Les Israéliens s'insurgent contre la vie chère

Désormais, Israël a lui aussi ses "indignés". Pour la première fois depuis des décennies, le grand public est sorti de son apathie et place ses soucis socio-économiques en tête du débat national, loin des sacro-saintes questions sécuritaires.

Renée-Anne Gutter
Les Israéliens s'insurgent contre la vie chère
©EPA

Correspondante à Jérusalem Désormais, Israël a lui aussi ses "indignés". Pour la première fois depuis des décennies, le grand public est sorti de son apathie et place ses soucis socio-économiques en tête du débat national, loin des sacro-saintes questions sécuritaires.

Et quoique les manifestants ne cherchent pas nécessairement à renverser le gouvernement Netanyahou, soudain ce dernier n'est plus aussi indéboulonnable qu'il croyait. Car 87 % des Israéliens soutiennent le mouvement de protestation, et 54 % critiquent la gestion de la crise par le Premier ministre.

Pourtant, en macro, les chiffres de l'économie israélienne sont bons : 5 % de croissance pour 2011, chômage redescendu à 5,7 %. Mais au quotidien, les salaires stagnent et la vie devient chère. Pas seulement pour les démunis traditionnels, mais aussi pour la classe moyenne. Car le libéralisme a tué l'Etat providence, laissant les outils socio-économiques aux mains de monopoles parastataux et de cartels privés. Et la classe moyenne, qui paie autant de sa poche (en lourds impôts) que de sa personne (en service de réserve à l'armée), se sent "pressée comme un citron" face à l'élite fortunée, ou face aux groupes d'intérêts qui profitent de leurs connexions politiques pour rafler les budgets gouvernementaux.

Ainsi, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 39 % des Israéliens éprouvent des difficultés à nouer les deux bouts. Ils sont longtemps restés passifs. Mais désormais, ils affichent leur ras-le-bol.

Cela a débuté il y a quelques semaines par le boycott de fromages coûteux dans les supermarchés. Puis, il y a quinze jours, des étudiants ont commencé à planter leurs tentes sur le boulevard Rothschild en plein Tel-Aviv, pour protester contre le prix exorbitant des locations en ville. Ils ont rapidement été rejoints par des concitoyens partout dans le pays, qui s'élèvent contre le coût de l'immobilier (pénurie de logements greffée sur hausse des prix vertigineuse), contre le coût de la vie en général et contre la distribution injuste des ressources du pays.

Aujourd'hui, des milliers d'Israéliens -familles, particuliers, professions libérales, tous courants confondus- campent dans des "cités" de tentes au cœur de Tel-Aviv, Jérusalem, Haïfa et d'innombrables localités en périphérie nord et sud du pays. Y compris dans le secteur arabe israélien. Sans compter la grève et les marches de protestation des médecins du service public, qui exigent de meilleures conditions de travail.

Samedi dernier, des dizaines de milliers de ces "campeurs" se sont retrouvés pour un vaste meeting à Tel-Aviv. Ce jeudi, cela a été la "marche des poussettes" dans tout le pays, des milliers de jeunes parents ont traversé leurs localités respectives, poussant landaus, bébés, ribambelles d'enfants, pour protester contre la cherté de l'éducation et de la vie ménagère, qui manquent de subsides gouvernementaux. Des manifestants sont également montés jeudi sur le toit de la Bourse de Tel-Aviv, s'insurgeant contre "le contrôle des finances par une poignée de grands groupes qui accaparent tous les fruits de la croissance nationale" . Ce samedi, des marches sont à nouveau prévues partout.

Pris de court, Benjamin Netanyahou a annoncé cette semaine un plan d'urgence pour réformer le marché du logement et baisser le prix du lait. Pas suffisant, disent les manifestants. Et la puissante centrale syndicale Histadrout, qui soutient les "indignés", menace : si M. Netanyahou n'est pas prêt à discuter de "vraies solutions" , elle utilisera à partir de dimanche "tous les moyens à sa disposition" pour appuyer les revendications des manifestants.

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