La Résistance belge fut aussi juive

Bernard Suchecky a fait oeuvre plus qu'utile ! En publiant "Résistances juives à l'anéantissement" qui est le fruit de longues et patientes recherches dans les archives européennes et américaines sur le comportement des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, cet historien belge qui travaille à Strasbourg met à mal le préjugé selon lequel trop de citoyens juifs auraient subi la déportation et l'extermination.

Christian Laporte

Bernard Suchecky a fait oeuvre plus qu'utile ! En publiant "Résistances juives à l'anéantissement" qui est le fruit de longues et patientes recherches dans les archives européennes et américaines sur le comportement des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, cet historien belge qui travaille à Strasbourg met à mal le préjugé selon lequel trop de citoyens juifs auraient subi la déportation et l'extermination. Aux antipodes de la thèse de la victimisation mais aussi de l'héroïsation excessive, l'historien montre au contraire qu'un grand nombre d'hommes et de femmes ont résisté eux aussi, engagés dans des mouvements organisés ou menant une résistance civile d'autant plus admirable qu'ils étaient doublement dans le collimateur des Nazis et de leur politique génocidaire. Pour ce faire, il ne s'est basé que sur des documents dûment soumis à la critique historique qu'il a tenu à expliquer à l'intention du lecteur.

"Il y avait une nécessité impérative de ne pas donner une narration linéaire et univoque. Je n'ai donc pas fait la vulgate d'autant plus que trop d'historiens se prennent pour les voix de l'Histoire. Priorité absolue donc aux documents !"

Cela se constate aussi dans la mise en page assez proche de celle du... Talmud !

"De fait, poursuit l'auteur, comme dans celui-ci, le texte de base est au centre et les avis éclairés des rabbins l'encadrent..." Bernard Suchecky n'a pas voulu non plus faire oeuvre apologétique "pour ne pas se draper dans les oriflammes glorieuses de la Résistance" mais aussi pour ne pas donner l'impression de trop mettre en valeur son propre père qui fut actif dans la résistance lyonnaise mais dont il n'a jamais pu percer la personnalité.

Reste que sa démarche s'imposait après la série "Holocauste" des années 70 et après les travaux, certes décisifs, de Raoul Hillberg mais qui reposaient surtout sur les documents allemands et pas sur les témoignages oraux des survivants. "Mon fil conducteur fut différent puisque je n'ai pas voulu refaire l'histoire de l'anéantissement mais celle de ceux qui ont tout mis en oeuvre pour ne pas être détruits".

Désobéissance civile

C'est dans ce contexte que s'inscrit l'aventure du Comité de défense des Juifs dont l'action allait rencontrer celles du Front de l'Indépendance. Un cas assez unique en Europe...

"Le CDJ entre on ne peut mieux dans ma démarche : ce n'était pas un mouvement de résistance militaire mais de désobéissance civile".

Bernard Suchecky fait aussi remarquer le caractère exceptionnel de l'attaque du XXe convoi par trois jeunes résistants : "c'est le seul cas en Europe. En Bulgarie, un pope avait appelé la population à se coucher sur les rails pour empêcher la progression des convois mais il n'y a pas eu de concrétisation".

L'historien ne compte pas en rester là : "il faut revenir à la matière première du travail historique, à savoir les documents". C'est pourquoi il prépare un ouvrage de critique historique des sources photographiques souvent héroïsantes... même si cela doit écorner certaines légendes.

"Résistances juives à l'anéantissement", Editions Luc Pire, 260 pp, 50 €

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