L’impasse, encore au Proche-Orient

Benjamin Netanyahou estime avoir désamorcé la crise. Mais rien n’est moins sûr, selon les Palestiniens. Washington a eu beau insister, jeudi, qu’elle ne renonçait pas à lancer au plus vite des négociations indirectes entre Israéliens et Palestiniens, ces derniers ont confirmé que les contacts étaient interrompus pour l’heure et que le processus était suspendu avant même d’avoir commencé. "Servir une cause supérieure"

Renée-Anne Gutter
L’impasse, encore au Proche-Orient
©AP

Benjamin Netanyahou estime avoir désamorcé la crise. Mais rien n’est moins sûr, selon les Palestiniens. Washington a eu beau insister, jeudi, qu’elle ne renonçait pas à lancer au plus vite des négociations indirectes entre Israéliens et Palestiniens, ces derniers ont confirmé que les contacts étaient interrompus pour l’heure et que le processus était suspendu avant même d’avoir commencé. Cela, suite à l’annonce, mardi, d’un nouveau projet de construction juive dans la Jérusalem-Est palestinienne.

Donc, si le vice-Président américain était venu dans la région pour marquer le début de la réconciliation israélo-palestinienne, il est reparti bredouille. Et si Joe Biden a réitéré au terme de sa visite que son pays "n’avait pas de meilleur ami qu’Israël", la confiance entre l’administration Obama et le gouvernement Netanyahou en a pris un coup.

Déjà mercredi soir, le raïs Mahmoud Abbas a fait savoir à la Ligue arabe que sans l’annulation du nouveau projet juif à Jérusalem-Est, il refusera d’entamer les négociations indirectes que les Etats-Unis comptaient lancer cette semaine. La Ligue arabe a elle aussi décidé de retirer le feu vert qu’elle avait donné aux négociations indirectes, si Israël "n’arrêtait pas immédiatement" la construction juive en territoire palestinien, "y compris à Jérusalem". Or, soucieux de regagner les sympathies américaines, M. Netanyahou a certifié jeudi à M. Biden que le projet incriminé (1 600 logements dans le quartier ultraorthodoxe Ramat Shlomo en territoire annexé depuis 1967) n’en était qu’au stade de planification et que sa construction ne commencera "pas avant plusieurs années". Pas question toutefois de l’annuler entièrement. Comme il n’est pas question pour le gouvernement israélien d’arrêter d’autres projets d’expansion juive à Jérusalem-Est.

Certes, M. Netanyahou s’est répandu en excuses auprès de M. Biden et de Washington. Mais uniquement pour le timing "malencontreux" de l’annonce du projet Ramat Shlomo, qui a coïncidé avec la visite de M. Biden. Non pour le projet lui-même. M. Netanyahou insiste : Jérusalem restera "indivisée à jamais", sous la souveraineté d’Israël, et le gel provisoire de la construction juive en territoire palestinien ne s’applique aucunement à Jérusalem-Est. Une Jérusalem-Est, rappelons-le, dont l’annexion unilatérale par Israël n’est pas reconnue jusqu’à ce jour par la communauté internationale.

Le projet Ramat Shlomo a attiré les foudres de Joe Biden et a tourné sa visite en Israël au vinaigre. Dans des conversations privées, il serait allé jusqu’à reprocher à Israël de remettre le feu aux poudres dans toute la région et d’y mettre la vie des soldats américains en danger. Jeudi, dans son discours de clôture à l’université de Tel-Aviv, il a réitéré l’appui indéfectible des Etats-Unis à la sécurité d’Israël. Mais, tout en encourageant Palestiniens et Israéliens à "transformer la vision de paix en réalité" et pour ce faire, à se montrer "historiquement téméraires", il les a mis en garde : les Etats-Unis "réclameront des comptes" aux deux camps pour toute action de leur part qui attisera les tensions.

Entre-temps, en ce qui concerne Jérusalem, les commentateurs sont unanimes : le mal est fait. Bien qu’opposée à la mainmise israélienne sur Jérusalem-Est, Washington a généralement fermé les yeux sur la construction juive en territoire annexé de la ville. Désormais, aucune construction controversée ne sera plus passée sous silence.


Nouveaux chiffres La presse israélienne a publié jeudi de nouveaux chiffres sur les plans de colonisation à Jérusalem-Est, recueillis auprès d’organisations pacifistes israéliennes et auprès de responsables officiels. Ils parlent de 50 000 logements planifiés et/ou approuvé par les instances municipales, régionales et gouvernementales. Dont 20 000 déjà à un stade avancé. Tous à construire au-delà de la frontière d’Israël avant 1967. La plupart dans des quartiers juifs bâtis à distance des quartiers arabes, tel Ramat Shlomo, mais certains aussi au cœur de la population arabe, y compris dans la vieille ville. Cette expansion répond à des velléités nationalistes mais aussi à des considérations d’urbanisme, suite à une pénurie de logements croissante. En particulier dans les milieux religieux, qui ont traditionnellement des familles nombreuses. Plus moyen d’étendre Jérusalem à l’ouest, disent les responsables municipaux, vu le refus des "verts" d’empiéter sur les réserves naturelles qui bordent l’ouest de la ville. Et plus moyen de bâtir de façon massive au cœur de la Jérusalem-Ouest juive, vu le souci de ne pas bâtir en hauteur, de préserver des quartiers historiques et de maintenir la qualité de vie. Les quartiers juifs à Jérusalem-Est comptent déjà 200 000 habitants, face à quelque 250 000 Hiérosolymitains palestiniens. Quelque 280 000 juifs vivent à Jérusalem-Ouest. RAG

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