La rue israélienne entendue

Il a fallu que la "révolte sociale" entre ce week-end dans sa quatrième semaine et enregistre un record historique de participation, pour que le gouvernement accepte finalement son authenticité et commence à la prendre en compte.

Renée-Anne Gutter
La rue israélienne entendue
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Correspondante à Jérusalem Il a fallu que la "révolte sociale" entre ce week-end dans sa quatrième semaine et enregistre un record historique de participation, pour que le gouvernement accepte finalement son authenticité et commence à la prendre en compte.

" Le peuple exige la justice sociale ", c'est ce qu'ont scandé samedi soir près de 350 000 Israéliens dans tout le pays. Dont 280 000 à Tel-Aviv, 30 000 à Jérusalem, et encore des milliers en périphérie nord et sud du pays. Plus du double d'il y a huit jours. Du jamais vu en Israël, retransmis en direct durant plusieurs heures sur toutes les chaînes de télévision nationales.

Aussi, après avoir dénigré la contestation et cherché à la désamorcer par des promesses théoriques, le Premier ministre Netanyahou a dû se résoudre dimanche à donner un coup d'envoi concret. Une commission de ministres et d'experts va s'asseoir à partir de cette semaine avec les délégués des manifestants pour examiner comment réduire le coût de la vie au niveau du logement, de l'éducation et de la santé, et comment mieux répartir le fardeau fiscal. Elle a jusqu'à septembre pour soumettre des recommandations au gouvernement, qui devrait alors les mettre en œuvre au plus vite.

Mais les manifestants demeurent sceptiques. Leur direction -qui représente les 70 "cités de tentes" où vivent désormais des milliers de contestataires à travers le pays- a mis sur papier des revendications détaillées, impliquant un renversement fondamental des priorités socio-économiques, avec un retour massif à l'Etat-Providence qu'Israël avait connu à ses débuts et qui a fait place, ces dernières décennies, à un néolibéralisme tous azimuts.

Or, M. Netanyahou a déjà mis en garde : il se veut " à l'écoute de chacun ", mais " ne pourra pas satisfaire tout le monde ". Champion inflexible du capitalisme, il tient à maintenir la croissance positive que connaît aujourd'hui l'économie israélienne. Brandissant le spectre d'une banqueroute à l'européenne et à l'américaine, il refuse à la fois de déborder du cadre budgétaire national et de toucher aux investisseurs, au secteur des affaires.

Ses principales solutions pour réduire le coût de la vie : augmenter la compétitivité en brisant les cartels et les monopoles, baisser les taxes indirectes et réajuster les impôts directs. Et vu la menace imminente d'une reconnaissance de l'Etat palestinien à l'Onu, pas question de sacrifier la sécurité nationale et l'implantation juive dans les territoires.

Les manifestants ne comptent donc pas désarmer. Aux étudiants, aux jeunes familles, aux particuliers de tous bords se sont maintenant ajoutées de nombreuses associations et unions professionnelles -enseignants, puéricultrices, assistants sociaux, agriculteurs, artistes, rabbins, scouts, retraités, immigrants, chauffeurs de taxi, épouses des policiers. L'Union des pouvoirs locaux, qui rassemble les mairies et conseils régionaux du pays, est également solidaire. Comme l'est la puissante centrale syndicale Histadrout, qui représente quelque 800 000 familles de travailleurs de toutes les couches sociales.

Même les colons des territoires occupés se sont joints au mouvement. Bien que favorisés par les budgets gouvernementaux, eux aussi se plaignent de ne pas pouvoir boucler leur fin de mois. Pour régler le problème du logement, ils appellent toutefois à multiplier les colonies. Samedi, transcendant les divergences politiques, des milliers d'entre eux ont manifesté non seulement aux côtés de leurs concitoyens juifs, mais -chose rare- aux côtés de leurs concitoyens des minorités druze et arabe d'Israël.

D'après les derniers sondages, 88 % des Israéliens soutiennent la contestation, 84 % jugeant que le gouvernement investit trop peu dans le bien-être des citoyens. Un nouveau parti issu du mouvement actuel pourrait obtenir jusqu'à 20 sièges sur les 120 que compte la Knesset. Rappelons que le Likoud de Benjamin Netanyahou en compte actuellement 27.

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