Une colonisation juive "légale"

Un clou supplémentaire dans le cercueil de la paix entre Israël et les Palestiniens ? Contrairement à la conception internationale selon laquelle la Cisjordanie palestinienne est un territoire "occupé" par Israël et la colonisation juive y est "illégale", une commission juridique israélienne a statué...

Renée-Anne Gutter, Correspondante à Jérusalem
Une colonisation juive "légale"
©AP

Un clou supplémentaire dans le cercueil de la paix entre Israël et les Palestiniens ? Contrairement à la conception internationale selon laquelle la Cisjordanie palestinienne est un territoire "occupé" par Israël et la colonisation juive y est "illégale", une commission juridique israélienne a statué : Israël ne répond pas aux critères juridiques internationaux d’"occupant militaire" de la Cisjordanie, et l’installation d’une population juive dans cette région est "légale".

Présidée par Edmond Lévy, juge à la retraite de la Cour suprême israélienne, cette commission de juristes a été mise sur pied en janvier dernier par le Premier ministre Benjamin Netanyahou, sous la pression des colons qui tiennent à régulariser la situation de leurs colonies "sauvages".

En effet, quelque 120 colonies ont été établies en Cisjordanie au fil des décennies avec l’aval des gouvernements israéliens successifs, que ces derniers aient été travaillistes ou de droite. Mais depuis les années 1990, une centaine d’"avant-postes" s’y sont ajoutés de façon "sauvage", sans permis gouvernemental, forçant la Cour suprême israélienne à ordonner le démantèlement de plusieurs d’entre eux.

Dans son rapport, qui a "fuité" dans la presse israélienne ce lundi, la commission Lévy recommande de légaliser ces colonies "sauvages" et d’assouplir les réglementations mises en place par Israël en Cisjordanie depuis 1967 afin d’y faciliter l’implantation juive de façon générale.

Le gouvernement devrait décider prochainement s’il adopte ou non ces recommandations. Si c’est le cas, la colonisation pourra progresser de plus belle, au grand dam des Palestiniens et de la communauté internationale.

La Cisjordanie, rappelons-le, a été envahie par Israël lors de la guerre des Six Jours en juin 1967. Auparavant, elle avait été contrôlée par la Jordanie. Jusqu’en 1988, le Royaume hachémite en a revendiqué la souveraineté, bien que celle-ci n’ait jamais été reconnue par la communauté internationale.

En 1988, le roi Hussein de Jordanie a définitivement et officiellement abandonné toute revendication sur la Cisjordanie, suite à la déclaration d’indépendance de la Palestine, faite cette année-là à Alger par Yasser Arafat. Une déclaration qui était virtuelle à l’époque, il est vrai, puisque le raïs palestinien était alors en exil et qu’aucun accord n’avait encore été conclu avec Israël.

Ces faits, argue Alan Baker, membre de la commission et ancien conseiller juridique des Affaires étrangères israéliennes, font que le statut de la Cisjordanie est indéterminé. Israël ne s’y trouve donc pas en territoire souverain étranger.

Le rapport Lévy, premier du genre en Israël, conforte le gouvernement de droite dans sa conviction que la "Judée-Samarie" (nom biblique de la Cisjordanie) n’est qu’un territoire "en dispute", où Israël est libre de consolider sa mainmise en attendant un règlement négocié. Les colons appellent donc Benjamin Netanyahou à faire du rapport "son nouveau credo" et à le mettre en œuvre au plus vite.

Pourtant, la commission s’inscrit en faux contre la Cour suprême israélienne qui, à la majorité de ses juges, a toujours vu dans la Cisjordanie un territoire "sous occupation belligérante", soumis aux lois et conventions internationales.

Le rapport Lévy suscite donc une levée de boucliers parmi les défenseurs israéliens des droits de l’homme. Ceux-ci y voient un "manifeste politico-idéologique" plutôt qu’un travail objectif, et craignent que son adoption par le gouvernement ne marque l’annexion de facto de la Cisjordanie. Pour l’Association israélienne des droits civils, le rapport "ne fera qu’approfondir l’injustice et la discrimination pratiquées depuis quarante-cinq ans par Israël envers la population palestinienne".

Plusieurs experts invalident aussi l’argument jordanien, invoqué par la commission : bien que la Jordanie ait abandonné toute revendication sur la Cisjordanie, les résolutions adoptées par l’Onu au fil des ans prouvent que la communauté internationale destine ce territoire aux Palestiniens. Si le rapport est mis en œuvre, les Palestiniens pourraient en toute logique porter l’affaire devant la Cour internationale de la Haye.

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