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M. Joseph, juif, collabo et résistant face à la Libération

CHRONIQUE - Lefigaro.fr sélectionne un album qui vient de paraître et analyse des planches image par image. Cette semaine, le quatrième tome de la série Il était une fois en France, intitulé Aux armes, citoyens ! signé Fabien Nury et Sylvain Vallée (Glénat).

» Cliquez ici pour voir les planches du tome 4 de la série Il était une fois en France

Les auteurs

Né en 1976, Fabien Nury effectue ses premières armes dans la publicité en tant que concepteur-rédacteur et responsable de création en 1998. En 2000, une rencontre déterminante assure son entrée dans le monde de la BD, celle de Xavier Dorison, le scénariste de la série Le troisième testament. Une fructueuse collaboration s'ensuit avec, en 2003, la publication d'un premier album La chute de Babylone, de la série W.E.S.T, que les deux auteurs cosignent. Le dessin est assuré par Christian Rossi. Toujours avec Dorison, il assure le scénario de l'adaptation cinématographique de la série culte Les Brigades du tigre, avec au casting, Diane Kruger, Clovis Cornillac et Edouard Baer. Fabien Nury mène en parallèle une carrière solo pour la bande dessinée avec Je suis Légion (John Cassaday au dessin), Le maître de Benson Gate (dessiné par Garreta) et Necromancy (avec Jack Manini). Il est également le scénariste de la série L'or et le sang, dont le tome 2 Inch'allah est sélectionné au festival de BD d'Angoulême 2011.

En 2006, il crée avec Sylvain Vallée la série culte Il était une fois en France, qui retrace, d'après sa véritable histoire, la vie de Joseph Joanovici, juif, milliardaire, ferrailleur et collabo sous l'Occupation. Ce quatrième tome fait également partie de la sélection officielle d'Angoulême 2011.

Né en 1972, Sylvain Vallée entre après un bac artistique à l'école Saint-Luc de Bruxelles de laquelle il sort diplômé pour devenir illustrateur indépendant. De retour en France, il publie en 1997 un premier album solo remarqué, L'écrin, polar teinté d'humour noir, publié aux éditions Le Cycliste. Toujours pour Le cycliste, il fait des illustrations inspirées de classiques de cinéma (Les Tontons Flingueurs, Un taxi pour Tobrouk, La traversée de Paris?) sous forme d'affiches qui connaissent un vif succès. Il entame la même année une longue collaboration avec Jean-Charles Kraehn pour la série Gil Saint-André aux éditions Glénat. Vendue à 300.000 exemplaires, la saga Il était une fois en France plusieurs fois sélectionnée à Angoulême et détentrice de nombreux prix, lui a permis de se faire connaître auprès d'un large public.

L'album

Eté 1944. La libération est proche. Alors que d'aucuns attendent ce moment avec impatience, Joseph Joanovici lui, a peur. Jusqu'à ce jour, à la fois collabo et résistant, son double jeu était bien huilé : il réussissait toujours à avoir un coup d'avance sur ses adversaires. La libération avance à grands pas, et avec elle la honte d'avoir participé au génocide de tout un peuple. Pour notre protagoniste, il faut faire vite. C'est une question de survie, comme toujours. Joseph n'a plus de répit, tout doit disparaître : ses états de service auprès du IIIe Reich , et surtout sa carte de gestapiste. Un juif qui a collaboré avec les nazis, peut-il y avoir pire crime ?
Fabien Nury a décidé de ne pas répondre à cette question. C'est en travaillant sur le scénario Les Brigades du tigre qu'il est tombé sur l'histoire incroyable de Joseph Joanovici. Au fil de ses recherches sur le personnage, il se rend compte que ceux qui ont écrit sur lui sont rarement d'accord : collabo et salaud pour les uns , grand résistant et bouc-émissaire pour les autres. Dans Il était une fois en France, son parti pris est de ni juger, ni de condamner. Certes il a collaboré, mais il a aussi sauvé 150 personnes des camps de la mort. Un grand paradoxe donc que le scénariste a choisi d'explorer, de mettre en exergue. Il fallait survivre coûte que coûte, préserver les siens, saisir toutes les opportunités. Le prix n'en est pas moins cher payé. Traqué, Joseph va être amené à sombrer un peu plus dans la noirceur, se salir les mains. Et affronter le regard impitoyable d'Eva, sa femme, qui découvre ses antécédents. Abattu Joseph ? Jamais ! Tel le roseau, il plie, mais ne rompt pas. Cependant, si dans les albums précédents, il pouvait être capable du pire et du meilleur, ici, le pire l'emporte.

La complexité du personnage est superbement relayée par le dessin réaliste de Sylvain Vallée, qui a su garder les deux aspects du personnage sans le faire chavirer d'un côté ou de l'autre. La variété des expressions de Joseph pouvant changer d'une case à l'autre, d'une seconde à l'autre, sont pleinement rendues. Tout se joue à quelques traits physiques, quelques coups de crayons que le dessinateur maîtrise à la perfection.

Finalement, Joseph Joanovici, grand héros ou salaud collabo ? Cet album, Aux armes citoyens, ne répond toujours pas à cette question, malgré un héros qui sombre de plus en plus dans le mal. L'ambiguïté est maintenue, le pari des deux auteurs, gagné.

Il était une fois en France, Tome 4, Aux armes, citoyens !, Glénat, 64 p., 14,50 euros.

M. Joseph, juif, collabo et résistant face à la Libération

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8 commentaires
  • Marcel002001001

    le

    Bonne idée deb retracer ce destin hors du commun. Néanmoins je reprocherai au titre d'inciter à l'amalgame , perfide danger!

  • mowglie

    le

    Robert Scaffa assassiné par monsieur Joseph était agent de liaison du groupe de mon père. J'ai suivi les procès au palais de justice après la libération. Un point important, ce monsieur est devenu "résistant" après le débarquement, lorsque le vent avait tourné. La BD est exacte à quelques détails près (ce qui est d'ailleurs précisé en avertissement)Merci à l'auteur de faire un portrait assez ressemblant

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