ça prédisposition naturelle. L'écran inventé par les médecins et les psychologues pour estomper l'incertitude qui ronge leurs théories."

Pour expliquer la détresse de ses personnages, Alona Kimhi semble apporter une réponse : "Nous voulons être aimés. C'est un axiome. A partir d'un instant cruel de notre vie, où nous découvrons d'autres personnes que nos parents (...), nous comprenons qu'il nous faudra peiner pour nous gagner le même amour, auprès d'étrangers indifférents et sur leur territoire (...). Etre aimés sans conditions vaut le pari. Alors nous parions avec un espoir qui tient trop rarement sa promesse pour se transformer en loi."

Alona Kimhi est sans aucun doute l'une des romancières israéliennes les plus douées. Née en Ukraine en 1966, elle a six ans quand elle arrive en Israël, où elle va d'abord vivre à Kiryat Bialik, dans l'un de ces quartiers pour nouveaux immigrants "pauvres, sales, sans grand intérêt". Après l'armée, elle s'installe à Tel-Aviv, dont elle est aujourd'hui l'une des reines.

Concours d'écriture

Très jolie, elle joue (bien) à l'actrice avant de se mettre véritablement à écrire - d'abord des chansons (son mari, Izhar Ashdot, est un musicien reconnu en Israël). Tout en travaillant pour divers journaux, elle participe à un concours d'écriture, qu'elle remporte haut la main. La romancière Zeruya Shalev, alors éditrice chez Keter, l'appelle. C'est ainsi qu'est né le recueil Moi, Anastasia, où Alona Kimhi fouille dans ses souvenirs ("Ils grimpent et grimpent sur moi comme des fourmis sur un arbre", dit la petite Anastasia), et, alors que tout va mal à l'intérieur, écrit, entourée des journaux de Sylvia Plath, pour mettre à nu le puits sans fond de nos êtres.


MOI, ANASTASIA d'Alona Kimhi. Traduit de l'hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech. Gallimard, "Folio", 282 p., 6 €.

(1) Suzanne la Pleureuse et Lily la Tigresse (Gallimard, 2001 et 2005) sont disponibles en poche, dans la collection "Folio".

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