Le journal pan-arabe Dar Al-Hayat prédisait, jeudi matin 2 septembre, la fin des négociations directes israélo-palestiniennes avant même qu'elles ne commencent. Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ont cependant eu raison, au moins à court terme, du pessimisme de l'analyste de Dar Al-Hayat. Les deux hommes se sont bel et bien entretenus en tête-à-tête à Washington, hier, avant de convenir de se rencontrer toutes les deux semaines. Un premier signe encourageant, mais combien de temps durera ce dialogue bimensuel ?
Parmi les signaux positifs, le quotidien de Dubaï, Khaleej Times, signale le fait que ces négociations se sont ouvertes malgré les attaques terroristes de ces derniers jours – quatre colons sont morts, mardi, à Hébron, dans une attaque revendiquée par la branche armée du Hamas. Les analystes cités par Khaleej Times relèvent également le ton plus conciliant qu'à l'accoutumée adopté par les deux dirigeants, sur les questions de sécurité pour Abbas, tandis que Nétanyahou se disait prêt à un "compromis historique".
L'INCONNUE DU 26 SEPTEMBRE
Les négociations se déroulant à huis clos, le ton a été donné par les déclarations à la presse des deux dirigeants. Leur volontarisme a été salué par les médias israéliens et arabes, notant des concessions de part et d'autre, mais la plupart des éditorialistes craignent que les propos tenus hier ne soient qu'un discours de façade. Le Jerusalem Post a ainsi noté que dès le premier jour, les dirigeants n'ont pas tenu leur promesse affichée mercredi, lors du dîner organisé à la Maison Blanche, de ne pas "jeter l'opprobre sur l'autre camp". A mots couverts certes, et sous un tapis de politesses, Benyamin Nétanyahou et Mahmoud Abbas ont pourtant déjà engagé le bras-de-fer. Nétanyahou a demandé au camp palestinien de reconnaître qu'Israël est "l'Etat-nation du peuple juif", tandis que le président de l'Autorité palestinienne a surtout insisté sur les efforts à fournir côté israélien.
La plupart des médias redoutent par ailleurs la date butoir du 26 septembre, date d'expiration du gel des nouvelles constructions dans les colonies dans les territoires palestiniens, mis en place par le cabinet de Nétanyahou il y a dix mois. Les discussions sont en effet suspendues à l'attitude qu'adoptera Israël à cette date : poursuite du gel ou reprise des constructions. Selon une source proche des négociateurs palestiniens, citée par Haaretz, Mahmoud Abbas aurait menacé de se retirer des discussions si le mouvement de colonisation reprenait. Pour le quotidien émirati The National, "ces négociations directes sont perchées au-dessus d'un volcan actif".
LEÇONS NORD-IRLANDAISES
Dressant un parallèle avec le processus de paix en Irlande du Nord, The National tire quelques enseignements de ce conflit qui a vu, pendant des décennies, s'affronter deux communautés séparées par leur religion et leur histoire : tout d'abord, "on ne fait pas la paix avec ses alliés, mais avec ses pires ennemis". Le Royaume-Uni a ainsi dû négocier avec l'IRA, la branche la plus radicale du camp républicain. Pour le quotidien de Dubaï, tant que le Hamas n'entrera pas dans les négociations ou que les Palestiniensne s'afficheront pas unislors des grands rendez-vous, les discussions achopperont.
Le journal relève ensuite que pour pacifier une région, il faut des dirigeants forts et stables, bénéficiant d'un large soutien au sein de leur population, à l'image d'un Tony Blair, au pouvoir à Londres pendant dix ans, ou d'un Bertie Ahern, en poste à Dublin pendant onze ans. Or ni Nétanyahou, ni Abbas, ni Obama ne bénéficient d'une telle assise politique à long terme.
Le National estime enfin que le contexte géopolitique et économique est essentiel à la paix : en Irlande du Nord, les animosités politiques se sont apaisées lorsque le "tigre celtique" a connu son boom économique, dans les années 90. La Palestine connaît elle une situation économique plus qu'inquiétante, avec un PIB par Palestinien en recul de 30 % depuis 2000, selon une récente étude (PDF) de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement.
Face à ce sombre panorama, des voix s'élèvent pour que la notion d'égalité entre peuples, souvent délaissée, soit remise au cœur des débats. Sur Bitterlemons – un site associatif israélo-palestinien qui présente, chaque semaine, des points de vue des deux camps, sur un même thème –, l'avocate Diana Buttu, ancienne conseillère des équipes de négociation palestiniennes, souligne que quelle que soit la solution envisagée pour la région – un ou deux Etats –, il faudra surtout mettre fin au régime de ségrégation qui discrimine les Palestiniens et leur garantir les mêmes droits et devoirs que ceux accordés aux Israéliens. Pour Diana Buttu, l'accès équitable au progrès économique, à l'éducation ou à la culture est une condition sine qua nonau progrès de la paix dans la région. "L'égalité n'est pas une garantie infaillible de félicité, mais c'est déjà un bon début."
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