
En 1945, on comptait 300 000 juifs au Maroc. La création de l'Etat d'Israël en 1948, puis, plus encore, l'indépendance du Maroc au début des années soixante et l'arabisation concomittante, vont produire un exode massif de cette population, en direction d'Israël, de l'Europe, du Canada.
Il reste aujourd'hui environ 3 000 juifs dans le pays. Cette saignée qui mit fin à plusieurs siècles de cohabitation ainsi qu'à l'existence d'une culture judéo-arabe florissante, voici qu'aujourd'hui un réalisateur marocain entreprend de l'évoquer, sous la forme d'une fable attristée.
Hassan Benjelloun situe son film en 1963, dans un petit village de l'Atlas marocain. Soutenus par des associations sionistes, les juifs sont en train de quitter le village à jamais. Un seul résiste pourtant à ce mouvement collectif, en dépit du départ de sa propre famille. Son nom est Moshé, il est horloger, joue du oud, et il n'aime rien tant que de se réunir avec ses amis arabes au café du village. Ce café devient précisément l'enjeu dramatique du film.
Le conseil municipal, noyauté par une majorité désireuse de se conformer aux préceptes de l'islam, entend enfin fermer ce lieu de perdition. Mais son patron, associé à quelques alcooliques et libres-penseurs locaux, ne l'entend pas de cette oreille.
Or, tant que Moshé continue de le fréquenter, le gargotier a la loi de son côté, celle-ci interdisant toute fermeture d'un établissement de boissons alcoolisées tant que la présence d'un non-musulman y est attestée.
Cette intrigue est évidemment un plaisant prétexte adopté par le réalisateur pour déplorer l'absurdité d'une logique de l'Histoire qui emporte sur son passage les hommes et met fin à leur volonté de vivre ensemble.
Le film est tout même un peu laborieux et peine à se porter à la hauteur de l'événement, pour peu qu'on se souvienne, sur un sujet semblable, du magnifique film tunisien réalisé en 1986 par Nouri Bouzid, L'Homme de cendres.
Film marocain d'Hassan Benjelloun avec Simon Elbaz, Rim Shamou, Abdelkader Lofti. (1 h 30.)
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