Benoît XVI a approuvé, samedi 19 décembre, un décret ouvrant la voie à la béatification de Pie XII, attestant de ses "vertus héroïques". Elevé au rang de vénérable, ce pape controversé pour son silence sur la Shoah avant et pendant la seconde guerre mondiale côtoie, dans le décret promulgué samedi, Jean Paul II, artisan de la désintégration du bloc communiste, et le curé polonais Jerzy Popieluszko, torturé et assassiné en 1984 par la police secrète.
Benoit XVI, né en Allemagne, n'a jamais fait mystère de sa volonté de voir aboutir la béatification de Pie XII, témoin de la montée du nazisme comme nonce apostolique à Munich et Berlin de 1917 à 1929, puis secrétaire d'Etat de Pie XI et comme pape de 1939 à 1958. Ce processus initié avec prudence dès 1967 a toujours été une pomme de discorde entre la communauté juive et Israël, d'une part, et l'Eglise catholique, d'autre part.
Cette décision relance la polémique. Sans remettre en cause le processus de béatification, le porte-parole israélien du ministère des affaires étrangères a demandé "l'ouverture des archives du Vatican durant la seconde guerre mondiale, car c'est aux historiens d'évaluer le rôle de Pie XII". En 2008, le ministre israélien des affaires sociales, Yitzhak Herzog, avait été plus virulent, estimant que "le projet visant à transformer Pie XII en saint est inacceptable".
Pour Stephan Kramer, secrétaire général du Conseil central des juifs d'Allemagne, "Benoît XVI récrit l'histoire sans avoir permis qu'il y ait une discussion scientifique sérieuse ". Selon lui, "il est totalement prématuré de faire un tel pas. Le travail scientifique avec les archives a tout juste commencé et pour l'instant, on n'a pas de faits nouveaux".
"En face d'une figure aussi complexe que celle de Pie XII, il aurait mieux valu observer le silence en attendant d'en savoir plus", déclare Tullia Zevi, présidente émérite de l'Union de communautés hébraïques italiennes.
Documents non classés
Le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, espère, lui, que l'Eglise catholique "renoncera" à ce projet : "Compte tenu du silence de Pie XII pendant et après la Shoah, je ne veux pas croire que les catholiques voient en lui un exemple de moralité pour l'humanité. Aujourd'hui, la réalisation ou non de ce projet est devenue le symbole de ce que Benoît XVI fera de sa papauté."
Le pontife fonde son jugement sur des documents selon lesquels l'absence d'indignation et de condamnation publiques de Pie XII face au sort des juifs aurait été une manière de ne pas mettre en péril ceux que l'Eglise protégeait dans ses monastères. Rappelons que les archives du Vatican sur la seconde guerre mondiale ne sont pas encore toutes ouvertes.
Dans un article en "une", dimanche 20 décembre, le quotidien de l‘épiscopat italien, L'Avvenire, a placé les figures de Pie XII et de Jean-Paul II sur le même plan, en expliquant que, désormais, Eugenio Pacelli et Karol Wojtyla marchaient "côte à côte" vers la sainteté. Du premier, cependant, il ne retient que l'image du pape visitant le quartier San Lorenzo à Rome après des bombardements allemands en 1943, évacuant les polémiques en une parenthèse de deux lignes.
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