Pas de changement en Israël après les nombreuses élections

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Par Evgueni Satanovski, président de l'Institut du Proche-Orient (Russie), pour RIA Novosti
Par Evgueni Satanovski, président de l'Institut du Proche-Orient (Russie), pour RIA Novosti

Israël vient de vivre une série d'élections. Dans n'importe quel autre pays, un pareil marathon électoral pourrait signifier des changements fondamentaux. Quoi qu'il en soit, en Israël, la situation tant politique qu'économique reste pratiquement inchangée.

Aux élections du leader du Parti travailliste (Avoda), coalisé avec le parti Kadima au pouvoir, c'est l'ex-premier ministre Ehud Barak qui a gagné avec un très léger avantage. Aux présidentielles, la victoire a été remportée par son ancien camarade de parti, Shimon Peres, qui avait occupé, lui aussi, à une certaine époque le poste de premier ministre israélien. Autrement dit, la classe politique israélienne est si peu nombreuse que l'échec d'une carrière ne signifie pas que, par exemple, dans un an, dans cinq ou dix années, cette même personne ne réapparaîtra pas au sommet de la pyramide politique. Il est pratiquement impossible de disparaître définitivement de la scène politique israélienne.

Or, c'est un grand avantage pour tous ceux qui doivent confronter leur politique au Proche-Orient avec les remaniements ministériels en Israël. On sait notamment à quoi s'attendre de M. Barak au poste de ministre de la Défense qui lui reviendra, de toute évidence, dans le gouvernement d'Ehud Olmert. On sait aussi à quoi s'attendre de M. Perez, qui n'est plus très jeune. On comprend aussi ce que veut M. Olmert lui-même, ainsi que son principal rival Benjamin Netanyahu, chef du Likoud (opposition de droite). D'autres figures de marque ne sont pas, elles non plus, moins prévisibles. Et même de simples figurants politiques se conforment aux "règles" établies. Seul Ariel Sharon, grande figure appartenant déjà à l'histoire, pouvait se permettre de ne pas suivre les stéréotypes.

Toujours est-il que la prévisibilité est une base excellente pour des pronostics à long terme. Aussi est-il tout à fait évident aujourd'hui que quelle que soit l'issue d'une nouvelle guerre au Proche-Orient où Israël serait impliqué, cela ne ruinera pas l'économie de l'Etat hébreu. Cela peut sans doute en ralentir la croissance et compliquer certainement la situation dans tel ou tel secteur économique, mais l'époque de graves problèmes d'après-guerre pour l'économie d'Israël est bien révolue et appartient aux années 1970-80. L'"Intifada Al-Aqsa" palestinienne et la Deuxième Guerre du Liban l'ont d'ailleurs démontré avec éclat. En effet, un comportement moins professionnel que celui de la direction politique et militaire d'Israël en été 2006 est pratiquement impossible. Et si, dans de telles circonstances, Israël a tenu ferme, il résistera à toutes les épreuves qui lui seront réservées à l'avenir.

Quoi qu'il en soit, Israël n'est pas du tout intéressé à des conflits avec ses voisins. Il va sans dire qu'un incident tragique ou une provocation, tout comme une quelconque coïncidence fâcheuse ou une pression de la part de la direction américaine, par exemple, peuvent entraîner l'Etat hébreu dans une recrudescence de la confrontation au Proche-Orient, mais aucun gouvernement israélien, qu'il soit de droite ou de gauche, qu'il soit de coalition ou de parti unique ne déclenchera une guerre de son plein gré. Seule exception possible: la direction politique et militaire israélienne est persuadée que l'Iran ne fait pas que posséder l'arme nucléaire, mais est aussi prêt à l'employer contre Israël, histoire de tenir les promesses du président iranien Mahmoud Ahmadinejad de "rayer de la carte le régime sioniste". Pour ce qui est d'une éventuelle confrontation de l'Etat hébreu avec la Syrie ou le Liban, elle pourrait aussi être provoquée par l'Iran, mais cette possibilité est très peu probable dans n'importe quelle autre situation.

Il en est autrement quand il s'agit des relations avec les différents groupes palestiniens qui lancent en permanence des attaques contre Israël depuis la bande de Gaza et - en perspective - depuis la Cisjordanie. La guerre civile dans les Territoires palestiniens est un fait accompli. En fait, l'Etat palestinien n'existe que dans les plans des structures bureaucratiques internationales qui s'occupent de son aménagement avec d'autant plus de zèle qu'il est moins probable, ainsi que dans ceux du Quartette de coparrains du "processus de paix" au Proche-Orient. Pas un seul politique sérieux en Israël ne misera plus sur ce projet absolument creux. Telle est la réalité effective qui ne supprime cependant pas la rhétorique des politiques israéliens au sujet des perspectives de règlement négocié. Cela permet notamment aux médiateurs internationaux de "sauver la face", et en premier lieu aux Américains, tout en conservant pour la "gauche israélienne" l'accès à ce qui reste encore des subventions débloquées pour organiser le dialogue palestino-israélien.

Si les accrochages entre les clans familiaux, les tribus et les groupes criminels palestiniens cessent d'affecter les Israéliens, ils pourront se poursuivre sans l'ingérence de l'Armée de défense d'Israël. Dans le cas contraire, une nouvelle opération militaire israélienne à Gaza sera tout aussi inévitable que l'action anti-terreur des services secrets israéliens en Cisjordanie.

Pour le reste, la situation en Israël restera suffisamment stable. Tout porte à croire que le gouvernement d'Ehud Olmert fonctionnera jusqu'à la fin de son mandat. Pas un seul parti de la coalition au pouvoir ne veut d'élections anticipées, le danger de se retrouver en dehors du pouvoir étant trop grand. D'autre part, l'opposition est trop peu nombreuse pour pouvoir renverser un gouvernement trop impopulaire par la voie parlementaire, alors que toutes les autres variantes, typiques de la région, sont peu probables en Israël. Somme toute, au poste de premier ministre, Benjamin Netanyahu ne pratiquerait sans doute pas une politique fondamentalement différente de la ligne appliquée à présent par Ehud Olmert. Seule la rhétorique peut varier. Ainsi, aucun changement radical n'est à prévoir, du moins tant qu'un nouveau général Sharon n'apparaît pas dans le pays.

Par ailleurs, une stabilité modérée distingue aussi les relations russo-israéliennes, ce qui permet d'espérer leur renforcement progressif. Cela se rapporte dans la même mesure à une éventuelle introduction du régime sans visas entre les deux pays, à la restitution de l'"Hôtellerie russe" à l'Eglise orthodoxe russe et au développement des rapports économiques entre la Russie et l'Etat hébreu.

Les axes de la percée y sont les mêmes que dans les années 1990: exportations de gaz et d'électricité, projets conjoints dans le domaine de la coopération militaire et de l'infrastructure, taille de diamants, hautes technologies, investissements réciproques et coopération sur les marchés du Tiers monde. Cela étant, le potentiel de la coopération russo-israélienne dépasse toujours de loin son niveau actuel. Par conséquent, tant la Russie qu'Israël ont devant eux un grand travail à accomplir, et la prévisibilité et la stabilité de la situation ne feront que faciliter leur tâche.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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