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PROCHE-ORIENT

Le "Superman israélien" Meir Dagan entre en dissidence sur le dossier iranien

Dimanche, sur l'antenne de la chaîne américaine CBS, Meir Dagan s'est opposé à une opération israélienne contre l'Iran. Lorsqu'il était à la tête du Mossad, celui-ci avait pourtant fait de l'objectif iranien une priorité. Portrait.

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Meir Dagan est connu pour être pugnace. Pendant les huit années (2002-2010) qu'il a passées à la tête du Mossad, les renseignements extérieurs israéliens, il a cumulé un certain nombre de succès en matière de lutte contre le terrorisme et contre le programme nucléaire iranien. Pourtant, dans un entretien diffusée dimanche dans l’émission "60 minutes" de la chaîne américaine CBS, celui-ci s’est dit opposé à des frappes israéliennes contre les installations nucléaires iraniennes, qualifiant l’Iran d’acteur "rationnel".

"Attaquer l’Iran avant d’avoir réfléchi à toutes les autres approches n’est pas viable […]. Il [Barack Obama] a clairement dit que l’option militaire est envisageable et qu’il ne laisserait pas l’Iran se doter de l’arme nucléaire, et d’expérience je fais confiance au président américain", a-t-il lancé.
 
Au-delà du risque d'un déclenchement d'une guerre régionale que pourrait provoquer l'option militaire défendue par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, Meir Dagan doute de l’efficacité de la démarche. Pour lui, en effet, il n’y aurait pas quatre mais douze infrastructures atomiques connues en Iran. De ce fait, une attaque pourrait éventuellement permettre de retarder le développement de l’activité nucléaire iranienne, mais en aucun cas l'annihiler.
 
L’obsession iranienne
 
Depuis qu'il a quitté la direction du Mossad en novembre 2010, Meir Dagan a multiplié les déclarations polémiques, affirmant par exemple publiquement en février dernier qu’attaquer l’Iran était "une idée stupide". Pourtant, celui qui plaide aujourd’hui pour la prudence a construit sa réputation sur ses faits d’armes et la brutalité de ses méthodes. Après 44 ans passés au service de l’État hébreu, l'homme est une légende vivante en Israël. Longtemps engagé au sein de Tsahal, il a commencé sa carrière dans l’unité d’élite "Sayeret Matkal" pendant la Guerre des Six-Jours, en 1967. Au début des années 1970, il dirige un commando infiltré chargé de combattre la violence dans les territoires palestiniens. C’est ensuite lors de la Guerre de Kippour, en 1973, et de la guerre du Liban, en 1982, qu’il se fait remarquer. Une machine de guerre...
 
C’est pour son côté "barbouze" - pour reprendre les mots d'Ariel Sharon - que l’ancien Premier ministre le nomme en 2002 à la tête du Mossad, à l'époque où il souhaitait se séparer d’Ephraim Halevy jugé trop "diplomate". Sharon aurait alors dit à Dagan qu'il voulait un Mossad "avec le couteau entre les dents". En prenant ses fonctions, Meir Dagan reçoit la lourde tâche de redynamiser un service en berne depuis les années 1990. Mission accomplie pour l’ancien officier de Tsahal qui a vu son mandat à la tête des renseignements renouvelé à trois reprises - un record en Israël où les dirigeants du Mossad sont rarement restés en poste plus de quatre ans.
 
Dès le début, le Mossad de Dagan concentre ses efforts sur l’Iran. À la fin de 2002, le Mossad est l'un des premiers à récupérer l'information d’une coopération entre le Pakistan et l’Iran pour la construction d’une usine d'enrichissement d'uranium à Natanz. Par la suite, Meir Dagan semble n’avoir jamais lésiné sur les moyens pour enrayer le programme nucléaire iranien. Téhéran l’accuse de divers incidents : laboratoires incendiés, infrastructures détruites, virus informatique, assassinats ciblés, etc. Au moins trois scientifiques iraniens ont été tués dans des attentats non revendiqués entre 2007 et 2010. Le dernier en date a visé Mostafa Ahmadi Roshan, physicien et directeur adjoint du site d'enrichissement nucléaire de Natanz, qui a trouvé la mort dans l’explosion d'une bombe magnétique placée sur sa voiture.
 
La sophistication des méthodes d’exécution a poussé de nombreux observateurs à attribuer ces attaques au Mossad. "L'implication des Israéliens dans ces décès est plus que probable", expliquait Alain Rodier, spécialiste du renseignement militaro-industriel et du terrorisme au Centre français de recherche sur le renseignement, en janvier dernier, sur FRANCE 24. Selon l’expert, le Mossad serait aussi, "sans doute", derrière l’apparition du virus "suxtnet" qui a infecté quelque 30 000 ordinateurs des centrales nucléaires iraniennes durant l’été 2010.
 
Le "Superman israélien"
 
Dagan a également dirigé une série d'opérations contre des terroristes islamistes qui lui ont valu le surnom de "Superman d’Israël" dans la presse égyptienne. On lui attribue notamment la disparition du chef de la branche militaire du Hezbollah, Imad Moughnieh, en février 2008, ainsi que celle du général Moustafa Souleimane, conseiller militaire du président syrien Bachar al-Assad, assassiné en août 2008 d’une balle dans la tête.
 
Une série de succès contrastés par un sérieux revers intervenu en janvier 2010 avec l’assassinat, à Dubaï, de Mahmoud al-Mabhouh, l’un des leaders du Hamas. Attribuée à des agents du Mossad - bien qu’Israël ait toujours nié toute implication dans l'affaire -, l’opération, filmée par les caméras de surveillance de l’hôtel où Mabhouh a été assassiné, vire au fiasco diplomatique. Rarement une opération supposée du Mossad n’a eu aussi mauvaise presse. Les autorités de Dubaï demandent la démission de Dagan, mais la requête reste lettre morte… sur le moment. Quelques mois plus tard, Benjamin Netanyahou le remplace par Tamir Pardo. Dagan, lui, dit avoir démissionné, mais beaucoup estiment que la bavure de Dubaï lui a coûté sa place.
 
Dans l'ombre de la Shoah
 
À 65 ans, ce va-t-en-guerre notoire n’en reste pas moins complexe. Fils de survivants de la Shoah, Meir Dagan (Hubermann) est arrivé en Israël à l'âge de cinq ans. Ce végétarien qui a passé sa vie sur les théâtres de guerre avait l’habitude de montrer la photo de son grand-père, exterminé pendant la Seconde Guerre mondiale, à ses agents avant de les envoyer en mission.
 
Hanté par l’idée que l’Holocauste ne doit jamais se reproduire, il reconnaît sur CBS qu’il ne "peut pas ne pas prendre en considération le scénario d’une majorité d’Israéliens qui seraient tués si l’arme nucléaire était utilisée contre Israël".
 
Mais à l’intransigeance qui le caractérise sont venus s’ajouter la patine des années et de l’expérience. Et celui qui s’enorgueillit d’avoir freiné l’armement nucléaire de l’Iran pendant ses huit années à la tête des renseignements extérieurs israéliens maintient qu’il est plus raisonnable d’attendre avant de frapper car, dit-il, "si on sait où les guerres commencent, on ne sait pas où elles finissent…"

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