Israël: une fierté nationale écornée
Pour le rabbin Ovadia Yossef, maître à penser des religieux sépharades, c’est Dieu qui punit les Israéliens pour leur non-observance du chabbat. Pour le Hamas à Gaza, c’est Allah qui punit Israël pour son occupation de terres arabes.
- Publié le 06-12-2010 à 04h15
- Mis à jour le 06-12-2010 à 07h13
Correspondante à Jérusalem Pour le rabbin Ovadia Yossef, maître à penser des religieux sépharades, c’est Dieu qui punit les Israéliens pour leur non-observance du chabbat. Pour le Hamas à Gaza, c’est Allah qui punit Israël pour son occupation de terres arabes. Mais pour la majorité des Israéliens, le feu qui a ravagé les forêts du nord du pays, ces derniers jours, est à imputer aux gouvernants israéliens eux-mêmes.
Et alors qu’une trentaine d’avions et hélicoptères étrangers combattaient encore des derniers foyers d’incendie dimanche, les voix ont commencé à s’élever contre le gouvernement Netanyahou. Pour l’heure, celui-ci refuse d’être mis sur la sellette. Mais les appels se multiplient déjà pour l’établissement d’une commission d’enquête. Car en plus des pertes humaines et matérielles, la fierté nationale est sérieusement écornée.
Pour beaucoup, en effet, cet incendie est le "kippour des combattants du feu". De même que le pays et l’armée ont été pris de court lorsque les Etats arabes ont déclenché la guerre de Kippour en 1973, les pompiers d’Israël se sont trouvés démunis devant l’incendie du mont Carmel. Comment ce pays, qui se veut à la pointe de la technologie et sur pied de guerre permanent, s’est-il trouvé à la merci de l’aide internationale ?
Une aide appréciée, il faut dire. Benjamin Netanyahou espère qu’elle signale une détente à l’égard d’Israël dans le monde. Car lorsqu’ils rentreront chez eux, les équipages de l’air et les pompiers de terrain venus de l’étranger pourront rapporter qu’ils ont opéré en parfaite entente avec leurs hôtes israéliens. Ils ont été dépêchés, rappelons-le, par divers pays d’Europe, y compris la Turquie qui ne porte par Israël dans son cœur ces jours-ci, ainsi que par la Jordanie et l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas. Aux appareils étrangers, dont un Iliouchine russe à capacité de 42 000 litres d’eau, s’est joint, dimanche, le plus grand bombardier d’eau au monde, le "Supertanker" américain, un Boeing 747 qui largue 80 000 litres d’eau et de produit retardant en quelques secondes.
M. Netanyahou insiste : il n’y a "pas de honte" à recourir à cette aide. Mais pour les Israéliens, c’est frustrant. Car cela fait des années que les experts et le contrôleur de l’Etat mettent en garde contre le manque de personnel et d’équipement dont souffrent les corps de pompiers du pays. Des incendies de forêt ont déjà sévi par le passé dans le pays, notamment suite aux bombardements du Hezbollah durant la guerre de l’été 2006. Mais aucun gouvernement jusqu’à ce jour n’a jugé bon d’investir des budgets pour combler ces carences.
C’est pourquoi, estiment les analystes, le feu qui a éclaté près de la localité druze d’Ousfiya sur le Mont Carmel, jeudi, a pu se propager jusqu’aux abords de la ville industrielle d’Haïfa, détruisant sur son passage 5 000 hectares de parc naturel ainsi que des portions de localités juives et druzes, et brûlant vif au moins 41 Israéliens, druzes et juifs - cadets des services pénitentiaires, policiers et pompiers - qui allaient évacuer une prison locale.
L’origine même de l’incendie serait due à une négligence. La police accuse deux adolescents d’Ousfiya, des frères de 14 et 15 ans, d’avoir mal éteint les braises d’un narguilé. Ceux-ci nient, mais demeurent en état d’arrestation, et l’enquête se poursuit. Pas de doute, par ailleurs, que le vent et la sécheresse ont attisé et propagé les flammes. Mais par manque de moyens à Ousfiya, le feu n’a pu être étouffé sur place. Ensuite, ne possédant pas de bombardiers d’eau adéquats et manquant de retardant, les pompiers israéliens n’ont pu empêcher l’emballement du feu.
Dimanche dans la soirée, les principaux foyers d’incendie du Carmel étaient éteints, mais l’on craignait des reprises ponctuelles sous les cendres fumantes. M. Netanyahou a annoncé que de nouvelles aides étrangères n’étaient plus nécessaires.