Même si le nombre d’incidents liés aux armes à feu est bien plus faible, comparativement, en Israël qu’aux Etats-Unis, le fait divers sanglant qui s’est déroulé, lundi 20 mai, dans une banque de Beersheba, la grande ville du Néguev, repose la question du nombre d’armes en circulation et de la facilité avec laquelle chacun peut s’armer dans l’Etat juif. L’assassin, Itamar Alon, âgé de 40 ans, a tué quatre personnes dans une succursale de la banque Hapoalim, avant de se donner la mort. L’identité de ses victimes –Avner Cohen et Meir Zeitoun, le directeur de la banque et son adjoint, puis deux clients (Anat Even-Haim et Idan Schnitzer Sabari) – éclaire, dans une certaine mesure, son geste.
Dans la matinée, Itamar Alon s’était rendu dans cette banque pour retirer de l’argent. Sa demande ayant été refusée, en raison d’un découvert de 6 000 shekels (1 269 euros), il est revenu peu après avec son arme pour tuer immédiatement les deux responsables de l’établissement, puis une femme et un homme qui attendaient à un guichet. Miriam Cohen, une employée de la banque, a eu beaucoup de chance : prise en otage par le tueur, elle l’a supplié jusqu'à que celui-ci consente à la relâcher, avant de se suicider. Au-delà des circonstances de ce drame, la personnalité du tueur retient l’attention.
"UN EXCELLENT OFFICIER"
Ancien capitaine de l’armée israélienne, Itamar Alon qui vivait avec ses parents à proximité de la banque, a effectué une partie de son service militaire dans la police des frontières, participant notamment à de nombreuses patrouilles communes avec les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne. "Un homme calme, un excellent officier, il n’y avait aucun problème avec lui", commente son ancien commandant. Revenu à la vie civile, il a travaillé comme garde de sécurité dans plusieurs établissements éducatifs, recevant en 2002 les félicitations de la municipalité de Beersheba pour sa bravoure lors d’une attaque terroriste.
Les choses se gâtent ensuite : licencié l’année suivante, il a été arrêté en 2011 après une violente dispute avec un voisin. Depuis son passage sous les drapeaux, seize ans plus tôt, Itamar Alon a toujours conservé une arme. Après son arrestation, alors que la police exigeait qu’on la lui retire, un tribunal a refusé cette demande, estimant que le passé sécuritaire d'Itamar Alon en faisait une cible potentielle et qu’il avait le droit de se défendre. La tuerie de Beersheba est la troisième en sept mois impliquant un membre ou un ancien membre de la police des frontières. En octobre 2012, l’un d’eux a tué son ex-femme avec son arme de service, avant de se donner la mort, à Bat Yam, une banlieue du sud de Tel-Aviv. Dans la même localité, un policier a tué sa femme, le 12 mai, avant de se suicider.
RÉDUIRE LE NOMBRE D’ARMES EN CIRCULATION
Depuis 2002, 17 femmes ont été tuées par un conjoint ou partenaire appartenant aux forces de police. Le chef des opérations de la police israélienne, le général Nissim Mor, a récemment présenté un plan pour obliger les sociétés de sécurité à récupérer les armes détenues par leurs employés lorsque ceux-ci ont achevé leur journée de travail. Ce projet a été vivement critiqué par plusieurs experts des questions de sécurité. Selon le député Israel Hasson, du parti centriste Kadima, qui est un ancien responsable du Shin Bet (service de renseignement intérieur), la seule solution est de réduire le nombre d’armes en circulation détenues (avec licence de port d’arme) par des citoyens privés, qui est de 292 625.
Sur ce total, qui ne comprend pas celles des soldats et des policiers, 160 000 armes sont en possession de citoyens israéliens considérés en situation de danger potentiel : il s’agit essentiellement d’anciens membres des forces de sécurité ou de résidents des territoires palestiniens. Dans les faits, il s’agit de colons, lesquels doivent simplement prouver qu’ils habitent à proximité des territoires occupés. A ces "armes privées" s’ajoutent 130 000 armes enregistrées au nom d’organisations qui emploient des gardes de sécurité.
Ces chiffres signifient qu’un Israélien sur 19 possède légalement une arme à feu, laquelle fait l’objet d’une licence qui doit, en principe, être renouvelée tous les trois ans. C’est une proportion importante, qui tend à relativiser le nombre d’incidents dus à des armes à feu. D’autant qu’avec les soldats qui arborent leur fusil d’assaut M16 en bandoulière, les rues des villes israéliennes offrent le spectacle habituel d’hommes et de femmes, en uniforme ou en civil, portant un fusil ou un pistolet à la ceinture.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu