Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Le froid diplomatique israélo-américain risque-t-il de geler tout le Proche-Orient ?

Les presses israéliennes, palestinienne et américaine n'est tendre ni avec Nétanyahou, ni avec Obama.

Par Antoine Strobel-Dahan

Publié le 16 mars 2010 à 15h35, modifié le 18 mars 2010 à 07h38

Temps de Lecture 4 min.

"Les choses vont se calmer car ni les Etats-Unis ni Israël n'ont intérêt à l'escalade", déclarait le ministre des affaires étrangères israélien, mardi 16 mars, dans une matinale de la radio publique. Quelques minutes plus tard, la présidence israélienne publiait un communiqué pour annoncer que "l'ambassade des Etats-Unis en Israël a contacté le bureau de la présidence pour lui notifier que l'émissaire spécial au Proche-Orient, George Mitchell , n'arrivera pas en Israël [mardi]", officiellement pour raison logistique.

A l'origine de cette "colère grandissante" des Américains, comme la qualifie le New York Times, une "provocation" de Benyamin "Bibi" Nétanyahou, écrit un éditorialiste du Washington Post : "l'annonce par le ministère de l'intérieur d'un projet de construction de 1 600 logements supplémentaires destinés à la population juive, au-delà de la frontière de 1967", alors même que le vice-président américain, Joe Biden, était en visite en Israël. Une annonce qualifiée dimanche par David Axelrod, conseiller de Barack Obama, d'"affront" et d'"insulte".

Une partie de la presse israélienne s'inquiète de la dégradation des relations entre Israël et son plus fidèle allié. "Je t'en prie, reviens-nous, ancien Bibi. Reviens-nous et sauve-nous du nouveau Bibi !", appelle Anat Gov dans Yediot Aharonot. "Nous avons tant espéré qu'il y aurait vraiment un nouveau Bibi, un Bibi responsable, un Bibi dans lequel nous pourrions avoir confiance pour nous conduire jusqu'à la sécurité, écrit Mme Gov. Avec horreur, nous avons découvert qu'il y a bien un nouveau Bibi, et qu'il zigzague comme un conducteur ivre (...). Sans tactique, sans stratégie, sans avenir."

"VOUS AVEZ PERDU TOUT CONTACT AVEC LA RÉALITÉ"

Dans Haaretz, l'éditorialiste Yoel Marcus s'insurge : si M. Nétanyahou ignorait "qu'il y a une limite à la patience des Américains et à leur volonté de nous laisser leur verser de la boue sur la tête en appelant ça une petite pluie", "alors il ne mérite pas d'être premier ministre". Et de citer son confrère du NYT, Thomas Friedman, qui écrivait samedi que Joe Biden aurait dû quitter le pays et laisser une note disant : "Message de l'Amérique au gouvernement israélien : les amis ne laissent pas leurs amis rouler bourrés. Et là, justement, vous roulez bourrés (...). Vous avez perdu tout contact avec la réalité. Rappelez-nous quand vous serez sérieux. Nous, on a notre pays à construire."

Le même éditorial, parmi d'autres articles de la presse israélienne et internationale, met hors de lui Moshe Arens, toujours dans Haaretz, qui dénonce l'hypocrisie de cette crise et accuse Obama d'erreur stratégique. "La vérité est que, tandis que le gouvernement israélien a gelé les constructions en [Cisjordanie] dix mois durant, il n'y a jamais eu de gel semblable à Jérusalem", ce que savait pertinemment Washington. Lorsqu'en juin, Barack Obama a demandé publiquement, au Caire, le gel de la colonisation, il a rendu le processus de paix plus difficile, explique-t-il. "Alors que, par le passé, [le président palestinien] négociait (...) sans condition préalable, le discours d'Obama n'a pas laissé d'autre choix à Abbas que d'exiger le gel de la colonisation (...). Après tout, il ne peut pas être moins palestinien qu'Obama", estime M. Arens.

Dans le Jerusalem Post, Isi Leibler considère dans un éditorial intitulé "Obama a franchi la ligne jaune" que cet accroc diplomatique est le signe de l'échec du président américain dans sa stratégie conciliante vis-à-vis des pays arabes et de l'Iran. "Obama humilie régulièrement notre premier ministre (...), mais les Etats-Unis n'ont pas une seule fois sermonné l'Autorité palestinienne sur le moindre sujet en douze mois", dénonce M. Leibler, alors même que "pendant la visite de Biden, l'Autorité palestinienne annonçait la tenue d'une cérémonie pour la nomination d'un parc à Ramallah pour honorer Dalal Moughrabi, la femme-monstre responsable de l'abominable massacre de 1978 au cours duquel 37 Israéliens, dont treize enfants, furent massacrés".

"ILS ONT ESSUYÉ LE CRACHAT SUR LEUR VISAGE ET SOURI POLIMENT"

La presse palestinienne observe en général cette polémique avec circonspection. "Peut-être l'insolence de Bibi est-elle une bonne chose", tente Joharah Baker du webzine Miftah. "Finalement, pour les Palestiniens, cela pourrait être une bonne affaire potentielle (...). Peut-être est-ce ainsi que l'Amérique sera à la hauteur des promesses" d'œuvrer sincèrement pour la paix, poursuit-elle.

"Même la stupidité en politique a ses limites", assène Uri Avnery, éditorialiste et ancien député israélien sur le site palestinien Amin. "Quiconque veut briser tout espoir de paix, c'est [à Jérusalem] qu'il doit agir", explique M. Avnery, pour qui l'annonce des constructions était calculée. "Pour Joe Biden, c'était une question d'honneur. Pour Mahmoud Abbas, c'est une question de survie", poursuit-il, reprochant à l'administration américaine son utopie et son indolence. "Abbas et son peuple espèrent encore que quelque chose de bon va sortir de tout ça (...). Mais Biden et Obama n'ont pas donné de bonne raison d'espérer. Ils ont essuyé le crachat sur leur visage et souri poliment", conclut, amer, M. Avnery.

Pour Aluf Benn, de Newsweek,Joe Biden était en Israël "pour proposer un marché", un soutien sur le dossier iranien en échange d'une certaine souplesse. Un choix difficile, "sachant que ces concessions concernant la vieille ville pourraient faire éclater la coalition israélienne, Obama demandait à Nétanyahou de choisir entre le soutien des Etats-Unis et ses alliés politiques d'extrême droite", estime M. Benn. Et tout ceci pourrait bien aller encore plus loin, s'inquiète-t-il : "Isoler Israël pourrait le conduire à attaquer les installations nucléaires iraniennes. Mais céder devant Israël pourrait renforcer les sentiments anti-Américains au Proche-Orient".

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.