
Les Etats-Unis ont abandonné l'idée d'obtenir un gel de la colonisation israélienne en Cisjordanie afin de relancer les négociations de paix et vont désormais se concentrer sur les "problèmes centraux" du conflit, a indiqué mardi un responsable de la Maison Blanche.
Cette nouvelle approche, qui tourne le dos à la stratégie énoncée par le président Barack Obama en septembre, devrait être discutée la semaine prochaine au département d'Etat à Washington, où négociateurs israéliens et palestiniens sont attendus, a confirmé le porte-parole du département d'Etat, Philip Crowley.
"Nous avons tenté de parvenir à un moratoire [de la colonisation] pour créer les conditions d'un retour à des négociations significatives et continues. Après des efforts considérables, nous sommes parvenus à la conclusion que cela ne crée pas de fondation solide pour parvenir à l'objectif commun d'un accord-cadre", a expliqué M. Crowley. Le porte-parole a assuré qu'il ne s'agissait "pas d'un changement de stratégie". "Il pourrait bien s'agir d'un changement de tactique", a-t-il toutefois concédé.

Cette annonce est venue confirmer des informations des médias israéliens, qui avaient indiqué plus tôt mardi que les Etats-Unis avaient pris acte de leur incapacité de relancer les négociations par un gel de la colonisation et cherchaient une "autre voie" pour parvenir à leurs fins.
"Dans les jours et les semaines à venir, nous allons parler avec les deux parties des problèmes centraux de ce conflit, ainsi qu'avec les pays arabes et d'autres partenaires internationaux, sur la façon de créer une fondation solide permettant d'arriver à l'objectif d'un accord-cadre sur toutes les questions du statut permanent", a souligné un responsable américain ayant requis l'anonymat.
"UNE CRISE DIFFICILE" DANS LES NÉGOCIATIONS
"Il n'y a pas de doute qu'il y a une crise, une crise difficile", a commenté Mahmoud Abbas, en visite officielle en Grèce, souhaitant que l'Union européenne "[joue] un rôle ensemble avec les Etats-Unis" dans le processus de paix.Le président palestinien avait reçu la réponse formelle des Etats-Unis, sous forme de lettre, dans la nuit de mardi à mercredi, a indiqué à l'AFP son porte-parole, Nabil Abou Roudeina. Pour reprendre les négociations, les Palestiniens exigent un gel de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, occupée et annexée.
Le négociateur palestinien Yasser Abed Rabbo s'est lui demandé comment Washington pourrait "imposer à Israël un règlement équitable fondé sur le droit international" après avoir échoué à obtenir un moratoire temporaire. "La politique de l'administration américaine a échoué en raison du coup que lui a porté le gouvernement israélien", a estimé M. Abed Rabbo à la radio officielle Voix de la Palestine.
"Cet échec nous pousse une fois de plus à nous tourner vers la communauté internationale dans son ensemble", a-t-il ajouté, exprimant "sa surprise devant la position américaine refusant la reconnaissance par le Brésil et l'Argentine de l'Etat palestinien".

Depuis Ramallah, un responsable palestinien a également réagi à l'annonce américaine en accusant le gouvernement israélien d'avoir rejeté la paix. "En refusant de donner une réponse claire aux Etats-Unis, Israël a refusé de geler la colonisation et de donner une chance à la paix dans la région", a regretté ce responsable sous couvert de l'anonymat.
"Ce recul américain va légitimer indirectement la poursuite de la colonisation et encourager l'occupant à [la] poursuivre et à commettre davantage de crimes contre le peuple palestinien", a estimé le porte-parole du mouvement islamiste Hamas à Gaza, Fawzi Barhoum. "La position américaine est un dérapage dangereux", a-t-il ajouté. Selon lui, le parti du président palestinien, Mahmoud Abbas, "a perdu son pari en comptant sur l'administration américaine, car les positions de cette dernière (...) dépendent totalement d'Israël".

SATISFACTION ISRAÉLIENNE
Les dirigeants israéliens affichaient leur satisfaction mercredi après le "changement de tactique" américain. "La partie américaine est arrivée à la conclusion qu'un gel en Judée-Samarie [Cisjordanie] ne réglera pas le problème […]. Nous avons dit d'entrée de jeu que la colonisation n'est pas la racine du conflit et qu'elle sert de prétexte aux Palestiniens pour refuser de négocier", a affirmé à la radio militaire Nir Hefetz, le porte-parole de Benyamin Nétanyahou. "Les attentes des Palestiniens, qui pensaient que l'on pouvait arriver à un accord sur les frontières durant les trois mois de gel, n'étaient pas raisonnables", a-t-il estimé.
"Le but n'était pas le gel mais de parvenir à un accord. Or, les Palestiniens doivent comprendre ce que les Américains ont compris, à savoir qu'il n'est pas possible d'isoler la question des frontières [du futur Etat palestinien] des autres questions clés", a affirmé à la radio publique Tzvi Hauser, secrétaire du cabinet israélien. Le chef du Conseil de sécurité nationale, Uzi Arad, s'est pour sa part voulu rassurant. "Les Américains savent que le premier ministre est sérieux et qu'il n'a aucune intention de gagner du temps", a-t-il affirmé.
Danny Dayan, le secrétaire général du Conseil des implantations de Cisjordanie, exultait mercredi, s'étant opposé pendant des mois à un nouveau moratoire sur la colonisation. "Israël a tenu bon et n'a pas cédé aux exigences étranges et extrémistes des Américains et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête. Les Américains ne nous ont même pas critiqué, s'est félicité M. Dayan à la radio militaire. Finalement, la crédibilité d'Israël, qui a su défendre ses intérêts nationaux, sort renforcée […]."
L'ONG israélienne La Paix maintenant a, pour sa part, exhorté le gouvernement Obama à "montrer aux parties que faire obstruction aux efforts de paix doit avoir des conséquences". "Il faut que le président […] redouble de pressions tant sur les Israéliens que sur les Palestiniens pour qu'ils prennent les mesures nécessaires pour la paix", a ajouté l'organisation.
Le "changement de tactique" américain intervient seulement trois mois après la relance solennelle des négociations directes par M. Obama lors d'un sommet à la Maison Blanche en présence du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et du président palestinien Mahmoud Abbas. A l'époque, M. Obama, qui a fait de la résolution du conflit israélo-palestinien l'un des grands objectifs de son mandat, avait défini l'objectif de parvenir à une solution à deux Etats dans un délai d'un an.
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